5 - Marchander avec les archanges

7 minutes de lecture

Yo ! Figurez-vous que ce que dit Iroël pour calmer le chérubin, dans les chapitres d'avant, c'est le début de l'Ancien Testament (avec Dieu qui crée le monde en 7 jours). Et c'est de l'hébreu !

Est-ce que j'ai galéré à l'intégrer dans mon fichier word ? OUI. (Je ne suis pas sûre à 100% d'avoir tout bien fait comme il faut, si ça se trouve il me manque une lettre, une ponctuation ou quelque chose xD)

----

Cornélia se mit à craindre pour la vie d'Iroël. N'était-il pas le seul du convoi à être lié, d'une façon ou d'une autre, aux archanges ? Le silence s'étira, anxieux et inconfortable, jusqu'à ce que leur chef reprenne enfin la parole.

– Je ne parviens pas à le trouver. C’est étrange... (Ses ailes frémirent d'incompréhension.) Peut-être me suis-je trompé.

– C’est même certain, grogna Aegeus. Tu me prends pour un idiot à ce point ? Tu me pensais capable de ramener Judas ou un connard du même genre ?

Au nom de Judas, une réaction de haine épidermique se propagea parmi les roues. Le chérubin gronda.

– Je te respecte, Metatron, reprit Aegeus. Plus que tes sous-fifres. (Sous l'insulte, l'un des archanges déploya ses ailes.) Tu me dis qu’il est interdit de traverser... mais je suis certain qu’on peut s’arranger entre nous.

Il marqua une pause et se tourna vers les trois archanges.

– Gabriel, Seraphiel, Orion... Je suis prêt à faire amende honorable pour le meurtre de votre frère. Et plus encore. Dites-moi... Vous vous adonnez toujours aux combats de monstres dans le dos de Metatron ?

Les archanges se figèrent. Cornélia tomba des nues. Aegeus voulait-il retenter un coup d’éclat comme chez Actéon ?

– Rien n’a jamais lieu dans mon dos, dit calmement Metatron. Puisque, tel notre Père, je vois tout ce qui peut être vu, et entends tout ce qui peut être entendu. Dans le monde où je me trouve, du moins. (Il soupira.) Il est nécessaire que Ses enfants laissent jaillir la force et la rage qui est en eux ; dans l’intérêt de tous, mieux vaut qu’ils le fassent dans des arènes plutôt qu’en s’adonnant à des guerres et des massacres.

Aegeus sourit. Cornélia n’aimait pas ce sourire.

– Je suis bien d’accord. Tes angelots ont besoin de se défouler. (Les archanges le fusillèrent des yeux.) C’est pourquoi j’aimerais leur offrir de nouveaux jouets. Et si mes cadeaux leur plaisent, nous pourrons peut-être sceller un pacte de non-agression qui nous permettra de traverser votre territoire sans aucun risque.

Tout le convoi semblait retenir son souffle, dans l’attente de ce que ces mots suggéraient. Jouets. Cadeaux. Metatron ne bougea pas pendant plusieurs secondes. Derrière lui, ses sous-fifres échangeaient des regards méfiants.

– Que tout cela me fatigue, finit-il par dire. Quand notre Père était là – louées soient Sa grandeur et Sa bienveillance –, je pouvais siéger près de Son trône avec joie ; mais à présent, c’est à moi qu’il incombe de faire des choix et d’ordonner aux autres.

Il se signa d’un geste lent.

– Gabriel, Seraphiel, Orion. Je vous laisse traiter avec la vouivre. Quelle que soit votre décision, les humains devront être saufs. Gloire à notre Père. Gloire à l’Éternel !

– Gloire à l’Éternel, répétèrent les trois archanges en se signant aussi. À tes ordres, Metatron !

Alors leur chef déploya ses huit ailes démesurées et, d’un seul battement colossal, se propulsa vers les cieux. Il disparut dans un éclair blanc, laissant des vagues agiter l’eau de la Strate derrière lui.

– Bien, lança Aegeus. Maintenant que tonton est parti, on va pouvoir parler sérieusement.

Gabriel s’avança vers lui. Dans ses bras, le bébé lumineux regardait le convoi avec son expression d’adulte. Quand ses yeux froids passèrent sur Cornélia, elle se raidit. Blanche avait déjà disparu.

Cache-toi, songea l'aînée qui n’arrivait pas à se débarrasser de son mauvais pressentiment. Ne les laisse pas te voir.

Gabriel cracha aux pieds d’Aegeus.

– Qu’est-ce que tu pourrais bien nous proposer, le dégénéré ?

– Des monstres de combat.

La nervosité fit frémir les boyards. Mitaine redressa sa grosse tête aveugle de grootslang. Gabriel laissa traîner ses yeux blancs sur elle, puis sur ses voisins.

– Pff ! Tu crois qu’on n’a pas déjà ce qu’il faut ? Nos monstres sont parmi les meilleurs du coin. On a même battu Echidna la dernière fois !

Mais l'envie transpirait dans sa voix, et de toute évidence, Aegeus savait parfaitement comment l'exploiter.

– Ose me dire que tu as des monstres qui arrivent à la cheville des miens. (Un sourire sardonique traversa le visage d’Aegeus.) J’ai des classes A et B+, dont des monstres rares que tu ne verras jamais ailleurs !

