D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais été la bienvenue. Partout où j'allais, des insultes et des moqueries m'attendaient au tournant. Être une femme ronde n'était pas facile, du moins pour certaines, et j'en faisais partie.

Aujourd'hui, rien n'a réellement changé. Du haut de mes 1,65 m, je me regarde dans la glace, essayant de trouver un vêtement qui m'irait. Dans une robe rose, j'avais l'impression d'être une crevette en surpoids, dans une autre de couleur bleue, je voyais refléter en face de moi une baleine. Mes joues roses et gonflées n'arrangeaient rien à mon physique. Mes cheveux noirs, bouclés, en pagaille, gênaient chacun de mes mouvements. Sans parler de mon double menton, de mes vergetures, de mes cellulites et surtout de mon énorme corps.

Après de multiples tentatives, je décide de m'habiller d'un jogging noir et d'un tee-shirt gris. Je ne perds pas mes habitudes, même si j'essaie. Le noir est la seule couleur qui cache non seulement mes poignées d'amour et mes amas de graisses, mais c'est aussi la couleur qui reflète mon esprit, vide et sans émotions.

La psychologue m'attend pour notre rendez-vous, et je suis déjà très en retard. De toute façon, j'en ai bien besoin, de parler de ce qui m'arrive et notamment de mes nombreuses pensées négatives. Mes kilos en trop me font faire des allers-retours à l'hôpital, et mes médicaments ne m'aident même pas un peu.

Je prends mes clés et me décide à partir. Comme toujours, j'ai l'impression que la voiture est trop petite pour moi, mais je m'efforce d'y entrer tout de même. J'aurais beaucoup aimé y aller à pied, mais mes jambes ne veulent jamais coopérer, et ça me fatigue énormément.

Tous les visages sont braqués sur moi, pendant que je suis derrière mon volant. J'entends, malgré la musique de ma radio, des insultes, encore. Je fais comme si je ne voyais rien et je continue ma route. Quelques minutes plus tard, je me retrouve nez à nez avec le cabinet de Mme Shella. Le parking se situe juste à côté, et j'aperçois déjà une place pour pouvoir y garer ma voiture. Le vent souffle fortement et le froid commence à se faire sentir.

En sortant de ma voiture, un frisson glacial m'envahit. Je franchissais la porte d'entrée du cabinet en admirant la beauté qui s'y trouvait. L'ambiance était vraiment apaisante, avec une petite musique en fond pour vraiment se sentir chez soi. De beaux lustres dorés descendaient du plafond et ses petites perles tournaient sur elles-mêmes, donnant l'impression qu'un fin courant d'air venait s'y frôler. Les fenêtres donnaient une vue imprenable sur les montagnes, donnant l'envie de s'y poser pour y lire un roman. Les chaises de la salle d'attente étaient disposées autour d'une petite table, où étaient posées quelques tasses, des cuillères, une cafetière, une théière et du sucre, pour que chaque patient puisse se servir à leurs envies. Les gens discutaient et buvaient chacun dans sa tasse, attendant patiemment leur tour. Le bureau d'accueil était à droite. Je me dirige alors vers celui-ci pour donner mon nom et mon heure de rendez-vous.

« - Éléa ! Cela fait longtemps que nous ne t'avons pas vue, comment vas-tu ?, me dit-elle.

- Hum... Salut Ève, ça va, enfin, comme d'habitude, rien n'a changé. Mon séjour à l'hôpital m'a paru une éternité, et c'est la première fois que je sors de chez moi depuis mes semaines là-bas, lui dis-je à mon tour.

- Je vois, je vois. Je crois bien que Mme Shella t'attend depuis un moment, tu es toujours en retard à ce que je vois, fit-elle avec un air amical.

- Oui, je vais y aller, merci, lui répondis-je avant de me diriger vers le bureau de la psychologue. »