J'entendais déjà la jolie et douce voix de Mme Shella, pendant que je m'approchais de son cocon. Quand j'ouvris la porte, je la vis au téléphone. J'allais repartir attendre en salle, quand elle raccrocha et m'accueillit gentiment. Je fermai la porte et pris place sur le fauteuil en face d'elle.

Elle portait une chemise blanche, ramassé dans un jean de couleur gris. Des talons hauts blancs donnaient l'impression à la femme d'avoir pris cinq centimètres. Ses cheveux bruns étaient ramassés en chignon, laissant dégager son cou ainsi que son doux parfum. En la scrutant de haut en bas, je pus apercevoir que deux boutons de sa chemise étaient ouverts, montrant infimement son buste.

« Bonjour Éléa, cinq semaines sans nouvelles, j'espère que tu vas mieux ?, commença-t-elle.

- À vrai dire, rien n'a changé. Je n'arrive toujours pas à perdre de poids, toujours en manque d'argent et je n'arrive pas à sociabiliser non plus. N'y a-t-il pas un moyen pour que je puisse perdre du poids ? Je suis constamment jugée sur mon physique et mes idées noires ne cessent de s'accumuler. Cette vie me dégoûte et les personnes qui y vivent le sont tout autant.

- Écoutes, nous en avons déjà discuté. Il faudrait te faire une opération, qui changerait toute ta vie entière. Et vu tes problèmes de coeur, tu ne peux pas te le permettre à moins que tu te retrouves entre la vie et la mort. Cela pourrait te coûter la vie, Éléa.

- Mme Shella, j'y ai beaucoup réfléchi pendant mon temps à l'hôpital, et j'ai finalement décidé de me faire opérer. De toute façon, au point où j'en suis, perdre la vie ne changerai rien pour moi. La mort fait partie de mes souhaits. »

Depuis mes 15 ans, cette solution m'a été conseillée. Mes parents ont bien évidemment refusé à cause de mon arythmie. J'étais encore mineure, et ce sont mes parents qui prenaient les décisions, même celles auxquelles je n'étais pas d'accord. Mon harcèlement scolaire m'a semblé durer une éternité, et mes parents ne voulaient jamais comprendre que mon obésité me pourrissait atrocement la vie. D'après eux, j'étais parfaite. J'ai dû supporter ce calvaire durant plusieurs années, à mon insu. Maintenant que j'ai 18 ans, je peux enfin prendre mes propres décisions, et celle-là en fut ma première.

«- Ne te précipite pas dans tes choix. Ce n'est pas un sujet à prendre à la légère, et...

- Je sais ! Et je veux quand même cette opération. Que ça vous plaise ou non, mon choix est fait et je ne reviendrai pas sur ma décision, Mme Shella.

- Alors... Très bien. Je vais appeler l'hôpital et leur demander un rendez-vous. Ils vous recontacteront cette semaine. Je vous souhaite bon courage. Sur ce, continuons à discuter de vous et de ce qui vous traverse la tête, nous avons encore 15 minutes avant la fin de votre consultation. »

La séance s'est déroulée comme sur des roulettes. Et je dois rappeler Mme Shella aussitôt mon rendez-vous à l'hôpital confirmé.

De la joie se faisait voir sur mon visage. Mon rêve allait enfin devenir réalité, si tout se passait bien. Rien de mieux ne pouvait m'arriver. Je souhaitais simplement que cela se passe le plus vite possible, avant mon rendez-vous, car je le voulais du plus profond de mon cœur.

Soudain, mon téléphone sonna. C'était mon père, qui m'appelait pour me dire que ma sœur se sentait très mal et qu'il l'emmenait à l'hôpital. Elle vomissait et avait perdu en équilibre. Ils habitaient à plus de 200 kilomètres de chez moi, et je ne les voyais que très peu. Il me faudrait 2 h 30 pour arriver chez eux et leur porter en aide. Je ne devais pas perdre de temps.

Envahie par la peur qu'il ne lui arrive quelque chose de grave, je mis mon pied à fond sur la pédale d'accélération, dépassant au compteur les 110km/h. Un virage m'attendait un peu plus loin, et, à la vitesse à laquelle je roulais, je ne pus l'éviter. Le pire arriva, et d'un coup, le noir.