Chapitre 34

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Dans leur chambre, Taeliya profita que Noah travaille un peu pour se préparer.

En remontant de la piscine, Jess avait demandé à s’entretenir avec le démon, mais n’en était pas ressorti serein. Tristan n’avait pas su maîtriser son attitude face à son ami. L’absence de la jeune femme avait sur chacun d’entre eux un effet puissant que Jess venait de découvrir de la pire des manières.

Pourtant, sa détermination n’avait pas faibli et les mafieux avaient enfin trouvé un terrain d’entente.

La jeune femme n’était pas sereine non plus. Son ami se risquait sur un chemin complexe. Pourquoi lui avaient-ils suggéré ce plan-là sachant qu’il en ressortirait avec des séquelles ? Noah lui avait assuré qu’il n’allait pas l’amocher, mais ce dont elle s’inquiétait était pour le plan psychologique. Les démons étaient des êtres perturbés dont le passé les avaient menés à certains extrêmes, les transformant à jamais, créant ainsi leurs démons intérieurs, la représentation même de leur côté le plus sombre.

Jess était loin de se douter que tout ce qui faisait ces hommes étaient un danger mortel pour lui.

— Chérie, t’es prête ? lança-t-il.

— J’ai du mal à fermer ma robe, tu veux bien m’aider ?

— Mais avec plaisir.

Il entra dans la salle de bain pour découvrir sa belle dans une robe bleu nuit dont l’arrière formait comme un dos nu rattaché en haut de sa nuque par deux boutons et une fermeture éclair au niveau de sa chute de reins. Il pouvait la voir dans le miroir et ce qu’elle lui renvoya le scotcha sur place.
Elle était très légèrement maquillée, comme à son habitude. Ses cheveux étaient ramenés en une queue de cheval enfermée dans une longue tresse sur le côté. Elle avait un serre-tête noir avec quelques reflets bleutés. Elle portait les créoles achetées par Alya pour son anniversaire, la bague de sa mère et le collier que Noah lui avait offert. Mais c’était surtout sa tenue qui l’affolait. Sa robe était ouverte à l’arrière sur son tatouage qu’elle portait fièrement et le devant de celle-ci était faite sur une base de bustier sur lequel était cousu un morceau de tissu bleu transparent en mailles, imitant le style d’un t-shirt, tout en gardant ce côté sage d’une robe de jeune fille, mais arborant le côté adulte d'une tenue de soirée.

Elle avait également chaussé une paire de petits talons fermés de la même couleur que sa robe. L’ensemble lui donnait l’air d’être une véritable princesse moderne.

Noah déglutit et Kaelis n’en menait pas large. Profitant d’avoir les mains sur sa robe pour l’aider à la fermer, Noah l’admira à travers le miroir. Elle était sublime et il était subjugué par cette aura de douceur qui se dégageait d’elle.

— Tu es magnifique, murmura le géant contre son oreille.

— Merci, tu es très beau aussi pour quelqu’un qui porte rarement des costumes colorés.

En effet, pour faire plaisir à sa chérie et sur les conseils des femmes du clan, il avait acheté un costume bleu roi. Le côté sombre restait très présent, mais il voulait s’accorder à sa belle et montrer ainsi à tous à qui appartenait la jeune femme. Tout comme il souhaitait exprimer son appartenance à cette tendre et belle fée qui avait su les amadouer, ses démons et lui.

L’heure tournait et il fut bientôt temps de rejoindre les autres dans la grande salle.

Alors qu’ils arrivaient devant l’ascenseur, Noah se ferma complètement, grondant sourdement.

— Quoi ?

— On va en prendre un autre.

— Qu’est-ce qu’il se passe ?

— Tu te souviens de la Christomachin chose ?

Taeliya sursauta.

— Elle est là ?

— Bébé, tu sens pas ?

La jeune femme renifla et eut un mouvement de recul assez violent. Noah la rattrapa avant qu’elle ne chute et la tira avec lui dans le second ascenseur qui venait d’arriver. Les portes se refermèrent sur la femme en question dans le couloir, alors qu’elle cherchait où ils pouvaient bien être.

