La porte du Surilor - 9 -
Les lèvres rouges d'Ozerel s'étiraient en un sourire sardonique. Il s'adressa à la jeune femme :
— Tu n'espères pas me terrasser ?
— Sommes-nous obligés de nous battre ? Œuvrons ensemble pour refermer cette porte qui menace de détruire nos deux mondes.
— Que m'importe ? Puisque je n'ai pu avoir ni l'un, ni l'autre, j'ai décidé que nous nous acheminerions tous vers la destruction ! Ce sera une superbe apothéose, n'est-ce pas ?
Il ajouta :
— Mais avant cela, je vais prendre un plaisir infini à te tuer, ensuite je te dépècerai et dévorerai ton cœur !
Il dégaina son cimeterre. Ovaïa, sans chercher à argumenter plus avant, sortit de son fourreau l'Épée de son père où, selon Kazaël "Le talisman aux sombres joyaux"
En refermant ses doigts sur la garde de sa lame, la jeune femme la sentit vibrer comme jamais auparavant. Elle éprouvait à son contact un sentiment de puissance inouïe, une énergie inattendue se répandit dans son corps.
Ovaïa se sentait forte et grisée. Néanmoins, elle se dominait suffisamment pour ne pas se laisser étourdir par cette sensation nouvelle.
La jeune femme brandit son arme, et c'est elle qui lança la première offensive...
Sur le fleuve
Le frêle esquif construit par Jolo menaçait à tout instant de se briser sur les flots impétueux de l'Ikryl. Evalane n'était pas trop rassurée. Elle s'agrippait comme elle pouvait aux planches assemblées de l'embarcation de fortune.
Le jeune homme quant à lui, menait le radeau sur le courant, avec le même calme que lorsqu'il guidait la barge. Sa priorité ? Arriver le plus vite possible à la porte, car il craignait pour la vie d'Ovaïa.
Les yeux braqués sur la luminosité du pœcile qui se rapprochait, il redoubla d'efforts et le radeau prit un peu plus de vitesse...
Devant la porte
Sans mal, Ozerel avait paré la première attaque de la jeune femme. Cependant, la puissance du choc le surprit. Il recula légèrement, avant de se mettre hors de portée.
Le malfaisant étudia la position de défense d'Ovaïa avec attention. Elle ne laissait entrevoir aucune faille. Il sut qu'il ne dominerait pas la jeune femme aussi facilement qu'il l'aurait cru. En tous les cas, il ne l'aurait ni sur la technique, ni sur la puissance.
Il avait un avantage par rapport à elle. Son visage haineux s'emplit d'un éclat calculateur. Brusquement, il déploya ses ailes et s'envola...
Kazaël qui se tenait à l'écart s'envola à son tour, et faisant de son corps un rempart pour Ovaïa, il jeta au général :
— Traîtrise ! Utiliser vos ailes est déloyal !
Ozerel lui jeta un regard dédaigneux, il s'exclama :
— Mais qui voilà ?! Le faiseur de feu ? C'est toi qui parles de traîtrise ? Tu m'avais juré fidélité et te voilà auprès de cette intrigante ?
— J'étais dans l'erreur. J'ai entrevu sa noblesse, sa puissance, elle est Notre Reine ! Elle l'a toujours été ! Votre aveuglement et votre rage sont en train de nous mener à la catastrophe !
— N'as-tu pas compris ? Cela m'est égal !
D'une brève envolée, il fut vers Kazaël et déclara :
— Cette discussion a assez duré, ne te mets pas en travers de mon chemin, où tu le regretteras !
Courageusement, le diable resta là en réitérant :
— Utiliser vos ailes est déloyal !
Cette fois Ozerel était agacé. Il pointa son cimeterre sur Kazaël et fonça vers lui...
C'est habilement que Kazaël évita l'offensive du Général. Ovaïa, les yeux levés vers eux, enrageait de ne pouvoir intervenir ! Elle savait d'instinct que le faiseur de feu n'aurait pas le dessus.
Furieuse, elle allait et venait sans quitter des yeux les deux Éréalios qui combattaient au-dessus d'elle. La jeune femme se disait sans arrêt :
— Ceci est mon combat, et je ne suis pas à la hauteur de ce malfaisant ! Pourquoi ?
La colère était sur le point de la submerger ! Soudain, elle vit les deux belligérants s'opposer presque au corps-à-corps. De là où elle était, elle avait l'impression de voir une même entité. Cependant elle remarquait que Kazaël parvenait à maintenir à distance le cimeterre du Général.
Brusquement, ils prirent de l'altitude et elle ne distingua plus rien ! Elle plissa les yeux, afin de parvenir à les apercevoir, en pure perte ! Une sourde inquiétude la balaya.
Puis elle entendit un cri de souffrance atroce, celui-ci résonna sinistrement dans l'air froid de cette matinée. Un silence suivit, presque insoutenable. La jeune femme avait toujours le regard braqué sur le ciel. Enfin, un corps tomba du ciel en tournoyant et à une vitesse vertigineuse. Il s'écrasa sur le sol, juste aux pieds d'Ovaïa. Cette dernière baissa le regard sur lui. Elle pâlit. Il s'agissait de Kazaël !
Le général presque avec élégance, atterrit face à Ovaïa. Il tenait fermement dans son poing son cimeterre souillé du sang noir de sa victime. Il s'adressa à la jeune femme :
— Bien, cet intermède étant terminé, reprenons où nous en étions, tu veux ?
Ovaïa releva vivement son visage vers lui. Il était empreint d'une colère démesurée, son regard sombre étincelait d'indignation, elle lui jeta :
— Tu ne respectes décidément rien, même pas la vie des tiens ! Quelle sorte de monstre es-tu ?
Ses poings se serraient sur la garde de son épée. L'énergie qui courait déjà en elle s'intensifia à son insu. Elle pulsait avec ardeur, au rythme de sa colère.
Ozerel allait répondre, mais il croisa ses yeux et là il recula. Les prunelles de la jeune femme brillaient d'une telle intensité, qu'il crut y voir des flammes ! Puis il réalisa que c'était bien cela, le regard d'Ovaïa était de braise à présent.
Soudain un flamboiement s'empara du corps de la jeune femme ; ainsi, sous le regard consterné du Général, Ovaïa se métamorphosa...
Le visage devenait sombre, les lèvres rouge-sang s'ouvraient sur une dentition pointue, les prunelles semblaient brûlantes, son front couronné de flammes, s'ornait de cornes spiralées. Sa silhouette apparaissait débarrassée de tous vêtements, révélant un corps d'ébène, parcouru de lignes de feu. Elle tenait dans sa main droite l'Épée aux sombres joyaux, nimbée d'incandescence. Sur la paume de la gauche reposait la sphère du nécromancien.
C'est en dernier que des ailes écarlates nervurées d'or, se déployèrent dans son dos.
Elle s'adressa alors à un Ozerel très effrayé. D'une voix formidable, elle tonna :
— Eh bien, Général, il semblerait que les forces soient désormais beaucoup plus équilibrées...
Non loin de là, le radeau de Jolo et Evalane accostait enfin...
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