La plaine de Cendres - 6 -

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Plaine de Cendres - Front de guerre


Quand l'orage éclata, c'est à peine si Syvan le nota. Par contre, au moment où la pluie se déversa sur lui, il leva brièvement les yeux sur le ciel. Celui-ci n'était plus vraiment rouge ou plutôt, les nuées s'ourlaient de gris... Les démons autour des hommes commençaient à fondre ! 

Le jeune chevalier, sa surprise passée, remercia les dieux en son for intérieur. L'étau autour d'eux s'était desserré. Syvan et Lorac n'en continuaient pas moins à combattre, car certains diables résistaient mieux que d'autres aux trombes d'eau qui tombaient sur eux.

La plupart des malfaisants quittèrent les lieux de la bataille. Syvan était prêt à crier victoire, quand un démon volant, relativement grand et fort, fonça sur lui. Il l'attrapa à bras-le-corps, l'enserra à l'étouffer et l'emporta vers le camp d'Ozerel, sous le regard impuissant de Lorac !

L'attaque avait été si brusque que Syvan en avait lâché son épée ! À présent, il avait beau se débattre et gesticuler, il n'arrivait pas à se libérer de l'étreinte de fer du malfaisant. 

Au fur et à mesure qu'ils approchaient des lignes démoniaques, la pluie se raréfiait. Syvan commençait à avoir des haut-le-cœur d'être transporté ainsi. Sous lui, les terres du pays d'Oleko défilaient à une allure folle. Soudain, le Démon descendit en piqué vers un camp fait de toiles grises et noires.

Avant d'atterrir, il laissa tomber Syvan aux pieds d'un autre malfaisant. Il s'agissait du général Ozerel en personne.

Le diable qui avait capturé Syvan le bloqua à terre. Malgré son courage, le chevalier sentit la peur s'insinuer en lui. Il entendit Ozerel siffler et cracher à l'adresse de son démon. Il lui parlait, bien sûr, Syvan ne comprenait rien, en fait le général  disait au malfaisant :

— Que m'amènes-tu donc ?

— Vous avez dit que vous aviez besoin d'un humain solide, Vénéré. Je crois que celui-ci fera l'affaire. 

Ozerel baissa les yeux sur Syvan. Celui-ci, malgré la situation et surtout la terreur qui l'envahissait s'efforçait de rester fier. 

Le général des démons, brusquement, le saisit par un bras et le traîna jusqu'à la hutte du nécromancien...

Quand Ozerel entra chez le mage, celui-ci luttait contre l'esprit du précédent occupant de son corps. Il tourna la tête vers le chef des démons. Ce dernier jeta à ses pieds Syvan qui, sonné et furieux, n'avait pas vraiment apprécié d'être conduit de cette manière dans cet endroit. Il leva la tête sur l'occupant des lieux, là, une surprise totale mêlée d'effroi le saisit, il murmura :

— Par tous les Dieux ! Rovor !?

Cependant Ozerel disait au Nécromancien :

— Tu as demandé un nouveau vaisseau, le voici !

Avec effort, le sorcier répondit :

— Je crois qu'il est trop tard...

— Tu vas faire en sorte que ça marche !

Ozerel fixait le visage défait du magicien. Les orbites creusées, le teint jaune et dégoulinant de sueur grasse. Les cheveux en bataille et surtout les yeux hagards, il sut que le Nécromancien était en passe d'être submergé !

Là, il s'affola. C'est toutefois sur un ton calme qu'il demanda :

— Que puis-je faire pour t'aider ? 

Péniblement, le sorcier s'avança vers l'étagère. Il se saisit d'une boite en bois qu'il apporta au Général démoniaque. Il lui dit aussi :

— Si le transfert échoue, il restera la possibilité de recueillir mon esprit dans ceci...

Il ouvrit la boite. Elle contenait une sorte de sphère transparente. Le sorcier poursuivit ses explications :

— Tu tiendras ce réceptacle près de moi durant ma tentative. Ainsi, en cas d'échec, mon esprit sera aussitôt attiré à l'intérieur.

Ozerel s'en saisit et assura :

— Tu peux compter sur moi...

À ce moment-là, Syvan avait suffisamment repris ses esprits, pour parvenir à s'approcher de la sortie. Ozerel sans lâcher la sphère, bondit vers lui et l'attrapa en s'exclamant :

— Où crois-tu donc aller ? 

Il l'amena devant le Nécromancien. Peu après, la tentative de transfert débutait...


