La porte du Surilor - 7 -

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Mer de Békali - Port d'Aztas


La vague s'était retirée. Elle n'avait laissé derrière elle que mort et dévastation. On voyait encore çà et là des flaques d'eau stagnantes, mais aussi des dizaines de corps qui gisaient au milieu des décombres de la cité portuaire. Ainsi humains et chevaux étaient-ils entremêlés dans une même étreinte tragique.  

Dokar avait laissé Ulkir, sur la proéminence rocheuse, aux bons soins d'un des mages du roi. Sur les trois qui les avaient accompagnés, il était le seul à avoir survécu. À présent, en compagnie d'Obro et de quelques-uns des survivants, le jeune seigneur parcourait le port.

Il faillit se laisser aller au découragement. À ce moment-là, il pensait que même si l'anéantissement final était évité, il y aurait un monde en ruine à relever. Comment éviter alors que leur société ne s'effondre et retourne à la plus abjecte des barbaries ? Puis il repoussa ce pessimisme. Ce n'était pas le moment de se laisser aller au désespoir. Il lança des ordres sur un ton ferme :

— Commencez à rassembler les corps, séparez les animaux des humains, faites en sorte de trouver du bois pour les bûchers funéraires, il faut éviter le pourrissement et la venue d'épidémie...

Il continua ainsi, en poursuivant sa marche. Il longeait les quais à ce moment-là. L'armada royale semblait décimée. Soudain, au détour d'un débarcadère, une galère se dessina. Elle flottait toujours, son mat principal et ses voiles semblaient avoir été épargnés. 

Cette note d'espoir au milieu de tellement d'épreuves apporta du baume au cœur de Dokar. Il  stoppa pour contempler le navire rescapé, en s'adressant à Obro :

— Il semblerait qu'en définitive, nous puissions nous rendre en Surilor...

Obro examinait la galère de loin. Il remarqua malgré tout quelques gréements brisés. Cependant Dokar, poursuivant son idée, déclarait encore :

— Je te charge d'évaluer ce qui va et ne va pas sur ce bateau. 

À ce moment-là, une colonne de cavaliers rentrait dans le port dévasté. À sa tête se trouvait Syvan. Il était accompagné de Paméo. Les deux hommes étaient partis de la cité de Jade plus tardivement que Dokar. Heureusement pour eux, cela leur avait permis d'échapper à la catastrophe qui avait touché le port. 

Le jeune seigneur d'Ikryl fut soulagé de les voir arriver.  Il alla à leur rencontre...

Syvan et Paméo mirent pied à terre. Ils regardaient autour d'eux avec consternation. Dokar arriva vers eux. C'est Paméo qui demanda :

— Que c'est-il passé ici ?

Cela lui fut expliqué en peu de mots. Paméo dit alors : 

— Voilà la mission de sa majesté bien compromise. 

En disant cela, il fixait l'armada de navires détruits. Dokar assura alors :

— Il reste un espoir de se rendre en Surilor.

Il leur désigna la galère rescapée. Obro venait à peine d'y monter. Syvan, étonné, s'exclama :

— Comment a-t-elle pu y réchapper ? 

— Voyons cela comme un miracle. 

Obro, à cet instant, fit signe au jeune seigneur d'Ikryl. Celui-ci se dirigea vers le quai où le navire était ancré. Paméo et Syvan lui emboîtèrent le pas.

Moins d'une demi-heure plus tard, la preuve était faite que la galère miraculée était en état de naviguer, même l'équipage avait survécu. À présent, il ne restait plus qu'à parler organisation. Dokar proposa à Paméo de rester sur place pour superviser le nettoyage du port. Celui-ci avait répondu :

— J'aurais largement préféré t'accompagner là-bas afin de pouvoir encore trucider du démon, mais je crois que Syvan a hâte de retrouver son épouse. 

Là, il avait lancé un regard entendu à l'époux d'Evalane. Celui-ci resta impassible. Quoi qu'il en soit, il fallut quand même quelques heures pour que la galère soit prête à appareiller. Cela les mena presque à la fin de journée. De là, Dokar aurait pu attendre le lendemain pour partir. Il préféra, au contraire ne prendre aucun retard.

La galère s'éloigna donc du port dévasté au coucher du soleil. Celui-ci embrasait l'horizon dans une débauche de couleurs chaudes. Dokar se tenait sur le pont. Il eut subitement une étrange pensée : Reverrait-il ou non un autre crépuscule ?


Sur les steppes du Surilor 


Jolo termina la construction de son radeau, alors que le soleil se couchait. Le ciel pourtant restait clair. La faute à la luminosité du portail qui n'en finissait plus de s'étendre. Le petit groupe décida de prendre quelques heures de repos avant de partir. Ils se rassemblèrent autour du feu, et partagèrent la nourriture qui avait été sauvée du naufrage, mais aussi celle que Kazaël était allé chasser. Il avait ramené le corps d'un animal aux longues oreilles, dont le nez se terminait par un groin. 

C'est Evalane qui l'avait apprêté et fait cuire. Ils se restaurèrent en silence. Malgré eux, ils fixaient la clarté lointaine du pœcile.  

Ils terminèrent leurs repas. Les trois humains s'allongèrent alors près du feu, Ovaïa fut la première à s'endormir, Evalane et Jolo l'imitèrent bientôt. Le diable quant à lui resta éveillé, les yeux rivés sur la luminosité générée par le portail et en se disant que le lendemain à cette heure-ci, ils seraient peut-être tous morts !

"Le rêve avait emporté Ovaïa. Elle avançait dans la salle crépitante au milieu de créatures de flammes. Celles-ci s'inclinaient sur son passage et s'écartaient pour lui libérer le chemin menant au trône de basalte sombre. Elle n'avait pas peur ; au contraire, elle se sentait presque euphorique.

La voix formidable du souverain de l'ardent pays s'adressait à elle :

"Ma chère enfant ! Comme tu es belle et puissante !"

Elle leva sa main devant ses yeux et réprima un cri de frayeur, ses doigts étaient cerclés de flammes..."

La jeune femme se réveilla en sursaut, elle se redressa à demi. Ses yeux noirs se posèrent sur le feu. Soudain, un léger tremblement du sol l'alerta. Il fut bref. Cependant elle sauta sur ses pieds.

Kazaël s'adressa à la jeune femme :

— Le temps presse, ma Reine !

Elle l'admit. Evalane et Jolo s'éveillèrent à leur tour. Tous les trois n'avaient dormi que deux heures.  

Pourtant, ils se préparèrent à partir...


Près du portail


Ozerel, toujours juché sur l'arbre mort, se sentait épuisé. Son corps entier était douloureux. De plus, il n'avait pas réussi à dormir. Il se redressa. La terre s'agita brièvement. Il porta son attention sur le portail. Celui-ci s'était dangereusement agrandi et donc rapproché de son refuge. 

Il réalisa qu'il serait plus prudent d'en descendre et de s'éloigner encore. 

L'exercice fût des plus difficiles. Il y parvint pourtant. De là, il s'effondra dans la poussière rougeâtre. Cette fois, il se sentait sans force...

Brusquement, un arc électrique venant du pœcile frappa l'arbre mort. Celui-ci s'enflamma. Le regard d'Ozerel s'écarquilla, puis ses lèvres minces s'étirèrent sur un sourire. La providence venait de lui offrir une opportunité inespérée. Il se releva et se traîna jusqu'à l'arbre qui brûlait ; sans hésiter, il se jeta dans les flammes !

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