Les bois de Quezériol - 9 -

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La nuit suivait son cours sur les bois. Dans le camp des cavaliers du roi, tout le monde dormait, sauf les quelques gardes qui surveillaient le site. Or, ceux-ci n'étaient guère vigilants. Ils n'entendirent pas Ozerel survoler les tentes. Celui-ci faisant fi du froid était retourné en arrière. Il tenait à récupérer la sphère du Nécromancien. 

Cependant, il n'était pas question pour lui de fouiller le camp humain. Au moins, pas dans l'immédiat. Il voulait d'abord chercher dans le bateau. Une démarche dangereuse pour lui étant donnée la proximité de l'eau.

Heureusement, le ciel était limpide et la lune pleine éclairait les bois et le fleuve,  une visibilité parfaite. Le général trouva sans mal l'endroit où la barge était amarrée. Avec prudence, il se posa sur l'embarcation. Celle-ci tangua légèrement. Ozerel, tant bien que mal retrouva son équilibre, ce malgré son pied blessé. Il débuta ses recherches...

Il n'eut pas à chercher longtemps. La sphère se trouvait sous la voile qui était soigneusement descendue sur le fond de la barge. Satisfait, Ozerel tendit le bras pour l'attraper. Il n'eut que la possibilité de l'effleurer. Une sorte de vague glacée se propagea tout le long de son bras. Le démon hurla de douleur. La barque tangua dangereusement. Le général s'envola afin de ne pas risquer de tomber dans le fleuve. Son regard épouvanté fixait la balle translucide qui avait roulé près du banc. L'intérieur était envahi d'une sorte de brume rouge. Il s'éloigna brusquement en sachant qu'il ne la récupérerait plus.

Il avait eu le temps d'entendre une voix tonner dans sa tête : "C'est terminé Ozerel, il est temps d'accepter ton châtiment !" Cette voix était celle du maître !

Le cri strident d'Ozerel avait résonné dans le silence glacé de la nuit hivernale. Dans la tente où Jolo et Obro se reposaient, tous furent brusquement arrachés à leur sommeil, Obro sortie de l'abri de toile, en premier. 

Le cavalier leva les yeux vers le ciel, il eut le temps de voir une ombre ailée frôler les cimes des sapins, puis disparaître au loin vers le nord. Paméo qui n'était pas très loin s'avança et lui demanda :

— Ne serait-ce pas le malfaisant avec lequel Jolo et toi avez eu maille à partir hier ?

— Je crois en effet ! Curieux, pourquoi est-il revenu par ici ?

Paméo haussa les épaules et répondit :

— À quoi s'attendre d'une telle engeance ?

Il conclut ensuite :

— Je vais faire doubler la garde, puis retourner me coucher, la  nuit est loin d'être finie...

Il s'éloigna d'Obro pour se rapprocher d'un groupe de cavaliers. Jolo rejoignait à cet instant son compagnon de voyage. Il demanda à son tour :

— C'était le démon d'hier ? 

— Il semblerait que ce soit le cas, en effet. 

— Pourquoi est-il revenu par ici,  et seul ? 

Obro qui réfléchissait répondit :

— Je ne sais pas...

Tous deux restaient perplexes. Puis Obro décida :

— Nous en parlerons demain, retournons dormir...

Il entraîna Jolo vers leur tente. Peu après, le camp retrouvait sa tranquillité. Quant à Ozerel, il filait vers le nord. Il avait décidé cette fois de ne plus dévier de sa route jusqu'à son arrivée à la porte des dimensions.

Le lendemain matin 

Il était à peine huit heures. Le jour se levait sur le camp des soldats du roi. Déjà les tentes étaient démontées, Jolo et Obro, sur le départ, s'apprêtaient à rejoindre la barge. Ils s'entretenaient une dernière fois avec Paméo, qui leur disait :

— Nous allons continuer à écumer ces bois afin de dénicher tous les démons et les exterminer. 

Obro avait répondu :

— Dur travail en perspective.

Le frère de Leenel se contenta de sourire, le regard chargé de revanche. Il n'avait rien révélé de plus sur ce qui lui était arrivé, les voyageurs n'avaient pas cherché à savoir. Obro  repris :

— Alors, si tu croises Dame Evalane et Dame Ovaïa...

