Le Pays D'Ikryl -14 -

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Dokar entra dans sa tente et porta son attention sur sa belle-sœur. Cette dernière confiait son enfant à Méeli, elle prit ensuite du pain de voyage et commença à le grignoter. Brusquement, il s'adressa à elle :

— Puisque tu as un peu de temps, je voudrais que tu sortes quelques minutes avec moi. Nous devons parler.

Ovaïa ne se fit pas prier, elle quitta l'abri en compagnie de son beau-frère, mais fut surprise qu'il la conduise sous l'auvent de la cuisine, encore plus de la présence d'Evalane sous ce même auvent. Elle stoppa face à elle, pivota vers Dokar et demanda, avec un peu d'inquiétude dans la voix :

— Il se passe quelque chose ?

Dokar ne tergiversa pas, il demanda à Ovaïa à brûle-pourpoint :

— Parle-moi de ta théorie sur Rovor, que tu accuses sans réelle preuve d'ailleurs, d'avoir provoqué la grande obscurité.

La jeune mère fronça les sourcils. Elle alla regarder sa belle-sœur. Celle-ci se taisait. Ovaïa soupira, avant de dire simplement :

— D'accord !

Elle raconta donc à son beau-frère et sa belle-sœur l'épisode de la bibliothèque, au sein du château d'Eraland. Quand elle eut terminé, Dokar s'exclama :

— Tu ne lui as demandé aucune explication ?

— Non ! J'avais bien trop peur des réponses. Puis dans la semaine qui a suivi, il a été un exemple d'amour et d'attentions respectueuses. J'ai quelque peu oublié l'incident... Même quand il est parti sans crier gare, le souvenir de cet épisode ne m'est pas revenu. 

Une peine énorme prenait à cet instant, possession d'elle. Un sanglot monta dans sa poitrine. Elle le retenait à grand-peine. Le chagrin menaçait de la balayer, Evalane spontanément, s'approcha d'elle et la prit dans ses bras. Sans résistance, elle s'y laissa aller et fondit en larmes. Evalane touchée en plein cœur par cette détresse, la consola et la berça. Dokar, décontenancé, se sentait impuissant. Il aurait voulu poser d'autres questions, mais comprit qu'elles risquaient d'être malvenues. Alors il resta là à contempler les deux jeunes femmes unies dans le même chagrin, car sa sœur, si forte habituellement, s'était mise à pleurer également.

L'accablement des jeunes femmes s'éloigna. Elles se séparèrent, quittèrent  l'auvent, pendant que Dokar, toujours silencieux, les suivaient. En arrivant, chacun d'eux regagna sa couchette, mais aucun des trois n'avait vraiment sommeil. Le jeune seigneur se rappela à ce moment-là, qu'il n'avait pas reparlé à Ulkir depuis le moment où il lui avait demandé d'examiner le démon. Sans hésiter, il quitta sa tente et partit à la recherche de l'intendant.

Il trouva Ulkir devant l'une des tentes réservées aux cavaliers. Il était torse nu. Debout devant un tonneau rempli d'eau. Il venait d'y plonger la tête. Ses cheveux mouillés dégouttaient sur ses larges épaules. À côté de lui attendait un jeune cavalier. Il tenait entre ses mains un grand linge. Ulkir s'en saisit. Il remercia le jeunot d'un sourire et d'un clin d'œil. Dokar s'adressa à lui à cet instant :

— Ulkir, je te cherchais. 

L'intendant sursauta légèrement, puis pivota vers Dokar. Il s'inclina aussitôt en disant :

— Monseigneur, je suis à votre service.

Le jeune seigneur répondit :

— Je venais à toi pour te demander, si tu étais allé voir le malfaisant.

Le jeune homme qui se trouvait aux côtés d'Ulkir et avait aussi salué le seigneur d'Ikryl avec respect, fronça les sourcils. Il regarda l'intendant qui paraissait mal à l'aise. Il avoua :

— Pardonnez-moi, Monseigneur, mais j'ai oublié de m'acquitter de cette tâche. J'ai passé beaucoup de temps auprès des hommes et femmes du peuple d'Abeth et qui semblent souffrir du mal noir.

