Les Monts De Cuivre - 11 -
Un peu avant l'aube, Abeth sorti du sommeil. Il se dépêcha de secouer Gorio, sans lui laisser le temps de s'étirer.
— Commence à chercher les pierres. Bouge-toi nos geôliers ne tarderont pas
Le butorobéi. Peu après, il extirpait du sol plusieurs pierres.
— Nous en gardons une chacun. Tu remets les autres sous la terre. Tâche de faire en sorte que personne ne sache que nous avons creusé ici, décida Abeth
Gorio obtempéra. Il veilla à niveler parfaitement le sol. Quand il eut terminé, Il demanda à Abeth :
— Et maintenant ?
— Sois patient, quelque chose me dit que très bientôt, ils vont venir nous demander de l'aide.
Son visage se fendit d'un sourire calculateur. Un peu perdu, Gorio l'interrogea :
— Pourquoi ils feraient ça ?
Le sourire d'Abeth se fit rictus.
— Pour l'eau, imbécile ! Je crois qu'elle va manquer.
Gorio comprit enfin.
— Ce que t'es intelligent, chef !
— Plus que toi, c'est sûr, heureusement, sinon je ne serais pas resté chef longtemps, quand la grande obscurité nous a frappée, j'aurais fini en rôti !
Il eut un bref éclat de rire.
— La réflexion et la patience, Gorio, il n'y a que cela qui paie...
Il se tut. Son comparse fit de même. Tous deux se voyaient déjà libres et prêts à reprendre leurs exactions.
C'est une heure plus tard que Dokar, accompagné d'Obro, rentra dans la hutte des prisonniers. On venait juste de leur apporter à manger et à boire. Cela ne troubla pas le jeune seigneur d'Ikryl. Il rentra aussitôt dans le vif du sujet.
— Il paraît que tu connais des points d'eau dans la montagne ? Non asséchés, bien sûr...
Abeth fronça les sourcils.
— Qui vous a parlé de ça, seigneur ?
— C'est faux ?
Abeth haussa les épaules.
— J'en connais quelques-uns, deux ne sont pas très loin. Je n'y suis pas allé depuis longtemps, alors je ne vous garantis pas qu'ils donnent encore de l'eau aujourd'hui.
Dokar l'examinait avec attention. Il découvrait que l'homme s'était sans doute attendu à une telle demande de sa part.
C'est un sournois et il est diablement intelligent ! Il va falloir jouer serré !
De vive voix, il déclara, en désignant Obro :
— Mon aide de camp va t'accompagner jusqu'à ces fameux points d'eau. Tu lui montreras le chemin.
— J'y gagne quoi ?
— Tu es toujours en vie, tu es nourri, logé et bien traité, cela suffit amplement.
Un silence suivit, durant lequel les deux hommes s'affrontèrent du regard. C'est Abeth qui baissa les yeux le premier.
— C'est entendu.
— Termine de manger. Vous irez après.
Il sortit de la hutte sur ces mots en compagnie d'Obro.
— Surtout, sois très prudent. Je soupçonne fortement ce cloporte de nous préparer un mauvais coup. Je doute fort, d'ailleurs qu'il y ait la moindre goutte d'eau, là où il va te conduire.
— De toute façon, Jolo m'accompagne. Pardonnez-moi, seigneur, mais souhaitez-vous en fait l'amener à se découvrir, d'une manière où d'une autre ?
— Peut-être, il reste la possibilité qu'il soit honnête et qu'il te conduise vraiment vers une source. Mais, sincèrement, je n'y crois pas.
— Je vois...
— Bien, laisse-lui vingt minutes pour manger. Pour ma part, je t'envoie Jolo.
Le jeune seigneur s'éloigna sur ces mots. Obro patienta...
Après le départ d'Abeth et de son escorte, Dokar forma des équipes afin de prospecter les environs. Ovaïa avait pris note de ces décisions sans faire de commentaires. Bien sûr, elle pensait qu'utiliser les services du chef des grottes jaunes était peu judicieux. Elle supposait que son beau-frère avait pris toutes les précautions utiles, au cas où.
Pour l'heure, la jeune femme s'installait devant l'habitation, avec son bébé. Elle jeta un coup d'œil du côté du totem. Elle se demandait si le Kurior était toujours là, caché derrière l'édifice. Puis elle détourna la tête. Cette fois, elle fixa son attention sur les huttes qui l'entouraient. Des gens en sortaient ou alors rentraient. Ils vaquaient à leurs occupations du matin, tandis que les hommes de Dokar distribuaient de la nourriture et de l'eau. Ovaïa soupira. Elle pensa brièvement, que si elle avait été seule, elle se serait déjà mise en route. Puis elle sut aussi que sans Dokar ou même Jolo, elle serait à la merci d'Abeth et de l'affreux Gorio. Oui, l'essentiel était qu'elle et son bébé soient vivants. La jeune femme cessa de s'inquiéter et laissa ses pensées divaguer....
Le Kurior, furtivement, naviguait rapidement entre les maisons. Personne ne le voyait, car il savait passer inaperçu. Son but était simple : atteindre le puits situé au centre du village. À son arrivée, il n'y avait personne aux alentours. Le dragon fixa l'ouvrage circulaire, creusé deux siècles plus tôt par les fondateurs du clan des pierres. Des gens, sans nul doute, très compétents. L'animal s'avança plus près, posa ses pattes avant sur la margelle et plongea le regard en direction des profondeurs. Il flaira longuement les odeurs qui lui parvenaient, des senteurs de pierres, de sable, rien d'humide en tous les cas, l'eau avait déserté cet ouvrage depuis plusieurs semaines déjà. Néanmoins, le Kurior savait qu'elle était là... Il sauta sur le cercle de pierre entourant le trou. Sa queue en double pointe fouetta l'air chaud et sec environnant. La bête ferma ses yeux rouges, sa gueule s'ouvrit à demi, il émit un long sifflement continu. Presque aussitôt, autour du puits, le sol se mit à trembler... Le Kurior quitta la margelle. Ce fut pour plonger son regard vers le fond. Là, de l'eau venait d'apparaître, elle montait dans le cylindre de brique, le dragon se recula... L'ondée rafraîchissante déborda du puits...
À cet instant, un cri de frayeur retentit dans le dos du Kurior. Il fit volte face, une femme levait les bras en l'air en criant :
— La bête ! La bête est revenue !
Alors le dragon, sans demander son reste, se sauva...
Dokar arriva sur les lieux en compagnie d'Ulkir. La femme ne criait plus, elle fixait le puits débordant avec incrédulité. Le seigneur d'Ikryl fit de même, tandis que l'intendant s'exclamait :
— Quelle est cette sorcellerie ?
Sans répondre, Dokar s'avança. Bien qu'empli de craintes, Ulkir l'imita.
L'eau ne débordait plus. Le puits était plein jusqu'en haut, comme après une pluie d'orage. Dokar plongea ses mains en coupe, découvrit qu'elle était fraîche, porta à ses lèvres cette manne liquide et sut aussi qu'elle était pure, Il ordonna aussitôt à son intendant :
— Fais apporter toutes les outres dont nous disposons pour les remplir.
— Vous êtes sûr, seigneur ?
— Tu devrais déjà être revenu !
Ulkir obtempéra...
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