La porte du Surilor - 3 -

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Cité de Jade - Pays de Quezériol


En arrivant dans la cour basse de la résidence royale, Obro confia les chevaux à un jeune écuyer. Ensuite, Il passa dans la cour haute, puis suivit Ulkir à l'intérieur du château. Celui-ci disait au cavalier :

— J'ignore si le seigneur Dokar sera en mesure de te recevoir dans l'immédiat. Comme je te l'ai précisé, quelques seigneurs et lui confèrent. 

— Quel est l'ordre du jour ? 

— L'opportunité ou pas de se rendre en Surilor, pour éradiquer totalement les malfaisants, puisque la plupart se sont enfuis là-bas !  

Obro s'assombrit avant d'objecter :

— Ce n'est pas une bonne idée !

Surpris, Ulkir stoppa sa marche. Il dit :

— Voilà un avis bien péremptoire, tu m'expliques ?

 — Je préfère attendre d'avoir fait mon rapport au seigneur Dokar. 

Ulkir dubitatif le regarda puis décida :

— Suis-moi !

Il le guida en direction de la salle du conseil.

Alors qu'ils arrivaient devant les portes de la salle, celles-ci s'ouvraient ; Obro et Ulkir s'écartèrent et s'inclinèrent avec cérémonie. Le roi sortit le premier, suivi de ses principaux conseillers et seigneurs. Dokar était du lot, mais pas au premier plan. Il arborait une mine neutre ; cependant Obro, qui le connaissait bien voyait sa préoccupation. Le jeune seigneur d'Ikryl leva les yeux  vers lui, ses sourcils se froncèrent, ce fut sa seule réaction. 

Lorsque le roi et tout son conseil furent passés devant les deux cavaliers, ces derniers, à bonne distance, leur emboîtèrent le pas, mais, alors que le monarque empruntait un escalier, pour gagner le deuxième niveau du château, tous les autres quittèrent l'intérieur de la résidence royale. 

Ils se retrouvèrent dans la cour d'honneur, Dokar à cet instant fit signe à ses chevaliers.  Ils s'avancèrent vers lui. 

Le jeune seigneur s'adressa tout d'abord à Obro, il s'enquit sévèrement :

— Que fais-tu ici ? Je t'avais donné une mission, escorter ces Dames, là où elles désiraient se rendre !

Sans se troubler, il répondit :

— Elles ont souhaité continuer ; dans ces conditions, la barge devenait un peu juste pour quatre personnes et trois chevaux et comme Jolo ne sait pas monter, je me suis dévoué. 

Le cavalier savait qu'il mentait par omission, mais il ne voulait pas trop s'étendre sur ce qui s'était réellement passé, devant Ulkir, même si en arrivant, il lui avait parlé d'événements inattendus.

Ulkir, surpris, dévisagea son camarade. Il se demanda : "Qu'est-ce qu'il ne veut pas que je sache ?"

Cependant Dokar reprenait :

— Sa majesté a décidé que nous partirions pour le Surilor demain matin. Comme il est probable que nous n'allions pas assez vite à cheval, notre roi va mettre ses galères à notre disposition. Bien sûr, cela nous oblige à rejoindre la mer de Békali, puis de passer par le canal d'Aztas, afin de rallier l'Ikryl, mais ce sera toujours plus rapide que par les terres. 

Obro brûlait d'envie de formuler une multitude d'objections, mais il préféra se taire. Le jeune seigneur reprit à l'intention d'Ulkir :

— Je te laisse t'occuper de la logistique concernant les troupes du domaine ; Obro t'aidera, puisqu'il est là, autant le mettre au travail !

Ce fut tout, Dokar s'éloigna d'eux et les cavaliers quittaient la cour d'honneur. Quand ils se furent un peu éloignés, Ulkir n'hésita pas à mettre les pieds dans le plat. Il déclara :

— Qu'est-ce que tu n'as pas dit au seigneur, Dokar ?

Obro hésita. Son camarade insista :

— Et je veux la vérité !

Un court silence suivit. Puis Obro raconta... Lorsqu'il eut terminé, Ulkir déclara  :

— Il faut le dire au seigneur, Dokar !

— C'est mon intention, mais nous devons attendre le moment propice.

L'intendant d'Ikryl, perplexe objecta :

— Et ce sera quand, d'après toi ?

— Chaque veille de départ, le jeune seigneur vient toujours manger avec ses troupes, je l'instruirai de tout ceci à ce moment-là. 

— Donc dans quelques heures à peine ?

— C'est ça...

— Bien, en attendant, retournons au cantonnement, et les Dieux fassent que tu aies tort, pour cette porte...

Ils se détournèrent du château pour rejoindre le cantonnement.


