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Bonjouuur !

On continue avec les chapitres un peu pourris et mal articulés (oui, j'étais dans une mauvaise passe T_T)

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Autour d’eux, les nivées les observaient tranquillement, s’amusant parfois de leurs chutes ou de leurs couinements étranglés lorsqu’une de leurs attaques ne terminait pas comme prévu. Alors qu’elle virevoltait et esquivait les attaques des autres, Cornélia sentait leur reconnaissance les entourer comme une vague chaude. Pour nous, exprimaient-elles. Humains féroces pour nous.

Elle se sentit étrangement touchée, et se promit de tout faire pour mériter cette reconnaissance. Pour l’instant, elle était loin d’en être digne.

– Allez, fini par conclure Aaron en essuyant la sueur qui perlait à son front. Ça ira pour aujourd’hui. Vous êtes pas trop mauvais.

Venant de lui, cette phrase avait tout d’un compliment ; Cornélia se rengorgea de fierté.

Ils quittèrent le magasin après une courte sieste, qui laissa les deux sœurs presque plus épuisées qu'avant. Avant d'ordonner le départ, Aaron scuta longuement les cieux, comme chaque fois. Tout était calme.

– J’aime pas ça, gronda-t-il. Tout se passe trop bien. C'est comme à l'aller... mais à l'aller, on n'avait pas un archange mort sur les bras.

– Mais arrêtez de dire ça ! tempêta Blanche. Vous allez nous porter malheur !

Cornélia avait cru que sa sœur allait passer à l’étape supérieure avec Aaron. Elle n’était pas seule à le penser : les boyards les observaient chaque fois qu’ils se confrontaient ou s’approchaient un peu trop l’un de l’autre. On aurait dit un club du troisième âge devant Les Feux de l’Amour. Mais Blanche ne faisait rien d’autre qu’asticoter le garçon sans cesse, comme si elle avait mal compris le type d’« attention » que la kitsune avait mentionnée. Sa sœur n'allait pas s'en plaindre : si jamais Blanche parvenait à briser les barrières érigées par Aaron, elle risquait de se faire très mal au passage...

– De toute façon, ces foutus anges font que passer dans le ciel, commenta Gaspard en reprenant place sous le ventre de l’hydre. Ils vont trop vite, ils surveillent rien.

– Arrêtez de parler d’eux ! gémit la blondinette. J’suis superstitieuse sur ce truc-là ! Chaque fois que je parle de quelqu’un, il finit par s’en rendre compte !

– Ça, c’est juste parce que tu gueules comme dans un mégaphone quand t’essaies de chuchoter des trucs à l’oreille de ta sœur, railla Gaspard.

Hélas, lorsqu’ils reprirent la route, il s’avéra – une fois de plus – que Blanche avait raison.

***

Il suffit d’une seconde pour que l’archange fasse irruption.

L’instant d’avant, tout allait bien : un bruit de tonnerre avait secoué le ciel, caractéristique du passage des archanges, mais cela ne les inquiétait pas. Le bébé hydre s’était simplement immobilisé, pour être certain de se camoufler à la perfection, et tous avaient attendu que les cieux se calment de nouveau.

Les cieux s’étaient bel et bien calmés. Mais un battement d’ailes surnaturel, si puissant qu’il semblait claquer dans l’air comme une enfilade de coups de feu, avait retenti. Puis des éclaboussures. Celles d’un atterrissage.

Figés d'horreur, tous se changèrent en statue. Il était impossible de savoir ce qui avait alerté l’archange. Avait-il discerné les contours brouillés de l’hydre ? Ou la queue d’une créature avait-elle dépassé du camouflage ? À peine eurent-ils le temps de se poser la question que la créature était déjà là, tout près, à rôder autour de l'hydre. Tous l'entendaient se déplacer, sans pouvoir l'apercevoir. Cornélia se mit à trembler de tout son corps. Dans ses oreilles grésilla le bruit de la lance d'Orion.

Le souffle suspendu, ils prièrent pour que leur camouflage les maintienne à l'abri. Mais la Strate n'exauçait pas les vœux – jamais. La longue queue du bébé hydre ne pouvait les cacher sur les deux flancs à la fois ; et bientôt, l'archange se trouva du côté gauche, là où ils étaient parfaitement visibles.

En découvrant le petit convoi qui se cachait là, il se figea, peut-être aussi surpris qu’eux.