— Bon flair, mon cher, lui dit la jeune femme.

— De rien, ma douce.

— Qu’est-ce qu’elle voulait, à ton avis ?

— Oh, venir te complimenter sur ta beauté ce soir et te féliciter pour ton diplôme, j’imagine ! railla le mafieux.

— Ah ah, très drôle.

— De toute façon, elle ne pourra ni entrer dans la chambre ni perturber la soirée. Et même si elle s’y risquait, on sera là pour lui montrer poliment la sortie ou lui présenter la chambre froide.

— Hm… je ne sais quelle option choisir, elles sont toutes les deux si… alléchantes.

Noah la regarda et éclata de rire.

— Je vais décidément pas m’ennuyer avec toi durant toute une vie, Princesse.

— Tu te tires tout seul une balle dans le pied, mon cher démon, sourit-elle.

— Je prends le risque.

Il l’embrassa, alors que l’ascenseur sonna. Les deux portes s’ouvrirent et ils quittèrent la cage de métal pour se rendre vers la salle de restaurant.

— Vous ne pouvez pas y aller, Madame, Monsieur, fit une cliente qui en sortait. J’ai voulu aller dîner, mais j’ai dû rater l’info qui disait qu’à partir de cette heure-là, l’accès serait interdit aux clients de l’hôtel.

— Ah bon ? fit la jeune femme faussement étonnée. Et vous savez pourquoi ?

— Il paraîtrait que le personnel en profite pour faire la fête.

— Mais non ! répondit Taeliya, offusquée. De quel droit font-ils ça ?

— Ah, vous aussi ?! Je ne suis donc pas la seule à trouver cela peu professionnel ! s’écria la cliente, contente d’avoir un soutien, sans se rendre compte du sourire moqueur de la jeune femme.

La porte du restaurant s’ouvrit et Kim en sortit.

— Chef ! Princesse ! Il ne manquait plus que vous !

— Hein ? Que… comment ça ? bredouilla la cliente, intriguée.

— Je suis désolée de vous priver de la salle, mais mon père, Monsieur Carlington, a voulu offrir une soirée pour tout le personnel, afin de fêter quelque chose entre nous, dit-elle en s’inclinant. Bonne soirée, Madame.

Elle lui envoya un petit sourire, mais la lueur moqueuse ne quitta pas son regard et Noah la fit passer devant lui.

— Ah ! s’exclama Stein en les voyant arriver. La star de la soirée ! Qu’est-ce qui vous a retenu ?

— Madame Christikos a voulu nous rendre une petite visite et ensuite, Taeliya a décidé de jouer la comédie pendant qu’une cliente s’offusquait d’être refoulée à l’entrée du restaurant, expliqua Noah.

— Eh bien… Quel début de soirée…

— Taeliya ! s’écria Sonia en fonçant droit sur elle. Chérie, viens voir ! Clémentine a amené son bébé !

— Oh, c’est vrai ?

— Oui, viens voir !

Les deux femmes quittèrent les mafieux pour rejoindre un groupe d’employés entourant l’une des femmes de l’hôtel qui allaitait un beau petit bébé.

— Mademoiselle Taeliya ! s’exclama cette dernière en la voyant arriver, tirée par Sonia.

— Clémentine ! Oh mon dieu, il est si beau ! Félicitations ! S’exclama celle-ci.

— Merci, fit la jeune maman, quelque peu fatiguée. Mais à vous aussi. Nok m’a dit que vous aviez validé votre dernière année !

— Oui, merci. Nous avons reçu les résultats ce matin.

— Et une fête ce soir. Vous n’avez pas perdu de temps, ironisa la jeune mère en rajustant son bébé sur sa poitrine.

— Papa était pressé, mais je suis bien contente d’être venue ici pour fêter ça.

— On l’est tout autant, répondit un homme.

— Merci, répondit la jeune femme en souriant.

