Le Pays D'Ikryl - 6 -

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Mer intérieure de Békali - Camp Principal Des Armées Infernales

Le Général Démon Ozerel tenait conseil sous sa tente. Il se distinguait des autres malfaisants par une taille haute, des épaules larges, des jambes et des bras épais. Sa face était anguleuse. Ses yeux sans pupilles brillaient d'un éclat menaçant. Ses lèvres minces et rouges s'ouvraient sur une rangée de dents pointues, ses oreilles étaient larges et sa peau avait la  brillance et la noirceur d'un diamant noir. Enfin, son crâne était surmonté de deux cornes spiralées rouge foncé. Tout en lui respirait la malveillance.  

Pour l'heure, il fusillait du regard ses plus proches lieutenants. Il leur crachait des invectives. Il était furieux. Ses propos étaient les suivants :

— Comment est-il possible qu'en seulement quelques jours, notre avance, qui a été constante jusqu'ici, soit stoppée ? Je veux des explications crédibles, je vous écoute, bande de larves.

À cet instant-là, son lieutenant premier se présenta. Il pivota brutalement vers lui, le saisit à la gorge et lui susurra :

— J'attends une excellente raison pour expliquer ton retard. 

Il desserra ses doigts griffus, afin de lui donner un peu d'amplitude pour s'exprimer. Ozérel entendit :

— L'escadron du sous-lieutenant Zolz est revenu !

— Et... ?

— L'escadron a été au trois quarts décimé, Vénéré Général !

La face Ozérel se peignit de stupeur. Il éructa :

— Que veulent dire ces fables ?

— C'est... C'est hélas la vérité... Votre... Révérence ! Les survivants... sont moins de dix. Ils... ont parlé d'orage, de pluie qui tombait sur eux... Ils ont dit que... Le faiseur d'eau était ici, libre de ses mouvements !

Ozerel lâcha soudainement son lieutenant qui s'écrasa sur le sol. En même temps, il s'exclama :

— Le chercheur d'eau est ici ? C'est impossible, il est sous contrôle ! Le nécromancien me l'a assuré !

La fureur le submergeait, le faisait trembler ! Il tonna tout à coup :

— Dehors ! Tous dehors ! Ne revenez pas avant que je vous siffle !

Il pointa le doigt sur celui qui était à terre et qui se relevait péniblement. Il ordonna :

— Tu vas me chercher le nécromancien, et plus vite que ça !

Le premier se remit debout en disant :

— Tout de suite, Glorieux Général.

Il fila ventre-à-terre. Une fois seul, Ozerel  s'exclama à voix haute :

— Non ! Que s'est-il passé ? Tout fonctionnait si bien ?

Il sombra dans de funestes pensées.

******

Camp de Dokar - À ce moment-là

Le jeune seigneur s'était isolé avec Evalane, Obro et Lorac. Choisissant pour cela une des maisons en ruines, il s'adressa à eux ainsi :

— D'abord, votre rapport !

C'est Lorac qui s'en chargea. Quand il eut terminé, Dokar incrédule, déclara :

— De l'eau ? C'est aussi simple que ça ?

Il eut un rire sans joie et cette parole :

— Tant de chose s'expliquent à présent...

Evalane prit la balle au bond en rétorquant :

— Et tellement de questions demeurent en suspens...

Elle ajouta à brûle-pourpoint :

— Parle-nous du Kurior !

Sans se faire prier, il narra en détail les événements survenus dans les Monts de Cuivre. Cependant, il évita autant que possible d'y associer Ovaïa. Obro le remarqua, mais ne dit rien non plus. Quand le jeune seigneur eut terminé, Lorac déclara :

— D'accord, cette bête nous aide, mais il faudrait savoir pourquoi, c'est paradoxal.

Obro pragmatique, dit :

— Je propose de profiter de cette aubaine inattendue. Il sera bien temps de prendre des mesures si le Kurior se retournait contre nous. 

Lorac objecta :

— Tu vas un peu vite en besogne. Personnellement, j'ignore si je suis rassuré ou terrifié !

Evalane intervint :

— Je ressens la même chose ; néanmoins, je pense qu'il faut profiter de cette opportunité.

Lorac et Obro fixèrent le jeune seigneur. Ils s'en remettaient à lui. Dokar pesa le pour et le contre, puis décida :

— Que pouvons-nous faire d'autre qu'accepter la situation ? Je me vois mal interdire à cette bête de nous aider. Dans l'immédiat, je vous demande à tous les trois, de ne pas vous répandre en bavardages à ce sujet. Je n'ignore pas qu'il y a eu des témoins des agissements du Kurior, notamment au sein du peuple d'Abeth, et que des rumeurs ne manqueront pas de circuler. Je refuse que cela devienne en quelque sorte, officiel : Je peux compter sur vous ?