À ce moment-là, tous réalisèrent leur erreur. Ce n’était pas un archange. Comme eux, son éclat divin le nimbait tout entier : il était tel un fragment de soleil enfermé dans une peau humaine. Mais tout son corps était couvert d’écailles. Au lieu de bras, il avait six ailes rouges et flamboyantes comme la braise. Deux d’entre elles, colossales, se tenaient déployées dans son dos, comme prêtes à le propulser vers les cieux. Deux autres, plus petites, lui cachaient le visage, et les deux dernières se tenaient repliées sur ses jambes. Ses jambes... Les sœurs pâlirent mortellement lorsqu’elles réalisèrent qu'en réalité, c’était une queue de serpent difforme qui traînait dans l’eau.

– Un séraphin, articula Aaron dans un murmure infime.

Si même Aaron avait la gorge sèche... Les autres n’eurent pas besoin de le regarder pour comprendre la suite : « On est dans la merde. » La terreur les submergea. Ils restèrent pétrifiés sur place, incapables de bouger, comme des proies hypnotisées par un serpent. Toujours couvert de ses ailes, le séraphin fit lentement pivoter sa face aveugle, comme s’il les dénombrait. Il prenait son temps. Cornélia, par derrière les coups sourds de son cœur, se demanda si la créature pouvait voir à travers les plumes rouges, ou si elle n’avait tout simplement pas d’yeux. Avait-elle seulement un visage – si monstrueux qu’elle devait le cacher ainsi ?

QUI OSE FOULER NOTRE TERRE SACRÉE ?

Sa voix démentielle fit vibrer leurs tympans et naître des vaguelettes dans l'eau de la State. Cornélia se ratatina. À tout prendre, elle aurait préféré tomber sur Seraphiel ou un autre archange... Ceux-là, au moins, étaient proches des humains.

Le séraphin tourna la tête vers Aaron. Les plumes qui cachaient son visage frémirent ; plus que tout, Cornélia redoutait qu’elles s’écartent.

TOI.

Le séraphin s’approcha, porté par sa queue de serpent qui sinuait dans l’eau. Il s’approcha très près. Trop près. Personne ne bougea, comme si leur immobilité avait une chance de tromper cette créature. Lorsqu'il se retrouva face à lui, Aaron ne détourna pas les yeux, pâle comme un mort. La créature le surplomba d’un bon mètre. La lumière forte qui se dégageait d’elle éblouit la figure du garçon, fractionnant son visage en angles nets et en ombres noires, creusant ses cernes, soulignant sa mâchoire serrée.

TOI. TU ES LE VALET DE CETTE MAUDITE VOUIVRE. VOUS AVEZ TUÉ MICHAËL. VOUS AVEZ TROMPÉ ORION. PUIS VOUS L’AVEZ TUÉ AUSSI.

Lentement, il pencha sa silhouette démesurée vers Aaron. Tous ses plumes sanglantes se mirent à tressaillir dans un grésillement étrange, et Cornélia eut l’affreuse vision d’un serpent à sonnettes de deux mètres de haut.

EN TUANT LES FILS DE DIEU, TU T’EXPOSES À NOTRE COLÈRE.

Millimètre après millimètre, les ailes qui lui couvraient le visage commencèrent à s’écarter, sans cesser de vibrer et siffler. Muet, Aaron regardait la mort descendre vers lui.

EXPIE TA FAUTE, MORTEL !

Toutes ses plumes s’écartèrent et la face inhumaine du séraphin apparut au grand jour. Elle était lisse et nue, dépourvue d’yeux, de nez, de tout ce qui aurait pu la rendre vivante. Elle n’était qu’une immense gueule de cobra. Grande ouverte. Prête à mordre.

– Laisse-le tranquille !

Blanche.

Avec horreur, Cornélia réalisa que sa sœur s'était arrachée à l'emprise hypnotique du séraphin.

En trois pas, elle fut auprès d’Aaron et mit à profit ce qu’il lui avait enseigné. Elle s’ancra bien au sol, puis rassembla ses forces et bondit vers le haut en s’appuyant sur son épaule à lui. Grâce à cela, elle put propulser son mètre cinquante-six à la hauteur du séraphin.

Puis elle lui flanqua une énorme claque en plein dans la figure.

– Pas touche au blaireau, mocheté !

La stupéfaction secoua tout leur petit convoi, nivées et boyards inclus. Le bruit de la gifle les tira de leur transe ; le séraphin lui-même sembla interloqué. C’était maintenant ou jamais. C’était le seul instant de relâchement qu’ils pouvaient espérer, le seul qui leur permettrait peut-être d’échapper à la mort.

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