Elle fut accaparée par beaucoup de monde qui venait la saluer et la féliciter, jusqu’à ce que Boris fasse sonner l’heure du repas. Chacun trouva sa place aux tables indiquées. Taeliya était à la table de son père, Noah, Alya, Sonia, Stanislas et Joe. Les démons se trouvaient juste à côté. Le clan était tout proche, sur plusieurs tables également. Le personnel avait aussi eu des tables attitrées, mélangeant certains groupes entre eux.

La jeune femme décida d’aller aider en cuisine, même si elle savait que personne ne voulait l’y voir, mais qui pouvait résister à son envie d’aider ?

Certainement pas le chef Boris qui lui souriait à chaque fois qu’elle apparaissait. Elle aida au service en apportant des plats, déposant les assiettes devant chacun qui lui adressait des petits mots gentils auxquels elle répondait d’un grand sourire en leur souhaitant un bon appétit.

Quand tous eurent reçu leurs entrées, elle put réintégrer son siège, mais son père se leva, une coupe à la main. Il se racla la gorge et le silence tomba religieusement dans la grande salle.

— Amis, collègues, famille et bien d’autres, je suis ravi de vous voir tous réunis ce soir pour un évènement assez spécial. Comme vous l’avez appris, ma fille, Taeliya, a validé son année et sera enfin diplômée dans quelques jours.

Des hurlements de joie, un torrent d’applaudissements et quelques sifflements accueillirent la nouvelle, faisant rougir la jeune femme.

— Je désirais célébrer cela au manoir, mais après cette année, ma fille méritait d’avoir une fête avec les personnes qu’elle aime, dans un lieu qui lui est cher. Il était donc tout indiqué de le faire ici. Je tiens à tous vous remercier pour le travail acharné et vous présenter mes excuses pour les délais serrés que je vous ai imposés.

— Vous excusez pas, Patron ! s’exclama un homme.

— Ç’a été un plaisir de préparer tout ça pour la Demoiselle ! rétorqua une femme en levant son verre.

— Voilà une équipe bien soudée, fit remarquer Stein en souriant. Demain, j’annoncerai vos primes et jours de repos que vous avez bien mérités.

Une salve d’applaudissements lui répondit.

— Vous les gâtez trop, Monsieur ! pouffa une responsable.

— Tout le monde mérite un peu de répit. Vous également.

— Vous êtes trop généreux.

— Je ne compte pas le faire tout le temps, répondit le mafieux en souriant.

— Merci, Patron ! Félicitation, Mademoiselle Taeliya ! s’exclama le staff au complet, suivi du clan et des démons qui levèrent tous leurs verres.

— Merci, tout le monde ! Répondit-elle, rougissante.

Le dîner commençait à peine que la porte s’ouvrit en grand sur une femme furieuse.

— Je peux savoir ce qu’il se passe ici ?! Pourquoi personne ne répond à l’accueil
quand j’appelle ?!

— Vous avez encore une urgence, Madame Christikos ? répondit Taeliya en piquant dans son assiette un morceau de poulet.

— Vous…

— Oui ? Je peux vous aider, peut-être ?

La jeune femme n’avait pas besoin de se retourner pour la voir s’avancer dans la salle, suivie par plusieurs autres clients mécontents ou curieux.

— Tout l’hôtel a été prévenu de notre arrivée, ainsi que de la soirée non-ouverte aux clients, dit Stein soudainement très froid.

— M-Monsieur Carlington ? bafouilla-t-elle.

— Madame Kystitos.

— Papa, voyons ! s’exclama sa fille, outrée. C’est CHRISTIKOS.

— Oh oui, pardon, ma chérie… madame Kystikos. Puis-je savoir ce qui a été difficile à comprendre dans cette annonce, ainsi que sur le flyer distribué à tous les clients de l’hôtel ? Quelle urgence est-ce, cette fois ? Plus de papier toilette ? Manque-t-il du dentifrice ? Vos petites culottes ont besoin de lavage, peut-être ?

Taeliya se retint de rire, mais déjà l’assemblée couinait d’une retenue compliquée. La femme offusquée s’empourpra de colère.

— Non mais quelle humiliation ! Est-ce comme ça que vous traitez vos clients les plus fidèles ?! s’écria la femme, hors d’elle.

