Chapitre 49 : L’étincelle

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Des mois passèrent après l’agression avant que ma route ne recroisât celle d’Adam. Il avait déserté de ma vie, mais pas de mon cœur, malheureusement. Je savais par ses parents qu’il poursuivait ses études en Bretagne, qu’il se préparait pour devenir manager en tourisme international. Un poste à responsabilité dans lequel il pourrait exercer son autorité naturelle. Je trouvais que cela lui allait comme un gant, lui qui avait toujours des airs de chef au milieu de sa bande de potes. On sentait chez lui une envie de contrôler, de décider et d’entreprendre. C’était un leader, pas un suiveur. Son charisme était fait pour diriger des équipes, des gens, pour planifier des évènements et faire avancer le monde. Il avait ça dans le sang.

Pour occuper cette longue période où je ne le vis pas, j’avais toujours ses trois livres bourrés d’annotations à relire et les données de son téléphone portable à dépiauter. Mais tout cela était le passé et je ne savais pas ce qu’il advenait de lui, à présent.

Ma vie ne connaissait plus autant de perturbations que l’année précédente. Mes parents étaient toujours séparés, mais aucun des deux n’avait refait sa vie de son côté. Ni l’un, ni l’autre ne parlait de lancer de procédure de divorce. Peut-être avaient-ils seulement besoin de temps seuls, avant de se retrouver ? Après m’avoir confiné dans ma chambre un mois entier suite à mes mensonges au sujet de mon agression, ma mère m’avait interdit de repasser par le bois, de jour comme de nuit. Je lui obéis, pas tant pour lui faire plaisir que parce que j’avais réellement les pétoches après ce qui m’était arrivée. Pour autant, je n’avais pas de stress post-traumatique, comme disait les psychologues. Ma mère m’y avait trainée de force, pour consulter, mais j’allais plutôt bien et n’avait pas développé de comportements inquiétants. Ma nuit de confessions avec Adam m’avait sûrement plus ébranlée que l’attaque que j’avais subi.

Par ailleurs, durant une semaine de vacances en colo avec Mathilde, je reçus mon premier baiser. Le garçon s’appelait Steven. Il était sympa, plutôt mignon, mais cette première galoche ne me laissa pas un souvenir mémorable. Je ne compris même pourquoi je lui avais dit oui, alors que j’avais toujours Adam dans le cœur. Peut-être tout simplement pour faire comme Mathilde qui, elle, n’en était plus à ses premières fois. Elle l’avait fait. Elle avait vraiment passé le cap et perdu sa virginité. J’avais eu en coulisses tout le processus, du premier regard échangé avec son chéri, Jonathan, jusqu’à son déflorage en bonne et due forme sur un canapé.

Elle m’avait raconté la douleur, anesthésiée par l’alcool qu’elle avait bu avant, et le sang, sur le tissu. Expliqué comme ça, cela ne me donnait plus du tout envie, tant l’aspect clinique avait pris le pas sur le côté romantique de l’expérience. Mais je ne lui en voulais pas, je savais bien qu’elle n’avait pas voulu me dégoûter. Cependant, après son récit, je décidai d’en rester à ce premier baiser avec Steven, baiser, au demeurant, très décevant. Je me souviendrai toute ma vie de ce garçon insérant sa langue dans ma bouche avec brutalité et tourner, tourner, jusqu’à ce que le souffle nous manquât. Je n’y voyais aucun plaisir, aucune subtilité. J’avais eu le sentiment qu’il avait essayé d’ausculter ma gorge, d’atteindre ma glotte, de vérifier mes amygdales, et vraiment, cela n’avait pas été agréable. J’avais été horriblement déçue. Je n’avais pas imaginé mon premier baiser ainsi.

Alors, entre cette première tentative ratée et le récit gynécologique de Mathilde, je gardais mes distances avec la gent masculine. De toute façon, j’avais beau lutter de toutes mes forces pour l’oublier, Adam n’était pas sorti de mon cœur, ni de mes pensées. Pourquoi entretenais-je cette lubie à son encontre ? Pourquoi ne pouvais-je passer à autre chose ? Je savais que ma cause était perdue et mon rêve irréalisable, mais je m’accrochais désespérément à un infime espoir, à cette petite étincelle qui brillait encore en moi. Et même si je la sentais faiblir jour après jour, elle ne demandait qu’à être rallumée.

Pourquoi la vie ne m’offrait pas ce que je demandais ?

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