Le Manoir - 6 -

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Domaine d'Ikryl - Chambre d'Ovaïa

Un rayon de soleil aventureux réveilla la jeune femme. Elle eut un léger soupir. Elle sentait son enfant s'agiter tout contre elle. Il poussait de petits cris impatients. Elle glissa naturellement un mamelon dans sa bouche. Il se mit à téter avec vigueur. Ovaïa baissa le regard sur le bébé et sourit. Elle se détendait. Elle oubliait aussi les rêves étranges qui avaient traversé son sommeil de cette nuit-là et se contentait d'être bien. L'enfant termina de boire, mais continua à s'agiter... Elle se leva, il était temps qu'elle débute sa journée.

Dans l'enceinte du Domaine

Au moment où Ovaïa quittait son lit, Jolo était réveillé depuis longtemps. Il aidait aux tâches du domaine, uniquement des travaux de force. Il n'était pas le seul, beaucoup des cavaliers étaient assignés à ce type d'occupation. C'était en attendant de partir sur le front et rejoindre le mari d'Evalane parti délivrer la cité royale. Dokar arriva vers lui au moment où le jeune homme du marais, avec d'autres, coupaient du bois dans le but de construire une catapulte. Celle-ci devait être prête le plus tôt possible. Jolo se redressa et fit rouler les morceaux qu'il venait de fendre en direction des charpentiers qui les récupéraient. C'est là qu'il vit Dokar s'approcher...

À la manière vive et rapide de son approche, Jolo sut qu'il voulait s'entretenir avec lui. Quand le jeune seigneur fut assez près, Jolo l'entendit dire abruptement :

— Nous devons parler !

— Bien sûr, je vous écoute !

— Éloignons-nous un peu.

Le jeune homme des marais laissa tomber ce qu'il faisait et, en compagnie de Dokar, se mit à l'écart.

Quand ils furent suffisamment éloignés des autres, Dokar déclara brusquement :

— Tu es épris d'Ovaïa !

Jolo sursauta, mais ne dit rien. Le jeune seigneur insista :

— Vas-tu me dire que je me trompe ?

— Non, c'est vrai. Rassurez-vous, je n'ai pas l'intention d'inciter Dame Ovaïa à trahir ses vœux de mariage.

— J'en suis sûr. Toutefois, parfois les sentiments devancent la raison. Je veux être sûr que, si d'une manière ou d'une autre, elle devait te rendre tes sentiments, tu saurais la repousser sans équivoque !

— Ce serait mon honneur, Seigneur Dokar.

Celui-ci le contemplait. Il savait qu'il disait la vérité. Jolo était l'honnêteté même. Dokar sourit et conclut :

— Nous sommes donc d'accord !

Il s'en alla sur ces mots. Jolo le suivit un instant des yeux puis il se détourna, rejoignit les hommes et se remit à l'ouvrage.

Cet après-midi-là la cérémonie du nom de l'enfant eut lieu. Elle se déroula dans la chapelle familiale, celle-là même où les noces d'Ovaïa avaient été célébrées. Outre la famille, presque tous les chevaliers étaient présents à cette célébration, mais également Jolo, même s'il veilla à se tenir en retrait. L'officiant plongea l'enfant dans une vasque emplie d'huile et d'eau consacrées. En même temps, il psalmodia :

— Enfant d'Ovaïa d'Eraland, fils de Rovor d'Ikryl, en ce jour béni entre tous, je demande aux divinités de poser sur toi leurs regards tendres et bienveillants. Je leur révèle tes noms : Oxol du frère de ta mère, Akéron du père de ta mère, Dokar du frère de ton père et enfin reçois le nom du protecteur que ta mère t'a choisi : Jolo du marais de Jurosalk.

L'intéressé ainsi interpellé sursauta. Il ne s'y attendait vraiment pas ! Dokar lui faisait signe de s'avancer, lui qui se tenait derrière les chevaliers. Il hésita, son regard s'attarda sur Ovaïa qui lui souriait. Les yeux noirs et profonds de la femme l'appelaient... Alors il s'approcha...

Il passa près de Dokar qui lui chuchota :

— C'est son idée !

Cela sous-entendait : "Si cela n'avait été que de moi, tu n'aurais pas été choisi !" À cet instant-là, Jolo s'en fichait bien de la désapprobation du beau-frère d'Ovaïa. Il était heureux. C'était le genre de petits bonheurs qui font que la vie vaut la peine d'être vécue ! Il arriva au moment où le prêtre sortait l'enfant de la vasque. Ovaïa lui tendit un linge qu'il déplia. Il le présenta ouvert à l'officiant. Le bébé y fût déposé et le jeune homme prononça les paroles rituelles :

— Je serai la lumière, je serai le guide, je serai le protecteur. Sois le bienvenu, Oxol, Akéron, Dokar, Jolo !

Il enveloppa le bébé dans le linge, avant de le déposer dans le berceau tendre des bras de sa mère. Il y eut encore quelques paroles du religieux et la cérémonie se termina. Jolo et Ovaïa se regardèrent, ils se sourirent complices. Puis Jolo se détourna et s'éloigna, laissant la place à la famille qui s'approchait de la jeune mère pour les félicitations...

Plaine de cendres - Frontière entre le pays d'Ikryl et le pays d'Oleko - Front de guerre

La main en visière, mais dissimulé par l'un des rares rochers présents sur la plaine de cendres, Syvan observait les troupes démoniaques qui lui barraient le chemin menant au nord. À cet instant, il s'en voulait de ne pas avoir suivi le conseil de son épouse : Passer par la mer intérieure de Békali, mais il était ainsi, têtu et inflexible quand il s'agissait de faire prévaloir son opinion, surtout vis-à-vis d'Evalane. Quoi qu'il en soit, il n'avait plus le choix, il lui fallait lancer l'offensive avec l'espoir d'une victoire bien aléatoire !

Le grand guerrier se détourna et se baissa. Il rejoignit en rampant les lignes de défense humaine. Là l'attendaient Lorac et d'autres chevaliers encore. Il lui dit :

— Nous ne passerons pas facilement, si nous passons !

— Ils sont si nombreux que cela ?

— Oh oui... J'ai l'impression que toutes leurs forces se sont rassemblées ici et sur les terres du nord, nous ne sommes pas encore à la cité de Jade !

L'autre cavalier proposa :

— Il reste la solution d'attendre le seigneur Dokar et les autres troupes attachées au pays d'Ikryl...

Sur un ton sinistre, Syvan objecta :

— Même si nous attendons les renforts, je ne suis pas sûr que cela suffise.

Un silence suivit, puis Syvan ajouta :

— Il faut trouver une troisième voie.

Cette fois, le silence perdura...

******

Volcan Oleko - Camp des armées démoniaques

Le général Ozerel avait rassemblé ses principaux lieutenants dans sa tente. Ils discutaient d'un redéploiement des troupes ou plutôt, le chef des démons écoutait les propositions de ses subalternes. Tous étaient d'accord sur un point : Il fallait se replier sur le pays de Quezériol et prendre sans attendre la cité de Jade, la cité royale, mais celle-ci résistait. Dès le départ et malgré le sortilège du Nécromancien, elle était demeurée imprenable jusque-là. C'était grâce aux nombreux mages qui entouraient le trône de Jade. Ils avaient multiplié les sorts de protection. Un des lieutenants parla plus fort que les autres, il dit :

— La cité est prête à tomber. Il suffirait que le nécromancien se mette au travail sérieusement ! Vénéré, ne trouvez-vous pas qu'il n'effectue pas son travail comme vous le lui avez ordonné ?

Là, Ozerel, brusquement, se sentit piégé...

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