La Plaine De Cendres - 4 -
Plaine de Cendres - Frontière entre le pays d'Ikryl et le pays d'Oleko - Front de guerre
Trois démons ailés venaient de franchir la frontière. Leur vol était silencieux, leur présence au-dessus des forces humaines insoupçonnables. Dissimulés entre deux couches de nuages, ils comptaient dépasser le camp ennemi et se poser discrètement. De là, ils pourraient débuter leurs recherches. Leurs regards perçants leur permettaient de voir au travers des nuées purpurines. Ils apercevaient la masse grouillante des humains. Leur faim se réveilla, mais ce n'était vraiment pas le moment de chasser, alors que le général Ozerel leur avait demandé d'exécuter leur mission avec discrétion.
Dessous eux, les arbres dénudés, la terre sèche, les animaux domestiques, et les refuges de toiles défilaient. Ils entendaient les harangues des cavaliers à l'adresse des hommes à pied. Ainsi les humains galvanisaient-ils leurs troupes.
Soudain, l'un des diables fit signe aux deux autres. Ils survolaient le fleuve à cet instant-là, un fleuve qui récemment encore était à sec. Ce n'était plus le cas ! Ils voyaient les hommes puiser l'eau à l'aide de seaux et en remplir de pleines barriques. Ils hésitèrent, devaient-ils attaquer ces gaillards ? Cela n'était guère judicieux étant donné leur nombre et leur proximité avec le fleuve. Déjà là où ils étaient, ils pouvaient sentir les vapeurs néfastes (pour eux) de l'humidité. Quant à détruire la source de cette manne liquide (pour les humains), les diables n'en avaient pas le pouvoir.
Ils étaient inquiets de la colère d'Ozerel à leur endroit, lorsqu'il apprendrait leur échec. Néanmoins, les diables avaient quand même une évaluation précise des forces adverses à lui soumettre et ce n'était pas si mal. Donc, sans quitter la protection des nuages, ils rebroussèrent chemin.
Syvan, inquiet, se demandait bien ce que le chef des malfaisants attendait pour attaquer leurs positions. Les démons avaient l'avantage du nombre, qu'est-ce qui pouvait les retarder ? Il dit à Lorac :
— Je n'aime pas ça ! Ozerel manigance quelque chose !
L'autre cavalier hasarda :
— L'eau l'a sans doute suffisamment effrayé pour qu'il renonce à poursuivre son offensive...
— Je n'y crois pas une seconde !
Il leva les yeux sur le ciel teinté de rouge. Il se redressa, tendit l'oreille et respira l'air ambiant. Celui-ci lui renvoya une vague odeur d'ammoniaque. Il demanda à Lorac :
— Tu ne sens rien ?
— Mis à part que ça pue le malfaisant, pas particulièrement. C'est notre lot par ici...
— L'odeur est plus forte que d'habitude...
Ses yeux fouillèrent les nuées opaques. Il se saisit de son arc, y engagea une flèche et visa le ciel. Soudain, il tira... presque aussitôt, il entendit un cri strident, un corps qui tombait traversa la couverture nuageuse et s'écrasa juste devant les jambes du cheval de Syvan : C'était un démon !
Le diable se redressa péniblement. Il tenta de reprendre son envol mais échoua. La flèche du chevalier avait traversé l'une de ses ailes de part en part, provoquant un trou et bien sûr un déséquilibre. Plusieurs humains l'assaillirent alors que Syvan descendait de sa monture. En même temps, il ordonna à Lorac :
— Dis aux hommes de surveiller le ciel. Apparemment, les malfaisants tentent de nous prendre à revers.
Puis il s'avança vers le diable qui se débattait avec force entre les hommes qui tentaient de l'immobiliser. Syvan tira son épée. Il fit face au démon. Sans peur, il détailla la face sombre, la peau grise foncé traversée çà et là de petites veines noirâtres, le regard ténébreux et rempli de menaces, les oreilles larges et pointues, la bouche grimaçante aux dents pointues souillées de taches de sang séché. Le chevalier eut à son adresse un sourire sans joie. Puis il le contourna.
