Chapitre 5 Rira bien qui rira le dernier… euh, je rigole, hein
Avec Elena, on n’a pas traîné : à peine sorties du bureau du patron, on s’est mises à bosser. L’auteure dont Clara, mon assistante, m’avait parlé, c’était ce qu’on appelle une poule aux œufs d’or. Depuis des années, aucune maison d’édition ne l’avait acceptée. La seule qui avait publié son roman était une maison à compte d’éditeur déguisé. Elle leur avait vendu un chef-d’œuvre pour une bouchée de pain. Et elle était toujours coincée par ce contrat. Je pouvais faire une offre, mais ce seraient ces arnaqueurs qui empocheraient les bénéfices.
— ROMY !!!
Je relevai la tête. Elena et Greg me fixaient.
— Greg : Tu es sûre que Romy est ton prénom ?
— Non, connard. C’est Sharon Stone. Mais par souci de confidentialité, je l’ai changé !
Greg explosa de rire. Je l’accompagnai. Le seul homme capable d’encaisser mes insultes sans broncher. Sans jamais remettre en cause ma féminité.
— Greg : On va manger ?
— Il est quelle heure ?
— Quatorze heures trente.
Je me tournai vers Elena.
— Ah oui, quand même !
— Tu n’as pas levé la tête de ton ordi depuis que tu es sortie du bureau de Satan.
— Fais attention, il entend de loin.
— Il t’a bien remonté les bretelles pour que tu n’oses plus dire du mal de lui !
— J’ai pas envie de pointer au chômage à quarante balais !
Mes deux acolytes éclatèrent de rire.
— Greg : Tu veux manger quoi ?
— Jap ! Un truc léger, mon estomac fait la gueule.
— Greg : Parfait, ça me va.
— Elena : Mais ce matin tu avais dit que tu avais un déjeuner d’affaires ?
Je tirai Elena un peu à l’écart, loin des oreilles de Greg.
— C’était pour fermer le clapet de ce connard d’Étienne.
— Ah ! Je savais qu’il s’était passé quelque chose !
— Oui, mais rien d’intéressant. Ce trou du cul est condescendant, il me provoque trop.
— Je suis d’accord… mais ses burgers sont les meilleurs.
— Ceux qu’il te prépare à toi, peut-être. Moi, il crache dans mon café.
— Pardon ?!
— Je l’ai compris ce matin. Donc si tu veux rester en bons termes avec lui, très bien. Mais sinon, ne consomme plus.
Elena rougit de rage. Étienne lui plaisait, même si elle avait compris qu’elle n’était qu’un second choix.
— Elena : Ce soir, on squatte chez toi et tu me racontes ?
— Greg : Grave ! Ça fait une éternité que tu ne nous as pas invités.
Je tentai de ne pas sourire. Avec Greg, on était sexfriends : quand l’un de nous était en couple, on coupait la partie sexe. Mais dès qu’on était libres tous les deux… eh bien, les week-ends pouvaient devenir très… enfermés. Et franchement, ça me ferait du bien.
— Va pour ce soir. On est vendredi !
Greg me fit un sourire que moi seule pouvais décoder. Ancien mannequin, reconverti raté dans le cinéma puis la télé, il avait trouvé refuge dans la prod’. Beau, et il le savait.
La fin de journée arriva vite. J’étais épuisée. Il faisait nuit. Tout le monde était parti. Seule comme une idiote. Je m’étirai avant d’aller me rafraîchir. J’avais une sale tête… de plus en plus ces derniers temps.
Je sortis de la salle d’eau et pris mon smartphone. Un message d’Elena.
Elena :
On est dans ta maison ! On a trouvé ta réserve de sauternes, coquine ! Dépêche ton cul !
Je soupirai et murmurais :
— Dommage… J’avais dit que j’arrêtais les meurtres. Je vais devoir les tuer… je les aimais bien.
— Vous parlez seule ?
Je sursautai. Dante.
— Oui, ça m’aide à réfléchir.
— Romy, je ne suis pas adepte du sarcasme.
— Dommage, moi j’adore ça.
Je crus voir un sourire.
— Que faites-vous encore ici, monsieur Gallo ?
— Comme vous : je travaille.
— Ah.
— Je ne suis pas fan du sarcasme, mais l’ironie reste mon péché mignon.
— Faites attention, vous allez finir par m’être sympathique.
— Ce serait un problème ?
— Non. Mais vous savez, on doit tous détester notre patron.
Nous arrivâmes devant l’ascenseur. Les portes s’ouvrirent, nous montâmes. Il appuya sur « rez-de-chaussée ». Les portes mirent une éternité à se fermer. Je n’étais pas rassurée. Enfin, l’ascenseur démarra.
