Chapitre 91 : Le poids des regrets

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Adam se calma et m’accueillit dans son giron. Je posai ma tête sur sa poitrine. Il me caressa les cheveux tendrement, glissant ses doigts entre les mèches folles. J’étais abasourdie par sa réaction. Il n’avait pas fui. Il était toujours là, gentil, doux et attentionné. Très différent de l’image qu’il donnait de lui habituellement.

Adam n’était pas un démonstratif. Pas avec les filles, en tout cas, ni même avec ses parents. En dehors de sa mère qu’il avait prise dans ses bras le jour de l’enterrement, il se montrait souvent très froid. Les quelques jeunes femmes que j’avais vues à son bras, ce n’était qu’une façon de parler. Car il les gardait à distance, comme séparé d’elles par une barrière de sécurité. Jamais je ne le vis leur prendre la main ou les serrer par la taille. Jamais je ne le vis en embrasser une, ni avoir un geste d’affection envers elles. D’ailleurs, il ne faisait pas la bise aux filles. C’était un des rares dans le quartier à ne pas s’y plier.

Mais il avait été différent avec moi. Certes, tout cela s’était passé en privé mais son comportement dans la grotte avait été tendre et généreux. Sur le coup, j’avais mis ça sur le compte de l’objectif qu’il avait en tête, celui de me faire vivre une expérience unique. Or, cette nuit, il n’y avait plus d’enjeu. Juste nous deux dans un lit et des mots pour nous relier.

Je lui demandai :

— Je suis la seule à t’avoir menti à ce sujet ? Je veux dire, tu n’as jamais rencontré d’autres filles vierges ?

— Non. Pour la simple et bonne raison que je les choisissais toujours plus vieilles que moi. J’avais plus de chances qu’elles l’aient déjà fait. Si j’avais un doute, je les doigtais. Je pouvais sentir si elles étaient sensibles à ce type de pénétration. J’avais entendu dire qu’une fille vierge pouvait avoir du mal à mettre un tampon alors le test de ma main était une bonne technique pour savoir si ça passait ou pas. La preuve en est, toi-même tu as réagi.

Je me braquai :

— Tu l’as fait exprès ?

— Bien sûr que non ! Je voulais juste... te préparer.

Je rougis furieusement. Pas de honte, mais de désir. Sa voie exhalait des tonalités concupiscentes qui, l’espace d’un instant, réveilla ma libido envolée. Je déglutis. Il continua :

— Une seule fois, la fille a grimacé. Je lui ai demandé de me dire la vérité et elle a avoué. Je suis parti, fin de l’histoire.

Sa franchise m’estomaquait. Il n’y allait pas avec le dos de la cuillère avec ses confidences. Mais au moins, je commençai à entrevoir sa façon de penser et les craintes qui l’habitaient. Je voulais le comprendre encore plus, le décrypter. Malgré toutes les informations formelles que j’avais sur lui, Adam Bellaji restait une énigme que j’avais à cœur de déchiffrer.

— Adam, tu t’en veux encore pour ce qui s’est passé lors de ta première fois ?

— Je ne vois pas comment je pourrais me le pardonner.

— Tu avais des circonstances atténuantes quand même. Ce n’était pas délibéré. Je t’aurais bien dit de lui écrire pour lui demander pardon mais j’imagine que tu n’as ni son nom de famille, ni son adresse, peut-être même pas son prénom d’ailleurs...

— Elle était hollandaise de mémoire. Ou suédoise, je ne me souviens plus. Alors lui écrire...

— C’est sûrement pour ça qu’elle n’a pas pu t’arrêter. Elle n’avait même pas les mots !

Je jubilai de ma trouvaille. Il doucha mon enthousiasme aussitôt :

— « Non » se dit pareil dans toutes les langues, Anna. Tu essaies juste de me rassurer.

— Non, je remets les choses dans le contexte, c’est tout. On commet tous des erreurs. Demande-lui pardon à distance.

Il me regarda, perplexe.

— Comment ça ?

Je lui expliquai le fond de ma pensée et lui suggérai de le faire dans son cœur. Il pouvait toujours lui demander sincèrement pardon au fond de lui-même, dans cet espace secret que nous possédions tous. Je lui proposai de lui écrire une lettre d’excuses, de la brûler, puis de la jeter à la mer s’il le désirait. Le faire avec l’intention réelle que cela la soulage et que lui se voit retirer le poids qu’il portait sur les épaules depuis tout ce temps. Bien évidemment, cela ne changerait rien au passé mais pouvait transformer leur avenir, chacun de leur côté, et les apaiser. Même si la démarche n’était qu’imaginaire, cet acte symbolique détenait le pouvoir d’effacer les offenses, réelles ou fictives, qu’il se reprochait.

— Et puis, quand tu auras des enfants, si tu en veux bien évidemment, tu pourras éviter à ton fils de faire la même chose que toi en parlant avec lui de sa première fois.

— Si tu parles d’éduquer un adolescent, je l’ai déjà fait.

— Ah oui ? m’étonnai-je. Rassure-moi tu n’as pas d’enfants cachés ?

— Non, j’ai fait ça avec mon petit frère. Je l’ai mis en garde.

— Oh... c’est super Adam... c’est... génial.

J’étais touchée par cette superbe idée car il avait déjà réussi à transformer son erreur en belle action. Il ne le savait peut-être pas mais, de cette façon, il avait déjà été pardonné. Son karma avait probablement été lavé grâce à cela.

— Et comment tu as fait ? lui demandai-je, pour le faire parler.

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