Les Monts De Cuivre - 14 -

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Jolo, dès qu'il avait su la jeune femme partie, ne s'était pas interrogé. Tout ce qui lui importait de savoir, c'est qu'elle était seule, sans protection et qu'Abeth hors de contrôle, pouvait à tout moment la croiser. Le jeune homme quitta précipitamment la localité avec une seule priorité : ramener Ovaïa à l'abri auprès de Dokar.

****

Abeth lorgnait sur la jeune femme. Dans sa tête, il pensait déjà au moment où il l'aurait à sa merci. Il se voyait bondir sur elle, l'assommer, la porter dans un endroit tranquille, profiter d'elle avant de la tuer ainsi que son enfant, puis enfin se repaître de leurs chairs à tous les deux. Il en salivait et ne doutait pas de réussir. Sa trop grande confiance devait le perdre, le rendre sourd à ce qui l'entourait. Ainsi, il ne sentit pas le corps fluide et écailleux du Kurior passer derrière lui.

Abeth allait se jeter sur Ovaïa, mais, le dragon fondit sur lui. L'homme s'en retrouva déséquilibré, ses pieds et ses jambes perdirent les prises qu'il avait sur la roche, il glissa, bascula en avant, effectua un roulé-boulé incontrôlé et s'écrasa sur la sente en contrebas, juste devant la jeune femme.

Stupéfaite, elle stoppa brusquement et fixa Abeth qui tentait de se redresser péniblement. Il n'en eut pas le temps, le Kurior arriva sur lui, et d'une pression puissante de ses pattes avant, le bloqua à terre, ouvrit sa gueule dégoulinante de bave et hérissée de dents et les planta profondément dans l'une de ses jambes.

Jolo, hors d'haleine, arriva juste à cet instant-là, sur les lieux...

La jeune femme nota machinalement la présence de Jolo. Par contre, sa consternation d'avoir vu Abeth s'aplatir sur le sol, quasiment à ses pieds, demeurait. Elle contemplait la scène et comprenait que le Kurior venait de lui sauver la vie. Elle se focalisa sur la bête qui venait de lâcher la jambe de sa proie. À présent, le dragon visait la tête. Ovaïa ordonna à cet instant :

— Ne le tue pas !

Aussitôt, la bête porta son attention sur elle. Elle ferma sa gueule suintante de mucus, mais maintenait fermement l'homme à terre. Celui-ci grimaçait de douleur. Ovaïa l'examinait sentant qu'elle avait le pouvoir de faire passer cet homme de vie à trépas. Cela la grisa... quelques secondes, puis la terrorisa. Ovaïa se détourna et remarqua la présence de Jolo, elle s'étonna :

— Que fais-tu ici ?

— Et toi ? Pourquoi as-tu quitté la protection de ton beau-frère ?

Cette phrase la mit en colère. Ses yeux lancèrent des éclairs, elle s'exclama :

— Sa protection ? Je n'ai pas besoin de sa protection, Ni de la tienne d'ailleurs, quand je t'ai rencontré, cela faisait des mois que je voyageais seule, je m'en sortais très bien..

Sur un ton calme, l'homme des marais répondit :

— Je n'en doute pas... Tu n'en as pas besoin, mais ton enfant, crois-tu que tu seras toujours en mesure d'assurer sa sécurité ?

Son mouvement d'humeur cessa brusquement, elle posa sur son bébé un regard empli de tendresse, mais aussi d'indécision. Soudain, elle n'était plus sûre de rien. Sur ces entrefaites, Obro arriva juché sur son cheval et accompagné de plusieurs cavaliers. Comme plus personne ne faisait attention à lui, le Kurior s'éclipsa.

L'aide de camp du seigneur d'Ikryl s'avança vers la jeune femme. Il lui demanda respectueusement :

— Dame Ovaïa, c'est un soulagement de vous retrouver saine et sauve. Monseigneur attend votre retour auprès de lui, si cela vous agrée.

Elle eut un soupir, regarda Jolo, puis hocha la tête en disant :

— Merci, cavalier Obro. Soyez assuré que je ne décevrai pas l'attente du seigneur Dokar.

Satisfait, Obro apostropha l'un de ses hommes et lui ordonna :

— Donne ton cheval à Dame Ovaïa.

Puis il alla regarder Abeth, qui toujours étendu sur le sol, se tenait la jambe en gémissant. Il dit :

— Je suppose que c'est le Kurior qui l'a mis dans cet état ?

La femme ne chercha pas à nier. Obro déclara donc :

— Hum... Il a fait là œuvre des plus utiles....

Il donna ses ordres, pour que le blessé soit mis sur un cheval. Bientôt, tous reprenaient la direction du village. Ovaïa était résignée. Jolo lui jetait de temps à autre des regards emplis d'interrogations. Quant au Kurior, il suivit, à distance, la petite troupe...

****

Ovaïa rentra seule dans la grande habitation qu'elle avait quittée, à peine une heure plus tôt. Il n'y avait personne. Elle supposa que Dokar arriverait très vite, pour lui faire la morale. Agacée par avance, elle alla s'assoir. Ensuite, elle se délesta de ses affaires, son épée en premier lieu, puis ôta son enfant du cocon dans lequel il se trouvait. Avec précaution, elle le posa sur sa veste qu'elle venait d 'étaler sur le sol. Le bébé s'étira en bâillant, elle sourit, puis ferma les yeux et se laissa aller contre le mur... Dokar entra dans la maison... Elle leva les yeux vers lui en devançant son objection :

— Je suis désolée...

Il cilla, soupira et prit place à ses côtés.

— C'est moi qui suis désolé ! Dit-il

Étonnée, elle rétorqua :

— Pourquoi ?

— Disons que je me suis montré maladroit dans mes propos. Ils étaient une mise en garde dans ta direction, mais visaient aussi le but de te rassurer. De toute évidence, cela a eu l'effet contraire.

— Il est vrai que cela m'a effrayée. Néanmoins, ma réaction n'était pas appropriée. J'aurais dû te parler de mes craintes, d'autant plus que tu sais écouter, sans juger, par ailleurs, tous ces derniers mois, j'ai pris l'habitude de réagir à l'instinct, et bien sûr, j'ai un peu oublié les leçons sociales de ma mère.

Dokar sourit et assura :

— Tout ceci n'est pas si grave. Quoi qu'il en soit, il reste le problème du Kurior. Il a salement amoché Abeth.

Ovaïa haussa les épaules. En fait, le sort du chef des pierres jaunes l'indifférait. Cependant Dokar ajouta :

— Jolo pense qu'il te protège.

— C'est sans doute le cas, mais, Je ne sais pas pourquoi et cela me terrifie.

— Moi aussi je serais effrayé. Je crois que par rapport à lui, il va falloir voir au jour le jour...

Il se leva sur ses mots en concluant :

— Bien je te laisse. J'ai beaucoup de choses à faire. Je te conseille de rester ici pour le moment. C'est d'accord ?

La jeune femme acquiesça. Satisfait, le jeune seigneur sortit. Elle resta seule avec ses questions sans réponse. Les repoussants, elle reporta son regard sur le bébé qui s'endormait. Ovaïa sortit de son sac une des rations subtilisée à Dokar, et se restaura.

Le Kurior, par chemin détourné, était retourné derrière le totem. Il se coucha la tête entre les pattes, mais néanmoins resta attentif. Il n'était pas près de quitter l'entourage de Dame Ovaïa d'Eraland...

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