À présent, c'est son dos qu'il avait sous les yeux. Il recommanda à ses hommes :
— Tenez-le bien !
Sans faiblesse aucune, de son épée, il lui trancha les ailes.
À trente kilomètres de la frontière - À ce moment-là
Le convoi progressait sur une route boueuse. Cependant les nuages de pluie se déchiraient, ils laissaient place à de larges pans de ciel bleu délavé. Le fond de l'air restait frais.
Dans son chariot, Ovaïa sentait son impatience grandir au diapason de son inquiétude. La caravane n'était plus très loin du front à présent, mais pas assez près encore. La crainte qu'ils arrivent trop tard ne la quittait pas. Elle posa ses yeux sur Méeli. Elle était réveillée à présent, ainsi que le bébé. Ovaïa sourit brièvement puis détourna les yeux.
Elle souleva la bâche et fixa devant elle la longue colonne qui progressait sur la route fangeuse. La piétaille avait de la boue jusqu'à mi-mollets. La crainte majeure de la jeune femme était que les chariots s'enlisent dans ce bourbier. Elle se dit que si cela arrivait, et quoi qu'en pense Dokar, elle sauterait sur le premier cheval venu et continuerait sa route seule. Elle laissa retomber la bâche et reporta ses yeux sur son fils. Il tétait à présent, niché contre le sein de lait de la nourrice. Ovaïa cessa de l'observer et une fois de plus regarda dehors...
Camp démoniaque - Volcan Oleko
Le général Ozerel, en voyant revenir seulement deux démons sur les trois qu'il avait envoyés de l'autre côté de la ligne de front, comprit qu'ils avaient rencontré un problème. Il les laissa s'approcher et darda sur eux un regard impitoyable, mais resta silencieux. Il les laissa parler. Quand ils eurent terminé, Ozerel prit sur lui pour ne pas les massacrer. Il leur ordonna :
— Vous allez rejoindre la quatrième légion.
Puis il s'envola, direction la hutte du Nécromancien.
Il trouva celui-ci un peu mieux que la dernière fois où il était venu le voir. En tous les cas, son chaudron était sur le feu et il y remuait une préparation. Il lui lança :
— Tu t'es remis au travail ?
Le mage sursauta, preuve qu'il s'était laissé surprendre. Ce qui n'arrivait jamais ! C'est toutefois sur un ton calme qu'il répondit :
— En effet, j'essaie de renforcer le sortilège d'ambiance.
— Qu'est-ce que cela donne ?
Le sorcier soupira avant de répondre :
— Disons que le résultat est mitigé, si je parviens à le maintenir, et j'ai bon espoir, ce sera déjà bien.
Il jeta quelques ingrédients dans la marmite. Ozerel annonça alors :
— Je suis venu te prévenir que le fleuve s'était remis à couler.
Ce fut tout. Il quitta les lieux. Dès qu'il fut dehors, il s'envola en direction de ses lieutenants : Il avait décidé de relancer l'offensive.
Syvan venait juste de faire enchaîner et enfermer le démon, quand les troupes d'Ozerel attaquèrent. Le chevalier n'eut que le temps de remonter sur son destrier. Cette fois, il sentait que les barricades et autres palissades qu'il avait fait édifier ne tiendraient pas très longtemps, mais il était prêt à vendre chèrement sa vie.
La catapulte fut remise en action, les barriques d'eau recommencèrent à être jetées sur les malfaisants. Cela n'eut que peu d'incidence tant les adversaires étaient nombreux. Très vite, les hommes furent débordés par les hordes haineuses, diaboliques. Les palissades cédèrent sous le flot de démons et ceux-ci débutèrent le massacre...
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