La Contrée Ardente - 2 -

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Contrée Ardente - Bien des années plus tôt 


Ozerel eut un mouvement de recul. Il  vit le corps de Lésilia s'affaisser doucement sur le sol, elle serra brièvement l'enfant dans ses bras, puis son regard de feu expira.

Le roi se précipita vers elle avant d'ordonner à ses soldats :

— Emparez-vous de lui, qu'il soit jeté en cachot humide ! 

Les gardes, hésitants, se regardèrent, le souverain vociféra encore :

— N'avez-vous pas entendu ?

Enfin, ils s'avancèrent vers le prince-guerrier. Celui-ci aussitôt s'envola jusqu'aux voûtes de l'ardente salle du trône, avant de prendre la  fuite par l'une  des ouvertures circulaires donnant sur l'extérieur. 

Le monarque au comble de la colère et du chagrin  hurla :

— Ozerel, fils indigne ! Je te renie, meurtrier ! 

Le général  se trouvait à bonne distance quand son père cria sa fureur, mais il l'entendit et la couronne de flammes du prince s'éteignit !

Les jours qui  suivirent  furent sombres pour le roi ardent. Après la dissolution du corps de sa bien-aimée, dans le puits funéraire, la période de deuil débuta. Cela n'empêcha pas le souverain de faire rechercher activement Ozerel, mais celui-ci restait introuvable ; par ailleurs, son fils conservait du crédit et des partisans parmi les Éréalios,  cela même s'il l'avait déchu de son titre de noblesse. 

Les espions du Monarque lui apprirent qu'il cherchait à rassembler des troupes afin de partir en guerre contre lui. Une partie de l'armée avait été sensible aux arguments du traître ; parmi eux de nombreux faiseurs de feu, ainsi qu'un nécromancien qui avait été chassé du palais ardent depuis longtemps déjà et qui rêvait de se venger du roi.

Le souverain était inquiet. Tant qu'Ozerel restait libre de ses mouvements, il savait que son héritière était en danger. Alors, il  commença à réfléchir au moyen  de la mettre à l'abri, jusqu'à ce qu'elle soit assez âgée pour lui succéder. 

Il s'ouvrit de ses préoccupations à son premier conseiller,  qui était le mage officiel de la lignée royale et un ami. Celui-là écouta le souverain avec attention. Ensuite, il déclara :

— Tu penses à un refuge hors du pays ardent, n'est-ce pas ? 

— En effet, viens, rejoignons la salle des dimensions...

Ils se rendirent dans cet endroit...

Les lieux étaient tapissés de miroirs, chacun d'eux révélait un univers différent, des mondes aussi variés que les astres du cosmos. Certains étaient admirables, d'autres abominables. Tous abritaient la vie sous de nombreuses formes. 

Le souverain  et le mage flânèrent au milieu de cette galerie des glaces. Depuis des temps immémoriaux, les rois d'Éréalia étaient les gardiens de ce trésor. Ils veillaient à l'équilibre entre les dimensions. 

Ils avaient certes le droit d'emprunter parfois ces passages pour se rendre dans tel ou tel univers, mais uniquement en cas de force majeure. La sécurité de la princesse héritière d'Éréalia entrait dans ce cadre. 

Le mage parcouru du regard toutes ces surfaces réfléchissantes. Il demanda en même temps :

— Quel monde a ta préférence ? 

— N'as-tu pas une idée ? 

Le mage stoppa devant une psyché oblongue, au cadre d'or, richement ornementé. Le magicien passa sa main devant la surface, celle-ci se troubla. Elle renvoya ensuite l'image d'un environnement lumineux. Un soleil éclatant brillait dans un ciel d'azur. Des arbres magnifiques gorgés de  sève bruissaient sous l'assaut d'un vent doux et léger. Le mage repris :

— Le monde des humains, et plus précisément le domaine d'Eraland, n'est-ce pas ?

— N'est-ce pas l'idéal ? Choisir la famille que mon lointain ancêtre Amezel a fondé, après avoir renoncé à la couronne, pour l'amour d'une humaine. 

Sur un ton malicieux, le mage répliqua :

— Tu ne penses plus que c'est une légende ?

— J'ai toujours su que c'était la vérité. Ce qui m'interpelle, c'est la manière dont mon ancêtre s'est changé en humain.

Le mage dit alors :

— Il y a toujours des possibilités. Ceci dit, comment veux-tu procéder ? 

Le souverain avait répondu :

— La Dame d'Eraland est enceinte, la naissance est prévue pour bientôt. Tout laisse à penser qu'elle ne survivra pas... Quant à son enfant, il y a peu de chance aussi. Une fusion entre mon enfant et le sien, sauvera au moins le bébé. 

Le magicien, consterné, s'exclama :

— Deux esprits dans le même corps ? 

— Deux esprits distincts mais unis, qui n'auront pas conscience de la présence de l'autre. Qui vivront la même chose, ressentiront la même chose. Ce n'est que lorsque le moment sera venu, que ma fille s'éveillera, et alors elle viendra à moi.

Le mage secoua la tête en disant :

— Ce que tu demandes est risqué, et frôle les interdits !

— Je ne l'ignore pas. Cependant, je vais devancer ton objection : ce n'est pas une possession.

— La frontière est mince...



Contrée Ardente - Bien des années plus tard



À ce moment-là du récit, Ovaïa sursauta, elle s'exclama :

— C'est impossible !

— Bien au contraire, chère fille.

— Mais je n'ai jamais eu l'impression d'être... deux.

Le souverain flamboyant demanda :

— Qu'as-tu ressenti lorsque tu as traversé le portail ? 

Ovaïa se troubla et réfléchit posément. Elle ferma les yeux, revivant ce moment :

"Des picotements, l'impression de se scinder en deux, puis un bien-être inouï !"

L'héritière regarda de nouveau son père, elle déclara :

— J'ai eu l'impression de me diviser..., mais alors cela veut dire que là-bas...

Elle ne termina pas. Son père le fit pour elle :

— Il y a une autre Ovaïa !

Le roi ardent ajouta :

— Suis-moi, mon enfant !

Il quitta son trône pour l'entraîner dans la salle des dimensions.



Monde des humains - Ruines de la cité de Kixorlig



Jolo contemplait Ozerel, celui-ci était effondré sur le sol. Ce qui lui arrivait était pire que la mort. Ah ! Son père l'avait bien puni !

Le jeune homme des marais se détourna de l'ex-démon. Il s'avança dans les ruines, à la recherche de quelque indice concernant la femme qu'il aimait. Il commença à fouiller les vestiges de la vieille cité. 

Evalane le suivait des yeux. Elle se demanda : "Que cherche-t-il donc, si c'est Ovaïa, elle s'en est allée à présent."

Elle était triste en pensant cela. Dokar, à ce moment-là arriva vers elle...

C'est derrière les restes d'un mur de pierres grises et roses, que Jolo découvrit un objet étonnant. Il se baissa et le ramassa. Il s'agissait de l'épée d'Ovaïa. Les joyaux qui l'ornaient étaient ternes et la garde froide. Alors qu'il se demandait comment cela était possible, il entendit un gémissement, il vit alors une personne étendue parmi les ruines. Celle-ci se redressa, c'était une jeune femme. Elle tourna son visage vers lui : Il s'agissait d'Ovaïa...

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