Chapitre 83 : Grandir

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J’étais face à lui. Mon mètre soixante-seize talonnait son mètre quatre-vingt-cinq. Même à plat, mes yeux n’étaient pas loin d’être à la hauteur des siens. Il m’avait proposé de me rendre compte par moi-même si sa chambre arborait à présent la même décoration que le reste de l’appartement. Mais, j’hésitai, fébrile. Il le sentait. Mieux, il le comprenait. Je devinai qu’il cherchait comment me mettre à l’aise et, si possible, comment détendre le paquet de nerfs que j’étais devenue.

— Je ne crois pas t’avoir dit que tu étais très belle ce soir.

Évidemment, s’il me prenait par les sentiments... Flatter mon ego était une excellente solution à mon problème de stress. D’autant qu’Adam ne m’avait jamais fait de compliments sur mon physique auparavant. C’était la première fois.

Une de plus, encore.

— Xavier aurait facilement succombé ce soir.

— Adam...

— Quoi ? Ce n’est pas vrai ? Ce n’est pas ce que tu voulais ?

— Je voulais juste...

— Juste ?

— Juste...

— Me rendre jaloux.

Je soupirai. Je ne pouvais pas nier que cela avait été mon intention, mais maintenant que j’avais entendu parler de cette foutue adresse au dos du mot, je m’en voulais terriblement. Il y avait eu une énorme méprise de ma part, de celle capable de changer tout le courant de votre vie. Je n’avais pas envie qu’il remue le couteau dans la plaie. La culpabilité m’étreignit le ventre et je me tendis de nouveau.

— Ça a marché, rassure-toi, affirma-t-il en souriant.

Il se mit à rire et j’en fis de même, emportée par son élan communicatif. Je revoyais son visage se décomposer en me regardant passer au bras de son meilleur ami. Le voir se moquer de lui-même me soulageait et m’aidait à relâcher un peu la pression. Les montagnes russes étaient coutumières avec Adam. Allais-je devoir m’y habituer ? Je ne savais pas si j’en serais capable.

— Je n’aurais rien fait, je t’assure... Je voulais juste...

— Réveiller le chasseur qui sommeillait en moi ?

Je devins hilare, l’imaginant comme un félin dans une contrée sauvage, chassant l’inaccessible gazelle que j’avais été ce soir-là.

— Oui, bon, c’était pas malin de ma part. J’ai été stupide, je le reconnais.

— Nan, c’était mignon.

— C’était pathétique.

— Adorable, plutôt. Parce que cela voulait dire que tu tenais encore un peu à moi, malgré toutes les boulettes que j’avais commises.

Une pointe d’effroi me gagna instantanément.

— Tu dois repartir quand ?

— Pas de sitôt. J’ai fini mon cursus là-bas. J’aurais sûrement des missions à l’étranger à l’avenir mais rien d’aussi long.

J’essayais de lire entre les lignes mais les pensées de mon bel interlocuteur au charme fou me restaient hermétiques. Un mystère inaccessible planait toujours autour de lui, le nimbant d’une nébuleuse aura qui me tenait à distance. Cela me rendit anxieuse. Il était tellement dans son monde, ne me partageant par grand-chose de son univers. Je ne le connaissais finalement presque pas. Comment pourrais-je faire l’amour avec ce parfait inconnu ? Connaître son identité et son lieu de résidence ne me suffisait plus pour appréhender le grand moment. J’avais besoin d’un Adam loquace et sans murailles érigées autour de lui, s’ouvrant à moi avec générosité.

— Adam... que désire-tu vraiment ? Tu me tournes autour sans vraiment me faire tienne, tu me fais perdre la tête, puis tu t’en vas... Je n’ai plus envie de jouer à ce jeu-là. J’ai grandi, je ne suis plus une gamine. J’aimerais... tu sais... vivre un truc normal avec un mec normal. Tu es parfois tellement incompréhensible, soufflant le chaud et le froid, et moi, j’accepte tout, te pardonnant à chaque fois tes attitudes contradictoires. Mais... mais... mais si tu ne sais pas ce que tu veux avec moi, alors laisse-moi tranquille.

— Je te l’ai dit. Je te veux toi.

— Oui, ce soir, cette nuit, pour ne pas être seul, pour m’avoir dans tes bras, je l’ai bien compris, mais...

— Mais tu es fatiguée d’attendre que je grandisse ?

Je m’esclaffais.

— C’est plutôt toi qui as attendu, il me semble ! J’étais trop jeune, et finalement, chacune de tes conneries n’a fait que repousser l’échéance. On pourrait presque croire que c’était volontaire.

— Ça l’était, Anna. Je l’ai fait exprès.

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