Chapitre 71 : La bombe

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J’étais terrorisée à l’idée de le revoir, paniquée à l’idée de souffrir à nouveau. Je ne voulais plus jamais le croiser de ma vie. J’avais tellement morflé après son départ que la seule perspective de me retrouver dans la même pièce que lui me donnait des palpitations d’angoisse. J’avais tant pleuré son absence pendant ces derniers mois, me remémorant inlassablement ce moment merveilleux que nous avions partagé, que je lui en voulais terriblement de son silence assourdissant.

De plus, je me demandai comment j’allais le retrouver, seul ou accompagné ? Avait-il ramené un « souvenir » de son année ensoleillée sur ce continent où les femmes à la peau brunie étaient plus belles les unes que les autres ? J’avais encore le souvenir de la cruche qu’il nous avait apporté à la soirée de la déprime de Sonia, et celui, encore plus prégnant, de la visiteuse surprise, à son appartement, au lendemain de mon agression.

Morte de peur, je refusai d’abord catégoriquement l’offre de ma mère d’aller à cette soirée en son honneur, pour la simple et bonne raison que je n’avais pas du tout envie d’honorer ce queutard sans cœur qui avait brisé le mien. Mais ma mère me convainquit d’y assister, au prétexte qu’il y aurait beaucoup de monde et que notre visite n’aurait pour but que de faire acte de présence. C’était le genre de choses auxquelles elle tenait. Elle voulait se montrer gentille envers ses parents pour nous avoir beaucoup aidé au moment de la mort de mon frère. Je savais que les parents d’Adam nous avaient apporté un soutien financier à cette époque-là. Cela m’avait gêné car nous leur étions en quelque sorte redevable même si, bien évidemment, ils ne nous le faisaient pas sentir. C’étaient des gens très corrects et respectueux, rien à voir avec leur connard de fils, qui disparaissait à l’autre bout du monde sans laisser d’adresse.

Devant mon scepticisme, ma mère insista. Malgré ma terreur à la perspective de le revoir, je me laissai peu à peu embobiner par ses arguments fallacieux et moralistes. Je ne comprenais pas pourquoi elle insistait autant pour que j’y mette les pieds mais, de fil en aiguille, l’idée fit son chemin.

D’ailleurs, j’y vis soudain une belle opportunité.

Celle de le faire souffrir autant qu’il m’avait fait mordre la poussière. Force était de constater que, le cœur en morceaux, je n’étais plus que haine et revanche. Je voulais le faire payer, et je voulais que la note soit salée.

Quitte à être obligée de me montrer à cette petite sauterie dédiée à cet enfoiré, j’avais donc décidé de mettre le paquet. Un slim noir et un top à une manche ferait parfaitement l’affaire. J’avais l’air d’une liane. À dix-sept ans, je ne grandissais plus, mais mon mètre soixante-seize ne passait pas inaperçu. Et ce soir-là, c’était ce que j’espérais. Je préparai ma vengeance. Ne dit-on pas que celle-ci se mange froide ? Adam aurait à faire à un igloo ce soir. Je voulais le faire regretter d’être parti dans sa stupide Amérique latine et je savais très bien comment y parvenir.

Tout puissant qu’il était, Adam avait une faiblesse : ses potes. Et il en avait plein. Des tas et des tas. Ils seraient probablement tous là ce soir pour l’accueillir comme il se doit. Or, avec ma ligne élancée et mes cheveux épais et châtains qui ondulaient jusqu’au milieu de mon dos, je savais que je ne les laissais pas indifférents.

— Wow, tu es vraiment beaucoup maquillée, me fit remarquer ma mère lorsqu’elle entra dans la salle de bain durant mes préparatifs. Ça fait très...

— Sexy ?

— Heu... si c’est l’objectif, oui. Mais ça ne te ressemble pas. Tu ne te maquilles quasiment jamais d’habitude.

Elle avait raison mais exagérait aussi. Certes, au lycée, je ne prenais jamais le temps de me pomponner, préférant dormir davantage le matin que passer une demi-heure dans la salle de bain. Mais le makeup que j’avais prévu pour la soirée n’était pas si excessif que ça. J’avais juste fardé mes yeux de noir, ce qui faisait ressortir l’éclat de mes prunelles émeraudes. Je ne portais qu’un peu de blush pour l’effet bonne mine car mes études ne me laissaient pas beaucoup le temps de me balader au grand air pour prendre des couleurs. Et ma peau restait toujours désespérément blanche. Ce n’était pas moche mais, à la sortie de l’hiver, j’avais clairement besoin d’un peu de fard à joues pour ne pas avoir l’air souffrante. Le principal pour moi était que l’image que le miroir me renvoyait me seyait. Je me trouvais jolie. Non, un peu plus en réalité.

J’étais une bombe et j’allais lui péter à la gueule.

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