Le Pays D'Ikryl - 15 -

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Ulkir se réveilla bien avant l'aube. Il se redressa, s'étira en bâillant, avant de se lever. Ensuite, il chercha du regard le jeune chevalier avec lequel il avait passé un moment des plus agréables la veille au soir. Malgré la pénombre, il le repéra. Il était étendu sur un matelas posé à même le sol. Il dormait profondément, les bras en croix et le corps à peine recouvert d'une couverture élimée. Ulkir sourit, avant de se détourner et de sortir à l'extérieur.

La nuit était encore bien présente. Elle restait sombre et épaisse. Même les torches qui éclairaient çà et là le camp, avaient du mal à percer les ténèbres. Il faisait chaud, l'air ambiant était poisseux. Ulkir leva les yeux sur le ciel, l'absence d'étoiles le déprima. Le souvenir relatif à des nuits claires et fraîches, éclairées par la lune remonta à son esprit. Il les associait à des moments de batifolages dans les jardins du manoir d'Ikryl.  Ceux-ci jouxtaient les bâtiments où les chevaliers vivaient quand ils ne guerroyaient pas. À cette époque, Ulkir, dès la tombée de la nuit, ne manquait jamais d'aller y faire un tour. Il était bien rare qu'il ne trouve pas un jeune homme bien disposé à son égard. Le personnel du manoir n'était guère  farouche. Ceux du moins qui partageait son goût prononcé pour les relations intimes masculines. Ulkir sortit de ce souvenir. Il n'était pas question pour lui de se laisser aller à la nostalgie. Il se saisit d'une torche installée près de la tente et commença à faire le tour du campement.

*****

Une heure plus tard

Ovaïa sortait lentement du sommeil et sentait son bébé s'agiter tout contre elle. Naturellement, elle glissa dans sa bouche un mamelon gonflé et gorgé de lait. L'enfant le happa et se mit à téter vigoureusement. Ovaïa se détendit. Elle laissa divaguer ses pensées. De son chagrin de la veille, il ne restait rien. Ses larmes avaient emporté l'amour ressenti pour son époux. Cette découverte l'attrista, mais la délivra également. De là on aurait pu penser qu'elle renoncerait à son voyage jusqu'en Surilor il n'en était rien. Au contraire, elle était plus déterminée que jamais. Elle bâilla, et se serait sûrement rendormi, si un cri venant de l'extérieur ne l'avait fait sursauter. Elle se redressa sur sa couchette, de ce fait, son mamelon s'échappa de la bouche du bébé qui aussitôt protesta avec véhémence. 

Cependant Dokar avait déjà quitté sa couchette. Il sortit à l'extérieur. Il vit arriver vers lui Ulkir suivi par deux femmes en larmes. Le jeune seigneur, déjà inquiet, apostropha l'intendant :

— Que se passe-t-il ?

— Plusieurs personnes sont mortes dans la nuit. D'autres sont dans un état extrêmement critique. Ces femmes...

Il les désigna et reprit :

— Ces femmes viennent respectueusement demander l'assistance de la dame d'Eraland.

Dokar, indécis, gratta son menton. Fugitivement, il remarqua qu'une barbe de plusieurs jours commençait à l'ombrer. Il songea brièvement : "Je vais devoir me raser." Cette pensée, pour le moins futile, le surprit en ces circonstances tragiques. Il la repoussa, réfléchit puis répondit à Ulkir :

— Attends ici avec elle. Je vais voir si dame Ovaïa est disposée à les aider. 

Il retourna sous la tente.

*****

Ovaïa avait quitté son lit. Elle n'avait pas tout saisi du bref échange qu'il y avait eu dehors, mais avait entendu son nom.

— Que se passe-t-il ? Demanda-t-elle

En peu de mots, Dokar donna les explications requises. Ceci fait, la jeune femme n'eut pas de réelles hésitations. Elle accepta de se rendre auprès des malades. Toutefois elle précisa :

— Il est fort possible que je ne puisse rien faire, d'abord parce que les ressources en remèdes sont limitées et puis le mal noir ne se guérit pas. 

— Pour les ressources, Ulkir dispose de quelques plantes et onguents ; pour le reste, eh bien, il faut s'en remettre aux dieux...

— Bien, nous sommes d'accord.

La jeune femme confia son bébé à Méeli qui venait de se réveiller, puis se prépara à quitter son abri. Quelques minutes plus tard, elle suivait Ulkir. Dokar resta en arrière le temps de secouer sa sœur qui dormait toujours. De là, il lui dit brièvement :

— Rassemble mon conseil d'état-major. 

Il sortit sans autre précision, la laissant éberluée et persuadée qu'un problème supplémentaire venait de s'ajouter aux autres. En soupirant, elle se leva, prête à obéir à son frère sans discuter. 

******

Ulkir escorta Ovaïa vers une tente assez vaste, qui servait plus ou moins d'hôpital. Quand la jeune femme y entra, de multiples odeurs pas vraiment agréables l'agressèrent. Elle n'eut qu'un bref frémissement du visage, puis suivit l'intendant vers le fond de l'abri. Ceux qui souffraient du mal noir restaient isolés. Elle demanda à Ulkir :

— De quels remèdes disposes-tu ? Qu'as-tu donné à ces malheureux ?

Respectueusement, Ulkir répondit à la jeune femme. En même temps, il alla chercher une caisse visiblement assez lourde. Il la posa sur une couchette vide et l'ouvrit, puis il s'effaça devant la dame d'Eraland en disant :

— Si vous voulez bien vous donner la peine d'examiner ma réserve, madame. 

Ovaïa s'avança et sans attendre, étudia minutieusement les ingrédients. Elle en sélectionna plusieurs. Ensuite, elle demanda à Ulkir :

— Apporte-moi de l'eau que je puisse me rincer un peu. Ensuite, j'examinerai les malades.

Il s'empressa d'obéir. Peu après, la dame d'Eraland débutait son travail. 

******

Jolo quitta la tente. Le ciel était rouge sombre. L'aube n'allait pas tarder à se lever. Le jeune homme du marais bâilla. Puis il remarqua que le camp était moins calme que d'habitude. Beaucoup de personnes allaient et venaient. Certaines portaient des civières recouvertes d'un drap. Sous ces draps, on devinait des corps. Jolo un peu inquiet les suivait des yeux. Il remarqua que les civières étaient portées hors du camp. Obro, à cet instant, arriva derrière lui. Il remarqua aussitôt l'ambiance particulière qui régnait aux alentours. Il dit sur un ton sinistre :

— Ça, c'est pas normal.

— C'est ce que je me disais aussi.

Obro réfléchit puis décida :

— Allons voir ce qui arrive !

Tous les deux se dirigèrent vers l'hôpital.

*****

Avec dévouement et sans jugement, Ovaïa avait parlé avec chaque malade. Ensuite, elle prépara des remèdes. Ceux-ci ne les guériraient pas, mais ils soulageraient leurs douleurs et amoindriraient  leurs tremblements. Elle était bouleversée de voir ces gens souffrir autant. Même si elle savait, que quelque part, ils l'avaient bien cherché. Cependant, elle savait également que le premier responsable, c'était Abeth. Quand elle pensait que lui, pour sa part, était en pleine forme, elle regrettait presque de lui avoir sauvé la vie. Puis elle cessa d'y songer pour se concentrer sur ses préparations. Elle se devait d'adoucir la fin de vie de toutes ces personnes. C'est à cet instant-là qu'Obro et Jolo arrivèrent sur les lieux..

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