Un grondement sourd se fit entendre. Les démons semblaient en colère et le faisaient savoir par des sons glaçants. Les clients, venus pour se plaindre, cherchèrent l’origine de ce bruit étrangement inquiétant, mais contre toutes attentes, ce fut la jeune femme qui se leva dans un calme olympien.

— Mesdames et messieurs, je tiens à m’excuser pour cette gêne. Mais vous le saviez, le personnel vous a distribué des flyers vous prévenant que le service serait indisponible à partir d’une certaine heure jusqu’à minuit, voire 1 h du matin au plus tard. La salle était disponible jusqu’à 22H40 environ. Il est actuellement 23h16 et comme convenu, la salle, ainsi que le personnel, n’est plus disponible. Si vous avez des plaintes à soumettre, je vous prie d’attendre demain matin ou alors la fin de la soirée pour nous en faire part. S’il y a une urgence, du personnel est disponible à l’entrée pour ces cas d’exceptions. Si, comme a pu le faire Madame Christikos cet après-midi, vous avez besoin de harceler le personnel pour une urgence de manque de produits de soin ou de fournitures de chambre, je vous demande également d’attendre ou de vous tourner vers l’accueil pour leur en faire part.

— Excusez-nous, Mademoiselle, fit une femme derrière la mégère en furie. Qui êtes-vous ?

— Taeliya Carlington, la fille de la personne qui possède l’hôtel dans lequel vous vous trouvez, Madame, répondit Taeliya avec respect, mais tout en restant droite, les mains jointes sur son ventre.

— Oh ! fit cette dernière, horrifiée.

Elle recula d’un pas, comme tous ceux qui l’accompagnaient, et s’exclama :

— Je suis absolument confuse ! Cette dame nous a embarqués dans sa colère, prétextant qu’elle n’était au courant de rien, et nous sommes arrivés trop tard pour profiter du restaurant !!

— Comment ça, je vous ai embarqués ? Bien sûr que j’en savais rien !

— En êtes-vous sûre, Madame Christikos ? fit Stein qui commençait à en avoir plus qu’assez de ce comportement.

— Bien sûr ! Oseriez-vous mettre en doute ma parole, Monsieur Carlington ?

— Oh que oui, Madame, fit-il en sortant son téléphone.

Il enclencha la vidéo de l’accueil et put faire entendre à tous ce qu’elle avait osé dire à Amandine, puis une autre où l’on voyait très clairement la dame recevant un flyer du service de chambre venu lui apporter les produits demandés.

— Autre chose à dire ?

— Vous ! gronda-t-elle. Vous allez me le payer !

— Votre mari ne se risquerait pas à s’attaquer à moi, étant donné qu’il me doit son argent, ainsi que tout ce que vous possédez, déclara Stein, rangeant son téléphone dans la poche de sa veste.

— Veuillez nous excuser, fit une femme, complètement confuse. Nous vous laissons, bonne soirée.

— Venez me trouver au dernier étage demain matin, mon bureau s’y trouve, lui dit Stein. Je vous dédommagerai pour ce soir.

— Oh, ne vous donnez pas cette-

— J’insiste, Madame.

— Oh, euh… d’accord. Bonne soirée à vous.

— De même, mesdames et messieurs, fit Stein.

Mais alors qu’ils pensaient avoir enfin la paix, Taeliya appela deux des démons pour faire sortir la femme furieuse et la raccompagner dans sa chambre.

Carl et Dorian se levèrent et attrapèrent la femme pour l’extirper de la salle. La jeune femme s’inclina légèrement pour souhaiter une bonne soirée à cette mégère détestable, puis reprit sa place.
Les deux hommes prirent un certain temps avant de revenir, énervés.

— Vous inquiétez pas, Princesse, elle est toujours vivante.

— Malheureusement, soupira-t-elle. Merci à vous deux.

Le sourire éblouissant qu’elle leur adressa suffit à soulager un peu leur colère. Ils retournèrent à leur table et y trouvèrent leurs entrées intactes, ainsi que deux assiettes sous cloches.

— Ce sont vos plats, nous vous attendions, dit-elle en souriant.