Dokar fronça les sourcils. Il s'étonna :

— Cela est donc confirmé ?

— Hélas, Monseigneur, j'en ai peur. 

Le jeune seigneur pensa alors qu'il n'avait pas vraiment besoin de ce problème supplémentaire. Il réalisa aussi que les bienfaits de son bain matinal dans l'Ikryl se réduisait comme peau de chagrin. Il massa ses tempes et demanda :

— Parviendras-tu à les soigner ? 

— Le mal noir ne se soigne pas, Seigneur. Tout au plus, je peux soulager les souffrances de ceux qui en sont atteints, mais mes connaissances sont fragmentaires. Justement à ce propos, je me demandais, si la Dame d'Eraland pouvait venir voir les malades. Après tout, elle a soigné Abeth et elle l'a sauvé. Apparemment, elle est capable de faire des miracles.

Là, Dokar hésita. Il réfléchit posément puis décida :

— Je verrai cela avec Dame Ovaïa. De ton côté, demain à la première heure, tu iras voir comment se porte le malfaisant ! Est-ce clair ? 

— Oui, Monseigneur.

Satisfait, Dokar s'éloigna en concluant :

— Je compte sur toi.

Ulkir le suivit des yeux. Le jeunot lui demanda alors :

— Pourquoi veut-il que tu soignes le démon ? S'il meurt, ça sera une bonne chose, non ?

L'intendant le regarda, puis sourit et répondit :

— Ni toi, ni moi n'avons à nous interroger sur les ordres que nous donne Monseigneur. Nous obéissons et voilà tout...

Le jeune cavalier cilla et soupira :

— Si tu le dis.

Ulkir eut un sourire en coin et reprit :

— Et si au lieu de poser des questions stupides, tu allais m'attendre à l'intérieur. Je te rejoindrais dès que j'aurais terminé de me laver. 

Il lui lança un regard entendu. Ravi, le jeune homme obéit en lui lançant :

— Ne tarde pas trop...

Il disparut sous la tente.

Ulkir s'empressa aussitôt de finir sa toilette.

****

Dokar venait d'arriver sous son abri. Il grimaçait en se tenant la tête. Ovaïa, qui avait l'œil, et s'était tout à fait reprise, lui demanda :

— Tu souffres toujours de migraine ?

— En ce moment, c'est mon lot. Je dors peu et mal.

— Je vois.

La jeune femme se saisit de son sac et fouilla à l'intérieur. Elle venait de se rappeler, qu'au début de son périple en compagnie de Jolo, elle avait ramassé une plante particulière dans le petit bois, après le marais. Une plante qui pourrait bien soulager son beau-frère. Elle ordonna à Méeli :

— Fais chauffer un peu d'eau, je te prie. 

La servante obéit. Bientôt Ovaïa pilait dans un bol la plante en question. Ensuite, elle y versa doucement l'eau que Méeli avait fait bouillir. Elle mélangea le tout. Dokar la regardait faire avec beaucoup d'intérêt. Il songeait à ce que lui avait demandé Ulkir. Néanmoins, il décida qu'il attendrait le lendemain pour en parler avec sa belle-sœur. Celle-ci justement terminait la décoction. Elle la filtra à travers un linge propre, puis l'apporta à Dokar.

— Ce n'est pas très bon, mais ça devrait te soulager. Dit-elle

Le jeune seigneur se saisit du récipient, la remercia, puis commença à boire la mixture. Il s'arrêta, grimaça et s'exclama :

— Pouah ! C'est infect !

Cependant, il s'efforça de terminer le breuvage. Quand il eut terminé, Ovaïa récupéra le bol en recommandant :

— À présent, va te coucher. Tu as une tête à faire peur.

 Il ne songea pas à contester ce sage conseil. Il rejoignit sa couchette. Evalane avait assisté à cette scène sans rien dire.  Elle se dit : "Quand je pense que Rovor a abandonné une telle femme !" Pour elle, ça dépassait l'entendement. Elle cessa d'y réfléchir, se coucha, ainsi que les autres femmes... Un autre jour se terminait pour Ovaïa, un autre débuterait le lendemain. Sa longue marche se poursuivrait alors, en direction du pays de Surilor..

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