Le Manoir - 3 -

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Volcan Oleko - Camp des armées démoniaques - Hutte du nécromancien

La fumée était si épaisse qu'Ozerel n'y voyait plus rien. Par contre, il entendait toujours la voix caverneuse du mage réciter des incantations. Quand il se tut, la fumée fut comme aspirée en direction du chaudron. Elle disparut à l'intérieur. Le général fixa la main crochue levée au-dessus du liquide bouillonnant. Elle était vide. Le médaillon et la chaîne avaient disparu ! Ozerel demanda :

— Et à présent ?

— Le sortilège est en place...

Le mage replongea ses yeux dans le bouillonnant chaudron et resta cette fois totalement immobile. Le général des démons comprit qu'il était entré en transe !

Manoir d'Ikryl - Cachot d'Abeth

Le chef des grottes jaunes gisait enchaîné sur la paille d'un infâme grabat, il somnolait. Il se réveilla brusquement. Son esprit était confus, il eut du mal à se souvenir des événements qui l'avaient conduit dans ce cachot. Alors qu'il s'interrogeait, il sentit une brûlure intense irradier son torse. Il porta ses mains à sa poitrine. La douleur était telle qu'il hurla !

Il en déchira le tissu de sa chemise. Puis il baissa les yeux. Sur sa peau venait d'apparaître une trace de brûlure en forme d'étoile. Des signes cabalistiques l'entouraient. Puis cela disparut ainsi que la douleur. Une voix résonna dans sa tête, elle s'adressait à lui :

"J'ai fait quelque chose pour toi, Abeth. Je t'ai donné la force nécessaire pour que tu serves mes desseins !"

Le chef des grottes jaunes n'était pas effrayé, il restait pragmatique.

"J'y gagne quoi ?" demanda-t-il

La voix lui susurra tous les avantages dont il bénéficierait. Elle conclut ainsi :

"Attention, tu ne dois pas agir sans discernement ! Attends le bon moment pour passer à l'action !"

Abeth était attentif, Abeth écoutait. Son âme, noyée dans d'obscures pensées, avait définitivement basculé du mauvais côté.

Dans les douves, le dragon s'était endormi. Il somnolait sur un fond vaseux couvert d'algues brunes. Brusquement, il ouvrit les yeux. Ceux-ci étincelèrent un bref instant. Le Kurior sentit que quelque chose n'allait pas. Son instinct lui révéla ce qui le perturbait : il ne sentait plus la présence du maître !

Il nagea vers la surface et sortit de l'eau, leva son museau vers le ciel clair et huma les senteurs environnantes. L'une d'elle, discrète mais tenace, l'alerta, ses relents méphitiques ne lui plaisaient guère, mal à l'aise, il siffla... Puis une certitude au milieu de tout ceci s'imposa à lui : il devait rejoindre Ovaïa…

Il grimpa sur les murailles qui protégeaient le domaine des seigneurs d'Ikryl, passa de l'autre côté sans mal et en bonds successifs et rapides s'approcha du manoir...

Les fenêtres au rez-de-chaussée étaient brillamment éclairées. Réjak donnait un dîner afin de fêter le retour de son fils, mais aussi l'arrivée d'Ovaïa. Plusieurs des meilleurs chevaliers du domaine étaient présents, mais aussi Obro et Jolo. Dokar l'avait présenté à son père, ceci en des termes des plus positifs. Ainsi, autour de la table rustique se trouvait une vingtaine de personnes. Ovaïa, Evalane et Leenel d'Igrul assises ensemble, étaient les seules femmes présentes à ce repas vespéral.

Jolo en tant que représentant de son clan, celui du Marais, restait digne. Il veillait à retrouver les usages requis qu'il avait un peu délaissés, durant le long périple qui l'avait mené de son modeste village à cette demeure seigneuriale. Surtout, il restait à bonne distance d’Ovaïa. Quant à la jeune femme, elle faisait de même de son côté.

Ce dîner se passait sans heurt. Le repas était frugal car, malgré l'amélioration sensible de l'environnement, les ressources demeuraient faibles. Pour les convives cela n'avait pas vraiment d'importance, l'essentiel étant de se réunir. Néanmoins, Ovaïa à un moment, jeta un pavé dans la mare. Son beau-père venait de lui dire qu'il était heureux qu'elle ait rejoint sa maison. Il précisa :

— Je vais pouvoir vous choyer, toi et mon petit-fils !

Ovaïa se troubla avant de répondre impérativement :

— Je vous en remercie, Réjak, mais vous devez savoir que je n'ai pas l'intention de m'attarder en votre maison. Mon but étant de rejoindre le pays de Surilor, afin de retrouver mon époux...

Un grand silence suivit cette sorte de mise au point, puis le vieux seigneur le brisa :

— Chère fille, loin de moi l'idée de te contrarier, mais le voyage jusqu'en Surilor est périlleux. Il serait plus judicieux que j'y envoie Dokar avec quelques cavaliers, pourquoi vous exposer inutilement ?

La réponse d'Ovaïa fut catégorique :

— Parce qu'il est de mon devoir en tant que dernier membre vivant de la terre d'Eraland de retrouver Rovor, père de mon fils.

Le visage du vieux seigneur se durcit. Il aurait voulu protester, mais la jeune mère avait énoncé un argument imparable, Ovaïa réalisa qu'elle l'avait blessé, elle reprit donc sur un ton plus doux :

— Je suis désolée, Réjak, de vous décevoir...

Le visage du vieil homme se radoucit. Il se força à sourire :

— Ne vous excusez pas d'agir en Dame d'Eraland, chère fille, je comprends. Je ne vous demande qu'une chose, de rester assez longtemps pour que nous organisions une cérémonie du nom pour votre fils.

La jeune mère se fit conciliante. Elle répondit :

— C'est très intentionné de votre part, Réjak. Merci.

Cela détendit l'atmosphère. Petit à petit, les discussions reprirent et le repas se poursuivit.

Le dragon avait rejoint les fenêtres. Il s'était dressé sur ses pattes arrières pour regarder à travers les carreaux. Il avait vu Ovaïa et sifflé doucement, avant de quitter son observatoire. Le dragon commença à faire le tour de la bâtisse afin de trouver l'issue qui le mènerait à la jeune femme. Il arriva ainsi derrière la maison au niveau de soupiraux qui donnaient sur le secteur des cachots du Manoir. Le Kurior marqua un temps d'arrêt, l'odeur méphitique était, à cet endroit, plus forte que jamais... Le malaise du chercheur d'eau s'accrut, il s'éloigna des soupiraux et continua à chercher une entrée.

Cachot d'Abeth

Le chef des grottes jaunes, qui était toujours couvert de chaines, leva les yeux sur le soupirail de sa prison. La voix dans sa tête lui dit : "Tu le sens, n'est-ce pas ? Le dragon d'eau n'est pas loin, Il nous facilite la tâche ! Eh bien, c'est à toi d'agir... N'oublie pas, sois discret et surtout l'héritière n'est pas pour toi..."

La voix se tut. Abeth porta les mains sur ses entraves de fer. Il les brisa sans mal, se leva, abandonna son grabat et s'avança vers la lourde porte de bois. Il la fixa. Ses yeux étaient étrangement vitreux, presque sans vie. Soudain, il tendit brusquement le bras. Celui-ci traversa la porte et la réduisit en morceaux !

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