Le jeune chevalier royal le coupa :

— Je leur dis que vous les attendrez à la crique des pierres blanches. À savoir, le village est totalement abandonné. Sa population a trouvé refuge dans la cité de Jade.

— Oh ? Peut-être ne vont-ils pas tarder à revenir chez eux.

— Ceux qui ont survécu, sûrement...

Il s'assombrit, puis se reprit et conclut :

— Je vous souhaite bonne chance dans votre mission, et si vous ne parvenez pas à convaincre ces Dames de revenir avec vous en Ikryl, je vous souhaite un excellent voyage jusqu'en Surilor. Les dieux fassent que votre trajet se passe sans accroc...

— Merci Paméo, bonne chance à toi aussi.

 Jolo lui fit les mêmes souhaits, puis tous deux quittèrent le camp. Paméo les suivait des yeux. Il se demanda s'il les reverrait vivants, surtout s'ils allaient en Surilor. D'après ce qu'il savait, la situation là-bas était encore très critique. Puis il cessa de s'en soucier. Il avait bien suffisamment de problèmes à gérer, pour s'inquiéter de ceux des autres, pensait-il. Ainsi il s'avança vers ses cavaliers et commença à aboyer ses ordres...

Un vent froid se levait. Jolo décida d'en profiter, il hissa la voile. Obro venait d'installer son cheval sur la barge. Cette fois, tous deux avaient avec eux, une pile de chaudes fourrures offertes gracieusement par Paméo. C'est au moment où Obro les posait sur le banc, qu'il vit la sphère...

Il commença à dire :

— Qu'est-ce que c'est... ?

Puis il s'en saisit et l'examina. Jolo leva les yeux sur lui, puis il vit la boule translucide. Il pâlit et recommanda :

— Ceci est un objet magique. Prends garde Obro. 

— Tu crois qu'il s'agit de cette sphère dont a parlé Syvan ?

— Et c'est sans aucun doute cet objet que cherchait le démon cette nuit.

Obro, encore une fois examina cette sorte de bille translucide. Des volutes grises se mouvaient à l'intérieur. Il décida :

— C'est sans doute dangereux, en effet.

Il l'enveloppa d'un morceau d'étoffe, puis glissa le tout dans le coffre du bateau. Jolo, satisfait dit alors :

— Il faut y aller. 

Peu après, l'embarcation poussée par le vent glacial glissait sans mal sur le fleuve ; le temps était encore beau, mais des nuages avaient commencé à dissimuler le bleu du ciel. Le soleil jouait à cache-cache avec eux.  

Obro jeta une fourrure sur ses épaules en se disant :

— Nous n'avons pas fini d'avoir froid.

Il avait déjà oublié la sphère....

De leur côté, Evalane et Ovaïa s'étaient aussi mises en route. Elles avaient détaché le démon qui les précédait d'à peine quelques mètres sur le chemin qui longeait le fleuve. 

La Dame d'Ikryl lui avait dit, en lui ôtant ses liens :

— Essaie seulement de nous jouer un coup tordu et je te jette dans le fleuve. 

Il n'avait pas eu besoin de traduction, le ton de la belle-sœur d'Ovaïa était suffisamment explicite.

À présent, elles chevauchaient côte à côte. Evalane, du coin de l'œil, surveillait le malfaisant. Cela n'empêcha pas la jeune femme de demander à sa compagne :

— Combien de temps, à ton avis, nous faudra-t-il pour atteindre cette crique ? 

— Un ou deux jours sans doute, si le temps est clément.

En parlant, Ovaïa avait levé les yeux sur le ciel qui se couvrait. Ainsi elle avait ajouté :

— Ce que j'ose espérer.

Une bourrasque les fit frissonner. Le démon resserra autour de lui, la fourrure qu'Ovaïa lui avait donnée. Ce qu'Evalane n'avait pas approuvé, bien sûr, mais la Dame d'Eraland tenait à ce que le diable reste en vie jusqu'à leur arrivée en Surilor et même au-delà. Sa belle-sœur avait dû taire ses réserves.

Elles talonnèrent leurs montures, quelques flocons commencèrent à tomber...

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