— Alors, Romy. Vous me détestez ?
— Je n’ai pas dit ça…
— Ah non ?
— Lorsque c’est vous, je ne peux rien dire.
— Pourquoi ?
— Parce que vous avez été gentleman avec moi ce matin.
— Ça m’arrive.
Un soubresaut. Mon cœur s’arrêta. Ma hantise : mourir dans un ascenseur.
Je me tus. Dante appuya sur le bouton d’urgence. Je transpirais déjà, des traînées glacées le long de ma colonne.
— Merde… si on reste coincés, je vais avoir une crise…
Mes pires crises. Celles où je suffoque au point de ne plus respirer. J’avais des cachets, mais j’évitais au maximum. La dépendance détruit, je le savais trop bien.
— Romy ?
Sa main se posa sur mon épaule, ferme mais douce. La voix de l’agent de maintenance grésilla dans le haut-parleur.
— Problème technique. Patientez. Vous êtes combien ?
— Deux. Et je suis le patron.
— Désolé, même pour le prince Charles, il faudra attendre.
La colère irradiait de Dante. Mais moi, je luttais déjà contre mes démons.
— Romy ? Vous êtes claustrophobe ?
— Je suis tout. Enfermez-moi et je meurs. Je n’arrive plus à respirer…
Il retira ma veste, puis la sienne.
— Retirez votre chemisier.
— Je… je serai en soutien-gorge.
— Ce ne sera pas le premier que je verrai.
Un sourire malgré ma panique. Il passa sa main dans mes cheveux trempés de sueur.
— Romy. Regardez-moi. On retire nos chemises ensemble. Moi, pas de soutien-gorge, mais je vais faire un effort. D’accord ?
Il déboutonna la sienne. Ses pectoraux apparurent. Mon angoisse céda du terrain. Je l’imitai, révélant ma poitrine généreuse sous un soutien-gorge noir aux lanières provocantes. Son regard brûlait.
Nos chemises tombèrent. Sa main remonta jusqu’à ma gorge. Je posai la mienne sur son torse, incapable de résister. Un gémissement m’échappa. Il me plaqua contre la paroi. Mes doigts s’agrippaient à son dos.
— Romy…
Je ne répondis pas. Je l’embrassai de la langue sur le torse. Ses gémissements me firent perdre pied. Son corps se tendit contre le mien.
— Ce n’est pas là que je veux ta bouche.
Son pouce passa sur mes lèvres, s’insinua entre elles. Je le suçai en le fixant. Sa main glissa sur ma poitrine, libéra mon sein. Je gémis, mon regard noyé dans le sien.
— Romy… J’ai envie de…
— Fais-le…
Il m’embrassa sauvagement. Je l’enlaçai, dégrafa mon haut. Ma main descendit vers son pantalon. Sa main s’enfonça dans le mien.
— Putain… tu es trempée.
— Et toi, tu es dur…
— Depuis que je t’ai vue.
Ses doigts me pénétrèrent. Trois d’un coup. J’hurlai.
— Tu veux me branler ?
— Oui… mais garde tes doigts en moi.
— Madame sait ce qu’elle veut.
— C’est toi qu’elle veut.
Je sortis son sexe, le caressai. Énorme. Mon souffle se brisa.
Il me retourna. Mon visage contre la paroi.
— Je ne vais pas te pénétrer. Même si j’en crève d’envie. Je vais me frotter à toi. Tu me donnes la permission ?
— Oui…
Sa main serra ma gorge, l’autre mon ventre. Ses va-et-vient me rendaient folle. Son doigt dans ma bouche.
— C’est l’un de ceux qui étaient en toi… Dommage que tu ne m’aies pas laissé ton goût.
— Viens le récupérer…
Sa bouche s’écrasa sur la mienne. Sa langue me dévora.
« Monsieur ! Les réparateurs sont là. Moins de cinq minutes ! »
Retour brutal à la réalité. Nous nous rhabillâmes en silence. Il accrocha mon soutien-gorge lui-même, déposa un baiser sur mon épaule.
— Tu en avais envie autant que moi. Aucun regret. Mais dès maintenant… vouvoiement.
Je ne répondis pas.
Quand l’ascenseur s’ouvrit, un agent lança :
— Seigneur ! Quelle chaleur ici ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Réfléchissez ! Deux personnes enfermées ! On étouffe !
— Madame…
— Pas de « madame » ! La prochaine fois, mettez la clim ! Abruti !
Dante ajouta froidement :
— Si cela se reproduit, je vire tout le service.
Je n’attendis pas la suite. J’appelai un taxi. Je ne voulais plus voir Dante Gallo.
Parce que je venais de faire la plus grosse connerie de ma vie.
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