Quelques heures plus tard - Cantonnement de l'Armée Royale


La nuit était tombée, c'est à la lueur des torches et sur sa monture que Dokar arriva au cantonnement, car il comptait bien y dormir. En fait, il n'était pas trop friand des ambiances de cour, qu'elles soient royales ou seigneuriales. Il aimait à dire que cela coupait trop les élites des réalités du terrain. 

Par ailleurs, il souhaitait s'entretenir avec Obro. Il avait compris que son retour s'expliquait autrement que par des histoires d'embarcations trop petites ou autres. Il redoutait déjà les réponses, mais était prêt à les entendre. 

Dokar arriva rapidement  dans le secteur réservé au pays d'Ikryl et se détendit, car il voyait là des visages familiers. Il descendit de cheval, le confia à un écuyer et se dirigea à grands pas vers l'auvent réservé aux repas. Là, plusieurs de ses hommes étaient attablés, dont Obro. Sans hésitation, il s'installa auprès d'eux...

Ce n'est pas au cours du repas qu'il parla avec Obro, mais après, les cavaliers s'étant tous retirés sous leurs tentes. Ulkir et Obro s'attardaient. Dokar ne tergiversa pas, il demanda à brûle-pourpoint :

— À présent, ton rapport Obro.

Le cavalier s'exécuta. Il n'omit rien. Quand il eut terminé, le seigneur d'Ikryl demanda :

— À qui, à part Ulkir et moi, en as-tu parlé ? 

— Personne, Milord.

Dokar ordonna alors sur un ton impératif :

— Cela doit rester ainsi !

Obro osa objecter :

— Vous êtes sûr, Seigneur ? Il me semble que sa majesté devrait savoir à propos de ce portail.

— Il sait déjà, ses voyants l'en ont instruit...

— Et nous y allons quand même ?

 — Sa majesté s'est rangée à l'opinion de ses conseillers militaires. Au demeurant, nous n'irons pas tous, juste la moitié de chaque garnison.

Il quitta son siège en précisant :

— Il va de soi que vous êtes du voyage.

Puis il conclut :

— Il est tard, nous partons tôt demain, je vous conseille d'aller dormir.

Lui-même se dirigea vers sa tente. Sans se faire prier, les deux cavaliers l'imitèrent ; ils savaient que le voyage qui les attendait allait être long.


Sur le fleuve Ikryl - Pays de Surilor - Le lendemain matin


Les bois de Quezériol avaient fait place à des steppes glacées. Le fleuve s'étirait paresseusement au milieu de terres battues par des vents polaires. Les terres inhospitalières du Surilor s'imposaient ainsi aux regards des navigateurs.

Jolo, à présent, devait manœuvrer entre plusieurs plaques de glace. Les eaux avaient gelé par endroit, ce qui ralentissait leur progression. 

Partis de la crique blanche depuis plus d'un jour, Ovaïa se demandaient à présent s'il ne serait pas plus judicieux d'abandonner le bateau pour continuer à pied. Jolo avait assuré que même avec un tel handicap, ils gagnaient encore du temps par rapport à un trajet par les terres. 

Le diable, quant à lui, aurait préféré quitter cette embarcation humide et glacé. Il savait que s'ils abandonnaient la voie fluviale, il risquait de ne pas arriver à temps au portail. Il avait donc gardé son opinion pour lui. Par ailleurs, la plupart du temps, il somnolait. Quand il était à bord de la barge, en tout cas. 

La veille au soir, Jolo avait amarré le bateau à un bosquet d'arbres rabougris. C'était juste après leur rentré en Surilor, il faisait très froid, et le petit groupe avait  préféré dormir à l'intérieur de la barge. 

 À présent, les jeunes femmes ne parlaient plus beaucoup, chacune étant plongée dans ses pensées moroses. Toutes deux semblaient avoir perdu la complicité qui existait lorsqu'elles chevauchaient côte-à-côte. 

Personne n'avait vraiment envie de discuter même si tous étaient d'accord sur un point : le temps et le trajet semblaient s'étirer à l'infini... 

Pendant ce temps, devant le portail, la surface miroitante et mouvante s'était encore agrandie...


Ruines de la cité antique de Kixorlig


Ozerel s'éveilla en sursaut, le soleil était déjà haut, il brillait dans un ciel turquoise, cependant il avait de la peine à réchauffer l'atmosphère.

Le général leva les yeux sur le pœcile. Celui-ci s'était rapproché de lui depuis la veille ; pourtant, il avait veillé à ne pas s'étendre trop près. 

Malgré lui, il frissonna, pas de froid, mais de peur. Il regarda autour de lui. Les cadavres de ses victimes, avaient disparus. Était-ce le portail qui les avait engloutis ? Il l'ignorait. Il faillit se laisser abattre, mais refusa, cette fois de se laisser aller à ses émotions quelles qu'elles soient. 

Il réalisa qu'il avait faim ; sans hésiter, il déploya ses ailes, il avait décidé d'aller chasser...

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