Le Pays D'Ikryl - 18 -
L'un des cavaliers chargé de la surveillance du démon tira, brusquement Dokar du sommeil. Sans attendre, il se rendit sur le site où le malfaisant était mort. Il reprocha à ses subalternes :
— Vous auriez dû essayer de le protéger !
— Pardonnez-moi, Monseigneur, mais la pluie est venue si rapidement que cela n'a pas été possible...
Dokar fronça les sourcils puis soupira :
— Quelle perte de temps...
Ensuite il ordonna :
— Bon, nettoyez-moi tout ça puis vous pourrez aller dormir.
Il était retourné à sa tente. Avant de se recoucher, il jeta un œil à Ovaïa. Celle-ci ne s'était pas réveillée. Dokar pensa : "Demain, il faudra que je lui parle de son ami le Kurior !" Ceci décidé, il gagna sa couchette et il se rendormit immédiatement !
Le lendemain matin
Le camp se réveilla sous une pluie fine et pénétrante. Le ciel était gris certes, mais sans cette opacité lourde qui avait été le quotidien de tous durant des mois.
Dokar se tenait sur le seuil de la tente et fixait les nuages avec surprise. Il se demanda si, en définitive, parler avec Ovaïa du Kurior était une si bonne idée que ça. Finalement, il décida que non. Il rentra sous l'abri. Sa belle-sœur se levait. La jeune Méeli donnait le sein au bébé. Ovaïa s'approcha de la servante.
— Aujourd'hui encore, je dois te laisser t'occuper de mon fils. Je retourne à l'hôpital. dit-elle
L'enfant lâcha le sein blanc de Méeli qui assura :
— Cela ne me dérange pas, Milady, je vous assure.
— Je t'en remercie.
Elle ajouta ensuite :
— Dans l'immédiat, je vais m'occuper de lui, va donc te restaurer et te nettoyer un peu.
Elle lui rendit le bébé, mais objecta :
— Et vous, Madame, vous n'avez pas faim ?
— Je mangerai plus tard. Va à présent.
La servante n'insista pas et s'éloigna. Ovaïa rejoignit sa couchette.
Dokar avait assisté à cette courte scène sans s'en mêler. Méeli quitta la tente et le seigneur d'Ikryl s'approcha de sa belle-sœur. Il lui demanda alors qu'elle démaillotait l'enfant :
— Comment te sens-tu ce matin ?
Surprise, elle le fixa, puis sourit et dit :
— Ce n'est pas souvent que tu le demandes.
Son beau-frère admit :
— C'est vrai.
Ovaïa assura :
— Je vais bien.
Il hocha la tête, la jeune femme comprit qu'une question lui brûlait les lèvres, elle lui tendit la perche :
— Tu as autre chose à me demander ?
Il n'hésita plus :
— Le Kurior a mal choisi son moment pour faire pleuvoir. Le démon est mort cette nuit.
Ovaïa en fut soulagée, mais ne le montra pas. Elle dit :
— J'en suis désolée pour toi, mais je ne peux pas y faire grand-chose...
— Je sais... C'est juste que...
Il s'arrêta, puis se détourna en disant :
— Laisse tomber.
Il quitta l'abri. Ovaïa se concentra de nouveau sur le bébé.
Une heure plus tard, Jolo courait sous la pluie, en essayant d'éviter les flaques qui se formait sous ses pieds. Il se rendait auprès des malades en se demandant si Ovaïa était déjà là-bas. Il arriva enfin sous la tente. La jeune mère était bien là, il s'empressa vers elle. Ils se saluèrent et se mirent aussitôt au travail.
Le dragon après avoir quitté le fleuve, s'installa non loin du camp, près d'une source que son intervention avait fait renaître. Le maître lui avait dit de se placer en attente, jusqu'à ce que la seconde partie du convoi reparte. Il devait aussi ne pas cesser de surveiller Abeth et Gorio. Car ils s'étaient déclarés les ennemis de l'héritière... Ainsi le Kurior patientait-il. Juché sur la branche d'un arbre qui surplombait la source, il avait une vue parfaite sur le camp et surtout sur la cage d'Abeth, qui déconfit, venait d'apprendre la mort du démon !
Le cavalier qui leur avait apporté de la nourriture, les avait aussi instruits de la disparition du malfaisant. Il s'éloigna du chariot-cage. Abeth mécontent siffla entre ses dents !
— Ça, c'est pas de chance...
Gorio qui venait de croquer un morceau de pain de voyage, répliqua en mâchouillant :
— Moi, je trouve ça bien qu'il soit crevé.
Abeth lui jeta :
— Tu n'es qu'un idiot !
— Pourquoi ?
Il lui administra une tape sur la tête, avant de répondre :
— Parce que je comptais me servir du malfaisant, pour prouver que la Dame d'Eraland comprenait le langage du démon...
— T'aurais fait comment, chef ?
— Je n'en sais rien, mais j'aurai trouvé.
Dépité, il ajouta :
— À présent, il va falloir attendre une nouvelle opportunité.
Gorio ne répondit pas. Il continuait à manger. Abeth en soupirant, l'imita.
Ce jour-là, les morts furent moins nombreux. Quelques-uns même étaient en voie de guérison, ce qui était miraculeux. Ceux-ci devaient vouer à Ovaïa, mais aussi à Jolo une reconnaissance infinie. Quoi qu'il en soit, ils restèrent encore deux jours sur place. Puis quand il fut certain que plus personne ne mourait, Dokar donna le signal du départ. À présent, il avait vraiment hâte de rejoindre le Manoir.
Le Kurior se remit en route aussi. Ainsi continua-t-il à les accompagner en parallèle et en suivant le cours du fleuve. Très loin de là, le Général-Démon Ozerel prenait ses quartiers près du volcan Oleko...
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