Tous le promirent. Ainsi se termina cet aparté. Ils quittèrent la maison en ruine. Pour Dokar, la priorité immédiate restait d'accélérer leur prochain départ. Il savait cependant qu'ils ne se feraient que l'après-midi, contrairement à ce qu'il avait espéré. Car il fallait du temps pour organiser le convoi. 

En attendant, son esprit restait préoccupé, l'énigme du Kurior était loin d'être élucidée...

******

Ils levèrent le camp aux alentours de quatorze heures. La caravane s'engagea sur une route de pierres qu'elle devait suivre durant une dizaine de kilomètres. Puis, une piste de sable succéda aux pavés. Le cortège souleva beaucoup de poussière. Au-dessus de lui, le ciel grenat restait très pesant. La chaleur allait être encore longtemps la compagne de voyage du convoi.

******

Mer intérieure de Békali - Camp Principal des Armées Infernales

Le premier lieutenant du général Ozerel était revenu seul. Il se tenait  devant lui, dans l'attitude obséquieuse de rigueur. Néanmoins, il maintenait une certaine distance avec le chef des démons. Ozerel mécontent, lui jeta :

— Où est le nécromancien ?

— Très Révéré Général, il vous demande respectueusement, de venir à lui. 

— Quoi !?

Ozerel, furieux s'avança vers son subalterne. D'un revers de bras puissant, il le frappa violemment. Le démon voltigea au centre de la tente, bousculant au passage, un miroir en pied recouvert d'une étoffe moirée. La psyché bascula en arrière et le miroir se brisa. Ozerel se figea. Toute colère désamorcée, il fixait le désastre avec consternation et terreur à la fois. Le premier lieutenant se releva péniblement. Il était furieux. Il en avait un peu assez de servir de punching-ball à son général. Puis il remarqua les brisures du miroir. À son tour, la peur l'envahit. Ozerel qui s'était repris,  lui ordonna :

— Va dire au nécromancien que j'arrive 

Sans demander son reste, son lieutenant détalla. 

Une fois seul, Ozerel s'approcha des débris du miroir. Il s'accroupit et ramassa un fragment un peu plus grand que les autres et de forme triangulaire. Il le leva à hauteur de ses yeux.  Le côté étincelant lui renvoya son visage, avant de se troubler. Une autre figure apparut, aux yeux de flammes. Ils lui transpercèrent l'âme ! Une voix s'adressa à son esprit. Elle lui disait : "Aurais-tu des problèmes, général Ozerel ?" 

De peur, il se redressa vivement et lâcha le fragment. Celui-ci en tombant sur le sol se pulvérisa en un millier de particules. Le chef des démons se recula, puis quitta brusquement les lieux.

Il resta quelques secondes, immobile devant son abri, refit le calme en lui, puis se dirigea rapidement en direction de la hutte du nécromancien. Pour ce faire, il passa devant une cage remplie de prisonniers humains. Ils représentaient la réserve de nourriture de son armée. Quelques-uns étaient destinés à distraire les démons. Ozerel, par exemple, ne détestait pas soumettre les femelles humaines à son bon plaisir. Depuis qu'il était dans ce monde, ses besoins étaient puissants.

Dans l'une de ses cages, se trouvait une jeune femme blonde, aux yeux vert d'eau. Elle  suivit Ozerel du regard. Sa haine  pour lui le submergea. Depuis sa capture, elle avait fait souvent les frais des impulsions perverses du général. Elle était même, son souffre-douleur préféré. Elle se détourna brusquement, pour porter son attention sur un vieil homme. Celui-ci pilait dans un vieux bol en bois, plusieurs herbes sèches. Elle lui demanda : 

— Où en es-tu ?

— J'ai presque terminé la préparation, Milady, mais, comme je vous l'ai dit, le charme risque de ne pas fonctionner étant donnée la présence proche d'un nécromancien.

Elle soupira :

 — Je sais, fais au mieux, Je... Je ne survivrai pas très longtemps dans ce trou. 

Elle ferma les yeux. L'accablement la saisit. Elle dit encore :

— Fais pour le mieux, mon vieil ami.

Il l'assura. Ainsi Leenel D'Igrul se détendit. Elle ferma les yeux. L'image d'une jeune femme brune envahit son esprit. Elle pensa : "Ma douce Evalane, te reverrais-je un jour ?" Avec ferveur et espoir, elle se mit à prier...

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