Les Bois de Quezériol - 4 -

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Cela faisait deux heures que la barge avait quitté les abords du volcan. Elle venait de franchir la frontière invisible séparant les terres d'Oleko du pays de Quezériol. 

Le fleuve s'écoulait paresseusement devant le chaland. Le vent était tombé, Jolo avait amené la voile, il était à l'aviron à présent. Heureusement, il naviguait avec le courant, ce qui permettait à l'embarcation d'aller assez vite.

Un bémol cependant, il gelait, cela même si le soleil brillait dans un ciel sans nuages. Obro qui n'avait pas grand-chose à faire était frigorifié. Il avait enveloppé son cheval dans d'épaisses couvertures, si bien qu'il n'avait gardé pour lui qu'une mince fourrure usagée qui avait connu de meilleurs jours. 

Le cavalier essayait de ne pas penser au froid mordant qui roidissait son corps tout entier. Il ne sentait  presque plus ses pieds. Il avait l'impression d'avoir deux blocs de glace plantés dans ses bottes. Quant à ses mains, qu'il avait entourées de chiffons, elles n'étaient pas en meilleur état. Il leva les yeux vers le ciel, sourit et pensa que malgré les rigueurs climatiques, il était heureux de contempler tout ce bleu. Il porta son attention sur les sapins vert foncé qui bordaient les rives de l'Ikryl. 

Le fleuve traversait les bois. Il rentrait ensuite en Surilor, avant de poursuivre sa route jusqu'à l'océan le plus froid de ce monde, dans lequel il se jetait. C'était le plus long et le plus large cours d'eau de la planète. 

Obro pensa que, grâce à l'Ikryl, le trajet jusqu'en Surilor ne prendrait que quelques jours, au lieu de durer deux à trois semaines. C'était à condition, bien sûr, qu'ils ne rencontrent pas de problème imprévu. Il se pouvait également que Jolo parvienne à décider les jeunes femmes de renoncer à la poursuite du malfaisant. 

Le cavalier n'y croyait pas trop. Alors qu'il s'interrogeait, une sorte de cri strident le fit tressaillir. Il leva les yeux sur la cime des arbres. Jolo fit de même. Tous deux pâlirent, Il s'agissait d'un des démons volants.

Ozerel en survolant la cime des arbres n'avait pas lâché ses rares démons des yeux. L'air ambiant, comparé au matin, était sensiblement moins froid. Par ailleurs, le fait de voler lui permettait de se réchauffer. Bien évidemment, la proximité du fleuve avec le chemin qu'il suivait emportait vers lui et ses diables une humidité mal-venue, mais c'était le moindre mal au regard de la nuit précédente. 

****

Le général démoniaque jetait de temps à autre, un œil prudent sur le ruban liquide et brillant du fleuve qui serpentait au milieu des épineux. Quand il avait aperçu la barge la première fois, il avait cru que ce n'était qu'un morceau de bois qui flottait à la surface de l'eau. Puis il s'était fait la remarque que le sillage de l'objet était beaucoup trop régulier pour n'être qu'une branche emportée par le courant. 

Il s'était alors concentré davantage et avait vu qu'il s'agissait d'une embarcation avec deux humains à son bord. Il s'était réjoui, avait pris de l'altitude, en réglant, déjà, leurs comptes à ces hommes isolés. Le chef des Malfaisants pensa que l'un d'eux ferait une succulente réserve de nourriture ; quant à l'autre, et avec un peu de chance, il serait un parfait vaisseau pour l'esprit du  Nécromancien qui, bien entendu, était toujours enfermé dans la sphère transparente. 

Il avait pris un peu plus de hauteur, avant de pousser un hurlement et foncer sur la barge.

****

Obro avait réagi plus lentement que Jolo. Celui-ci s'était empressé de saisir le seau à écoper présent à ses pieds, l'avait plongé dans les flots glacés du fleuve avant de jeter le contenu du récipient sur le démon ailé qui était déjà  sur eux. 

Le diable évita d'un cheveu le flot de liquide. Il émit une stridulation aiguë emplie de frustration. Obro qui ne voulait pas être en reste, cherchait des yeux un autre éventuel récipient à remplir. Ozerel revint à la charge : il évita habilement l'attaque de Jolo pour se jeter sur Obro. Il le saisit soudain à l'aide de ses pieds griffus et préhensiles, et le souleva sans mal. Le cavalier hurla. Sous le regard impuissant du jeune homme des marais, le diable s'envola à tire-d'aile en direction des sapins et  en emportant sa proie...

*****

Le général démoniaque laissa tomber Obro au milieu de ses diables auxquels il ordonna :

— Repaissez-vous de lui,  mais, laissez-moi-en, je vais chercher l'autre...

Il s'envola de nouveau, laissant le cavalier à la merci des malfaisants. 

Obro se redressa vivement et tira son épée. Les diables qui l'encerclaient reculèrent légèrement. Le chevalier qui avait bien compris qu'il risquait de servir d'en-cas aux démons, prit l'initiative d'attaquer le premier, afin de briser le cercle de ses assaillants.

*****

Pendant ce temps, Jolo était aux prises avec Ozerel. Son premier moment de surprise passé, et en voyant revenir le diable ailé, il avait pris la décision de quitter le bord de la barge et de se laisser glisser dans l'eau. La morsure du froid le tétanisa. Il serra les dents tout en s'accrochant fermement au bateau. 

Le général démoniaque se positionna juste au-dessus de lui. Il commença à le harceler. Jolo, calmement, évitait les attaques. Oubliant l'engourdissement qui gagnait tout son corps, il n'hésitait pas à plonger sous l'eau, dans le but de se préserver des charges haineuses d'Ozerel. 

Ce dernier, dépité, comprit rapidement qu'il n'aurait pas celui-ci facilement. Un glapissement perçant s'échappa des lèvres rouge pâle du malfaisant. 

Il s'obstina et tout en évitant les éclaboussures d'eau, il multiplia ses attaques...

*****

Obro, tant bien que mal, parvenait à tenir les démons à distance. Tenant fermement son épée en mains, il effectuait d'amples moulinets. De temps à autre, sa lame tombait sur un crâne de diable. Le plus souvent, celle-ci rebondissait. Malgré un réel affaiblissement de leurs forces, les malfaisants restaient relativement invulnérables. Obro commençait à s'épuiser, il se sentit soudain submergé...

*****

De son côté, Jolo gardait son calme, mais le froid commençait à tétaniser tous ses membres. Pour autant, il ne voulait  pas abdiquer. Il n'était pas venu jusqu'ici pour se faire capturer et dévorer par un diable, quand bien même celui-ci serait le maître des enfers en personne. Courageusement, le jeune homme des marais évita, encore une fois, les griffes acérées du malfaisant et replongea sous l'eau...

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