Ligne de front - Vingt minutes plus tard


Ovaïa, Evalane et les dix cavaliers arrivèrent enfin sur les lieux de la bataille. La première chose qu'ils notèrent fut les odeurs pestilentielles, la seconde les nombreux cadavres de soldats, de cavaliers et de chevaux qui jonchaient le sol couvert de sang. Des démons, il ne restait pas grand-chose. Ceux qui ne s'étaient pas enfuis avaient fondus. 

Evalane aperçut Lorac qui, l'air hébété fixait le ciel. Elle s'avança vers lui et non sans inquiétude, lui demanda :

— Où se trouve Syvan ? 

Le cavalier posa un regard perdu sur elle. Il parut sortir d'un rêve, ou plutôt d'un cauchemar. Il répondit par une autre question :

— Dame Evalane ? Que faites-vous ici ? 

— Où est mon époux ?

Lorac se ressaisit. C'est d'une voix blanche et douloureuse qu'il répondit :

— Il a été enlevé !

— Qu'est-ce que tu racontes ? 

— La vérité, il a été enlevé par un malfaisant volant, il l'a emporté par là !

Il désigna le ciel...

Ovaïa qui s'était approchée, demanda à Lorac :

— Le camp des malfaisants est loin ?

— À peine 600 mètres, après les palissades...

Le cavalier désigna des morceaux de bois brisés qui couvraient le sol un peu plus loin. Il rectifia machinalement :

— Ou plutôt ce qu'il en reste !

La Dame d'Eraland, sans attendre, remonta sur son destrier et à brides abattues, galopa dans la direction indiquée par Lorac. Aussitôt, sa belle-sœur l'imita et la suivit...

Dans la cahute du Nécromancien, les choses évoluaient lentement. D'une main, Ozerel maintenait Syvan qui tentait désespérément de se dégager. Dans l'autre, le chef des démons gardait la sphère près du mage.

Ce dernier avait beaucoup de peine à se concentrer. Entre l'ancienne âme de son corps actuel qui tentait de le chasser et celle de Syvan qui refusait de laisser sa place, il ne parvenait pas à trouver le chemin requis qui lui permettrait de se glisser dans le corps du cavalier. 

Le sorcier gémit :

— Je n'y parviendrais pas, cet humain est trop puissant, son âme  est trop droite...

— C'est ce que tu voulais !

— Un esprit fort certes ! Pas un esprit pieux... Aaaarrrggt... Je faiblis... Je... 

Il se tut, son regard vacilla, il s'écroula. Une sorte de brume grise s'échappa du corps et alla se loger dans la sphère. Ozerel sut alors que le Nécromancien avait échoué. Il lâcha Syvan.

L'orage, dehors, se mit à gronder, et sur ce site où il n'avait pratiquement jamais plu, des trombes d'eau se déversèrent !

******

Furieux, le général tira son cimeterre de sa ceinture. En premier, il embrocha l'ancien réceptacle du sorcier puis, il visa Syvan. Celui-ci grâce à un roulé boulé évita d'un cheveu d'être traversé de part en part. Il fit face sans peur au chef des démons. Celui-ci allait se jeter sur lui, mais un autre roulement de tonnerre l'incita à renoncer à sa vengeance. Il se rua hors de la hutte et, de ses ailes puissantes, aussi vite qu'il le pouvait, il s'envola et s'éloigna le plus possible du volcan Oleko. 

Il prit la direction du nord, la direction du Surilor. Une centaine de ses démons parmi les plus forts le suivit...

Syvan, dès le départ d'Ozerel se précipita vers le corps abandonné par le Nécromancien. Il le tourna sur le dos. Il remarqua qu'il était toujours vivant. Il s'adressa à celui qui, après des mois de lutte, avait réintégré enfin son corps :

— Rovor ?

— C'est... Bien... moi... Oh... Syvan... Qu'ai-je fait ? Comment pourrez-vous tous me pardonner ?

— Tu n'es pas responsable... Tu étais possédé !

— Oh que si ! Tu  ne sais pas... Tout ceci... Ce qui est arrivé... C'est de ma faute... Je... Je... Ovaïa... Ovaïa...

Il eut comme un hoquet... un sursaut... Et rendit l'âme...

Les chevaux d'Evalane et Ovaïa stoppèrent à cet instant devant la hutte. Les jeunes femmes en descendirent et entrèrent dans l'habitation...

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