Et, en se tournant vers le convoi, il désigna la petite bande de boyards transformés. Une sorte de stupéfaction terrifiée s’empara de Cornélia. Son cœur bondit dans son poitrail. Au final, elle l’avait toujours su ; elle s’y attendait depuis l'instant où il avait prononcé le mot « jouets ». Quand les yeux de l’archange passèrent sur elle, ses pattes se mirent à trembler.

– J'ai vu, siffla-t-il. On dirait une tzitzimitl, mais c'est impossible. Elles sont toutes sous les ordres des dieux aztèques. Elles ne quittent jamais leur secteur !

– Celle-ci s’est… émancipée, répondit lentement Aegeus. Grâce à moi.

La colère explosa en Cornélia. Elle se força à la contenir. Aegeus avait forcément un plan. C’était du bluff.

La dernière fois que tu as pensé ça, ce n’était pas du bluff, lui chuchota une désagréable petite voix.

– Elle est très rapide, poursuivit Aegeus. Elle a des mâchoires puissantes. Et elle se déplace dans les airs, bien sûr, comme toutes celles de sa race.

L’archange plissa les paupières en regardant ceux qui se tenaient près d’elle.

– Et ce monstre-là, c’est quoi ? Un grootslang ?

– Les grootslangs n’existent pas, intervint un de ses frères archanges. Ce truc est une légende.

– Faux, trancha Aegeus. Ils ne sortent simplement jamais à la surface, c’est pourquoi personne ne les voit. (Il désigna Mitaine.) Celui-ci est parfaitement dressé. Il pèse trois tonnes au bas mot. Son poids seul peut tuer n’importe quelle autre bestiole au corps à corps.

Un frémissement anxieux parcourut Mitaine, mais heureusement, les archanges ne parlaient pas la langue sans mots. Ils ne virent pas que chaque centimètre carré de son corps criait la vérité : qu’elle n’était qu’une dryade qui portait un masque. Les nivées du convoi, elles, le comprirent très bien. Elles observaient la scène sans mot dire. Sans bouger.

– J’ai aussi une manticore, reprit Aegeus en désignant Gaspard. Une de plus pour votre équipe, puisque vous en avez déjà deux, de mémoire. Ainsi qu’un ours nandi, une panthère d’eau, une chimère et une wyvern. Je les ai bien dressés. Ils sont parfaitement brisés et changeront de maître sans difficulté.

Il se retourna vers les archanges.

– Alors, est-ce que mon offre vous intéresse ?

Ils restèrent immobiles, tels des statues, sans que Cornélia puisse lire sur leur visage neutre. L’un d’eux lança :

– J’aime pas ça. Ils n’ont pas de chaînes. Comment savoir si ce sont bien des esclaves, et pas des nivées libres à ta solde ?

Aegeus haussa les épaules.

– Je les ai brisés alors qu'ils étaient tout jeunes : ils n’ont plus besoin de chaînes pour m’obéir. Tu n’as qu’à les faire attacher, toi. Je te garantis qu’ils ne bougeront pas.

Encore ce mot. Briser.

– Ils valent chacun plus de vingt mille as, poursuivit Aegeus. J'accepte de vous les donner pour rien, et en échange, vous me permettez de traverser votre territoire. C’est cher payé pour moi, mais ce qui m’importe avant tout, c’est la sécurité du convoi.

Le bébé que portait Gabriel lui tapota le bras. L’archange plissa les paupières.

– Pff… tout ça pour laisser passer quarante nivées en mauvaise santé. On y gagne au change ! Marché conclu, le dégénéré.

– Non, contra l'un des deux autres. Pas encore.

Il s’avança et, d’une main exigeante, désigna la Mouche.

– Nous n’avons pas d’éale dans nos arènes. Donne-nous aussi celui-là.

Aegeus parut se crisper un peu. Mais peut-être n’était-ce que l’imagination de Cornélia.

– C’est d’accord. Mais le coffre qu’il porte est à moi. Je le récupère.

– J’espère bien. C’est le monstre qu’on veut, pas tes déchets !

Aegeus fit un signe à l’une de ses boyardes. Elle s’attela à dessangler le coffre du matagot. La Mouche la regarda faire en grondant ; quand le lourd objet quitta son dos, il sembla presque surpris. D’un geste, Aegeus ordonna à la soldate de lui retirer aussi son collier électrique. C'était la seule chose capable de l’empêcher d’attaquer. Cornélia ne l’avait jamais vu sans lui.

– Bien, dit le troisième archange. À mon tour.

Il contemplait Aaron.

– Moi, je veux le crocotta.

Les boyards s’entre-regardèrent. Aaron serra les poings dans ses mitaines.

– Hors de question. J’vous défonce.

Aegeus claqua de la langue.

– Il ne vous sera pas d’une grande utilité. C’est un changelin. Il souffre mille morts quand il se transforme et il est incapable de rester sous cette forme très longtemps. (Il posa la main sur l’épaule du garçon, ou plutôt de l’homme.) Je préfère le garder à mon service, sous sa forme humaine.

L’archange fronça les sourcils ; son regard se promena sur toutes les nivées.

– Dans ce cas, je prendrai à la place…

Cornélia se tendit. Ces maudits archanges faisaient leur marché, tranquillement. Jusqu’où Aegeus allait-il se laisser faire ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Cornedor ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0