Les deux hommes se précipitèrent pour finir leurs entrées, avant que tous n’attaquent enfin le plat et la bonne humeur revint immédiatement, allégeant enfin l’ambiance de la salle.

Les plats se succédèrent. Taeliya aida au service, les toasts s’enchaînèrent et la musique fit place à des couples qui vinrent évoluer au centre de la piste improvisée.

Stein demanda une danse à sa fille qui lui accorda, puis il échangea avec Alya et Noah récupéra sa belle.

— Tu es digne de succéder à ton père, tu le sais ? lui dit son compagnon.

— Tu crois ?

— Après ta démonstration de ce soir, je n’ai aucun doute là-dessus.

— Eh bien, j’en prends note, répondit-elle.

— Mais ?

— Je ne sais pas si je pourrai le faire. Je ne suis pas aussi douée que toi ou mon père pour diriger un clan de mafieux sanguinaires, je…

— Tu es plus douée pour l’art et la douceur, je sais. Mais tu as ce qu’il faut pour reprendre le clan. Crois-moi, ma belle.

— Si papa propose de me léguer le clan, tu m’aideras ?

— C’est une demande sérieuse ?

— J’en ai bien l’impression…

Noah ne s’y attendait pas.

La jeune femme planta son regard vairon brillant d’incertitude dans le sien, l’envoûtant complètement. Lui qui avait déjà préparé la façon dont il allait lui faire sa demande, voilà que la jeune femme se lançait la première pour le surprendre. Mais était-ce vraiment une demande comme il l’entendait ou juste une demande d’assistance ?

Il la sentit quitter son corps pour retourner à leur table, se pencher sur sa chaise et sortir quelque chose de sa pochette. Il intercepta le clin d’œil échangé avec Stein, comme s’il s’agissait d’un encouragement. Carlington fit signe de couper la musique et d’obtenir le silence complet. Tous se figèrent et le temps sembla se suspendre pour Noah. Il la vit avancer timidement, les mains serrant quelque chose contre son ventre. Son regard se fit fuyant le temps qu’elle l’approche, mais son pas était décidé et il se douta que sa demande était belle et bien réelle.

— Princesse ?

— Tais-toi, s’il te plaît, l’implora-t-elle, la tête baissée. Je… Je sais pas comment faire et pourtant, je me suis entraînée. Donc tais-toi et laisse-moi parler… s’il te plaît.

Sonné, Noah garda le silence. Kaelis s’agita. Mais l’ordre sonna comme une supplique, aussi se figèrent-ils tous les deux.

Plus personne ne parla, tous debout, attendant de savoir ce qui allait se passer, surpris par sa façon de parler et surtout par comment elle venait de s’adresser à l’être le plus dangereux qui soit, mais même lui n’osa la défier. Ce qu’il avait devant lui était une créature timide au regard vairon éclairé par la peur. Elle lui semblait si fragile à cet instant qu’il voulut la prendre dans ses bras, mais quand elle releva la tête pour le regarder, il ne put bouger d’un pouce.

— Oni, commença-t-elle. Je sais qu’égoïstement, je veux garder ton nom pour moi. Ne pas pouvoir le dire librement est aussi un inconvénient. Pourtant, il restera secret parce que ça fait partie de ton personnage. Je suis arrivée dans le clan il y a un peu plus de deux ans maintenant et la première fois que je t’ai vu, tu étais plus qu’effrayant. Mais tu m’as attirée par l’aura colérique et sombre que tu dégageais. Il y avait une circonstance et t’entendre prononcer mon nom comme si on se connaissait déjà m’a tout de suite fait comprendre que tu n’étais pas aussi démoniaque que ça. Du moins, pas avec moi…

Tous restaient à l’écoute du discours de la jeune femme qui avait totalement oublié le fait qu’elle se trouvait au beau milieu d’une salle pleine de plus d’une centaine de personnes, les yeux braqués sur elle.

Tout ce qui l’intéressait était celui qui lui faisait face en ce moment même.

— Quand tu m’as conduite dans les hauteurs pour peindre, tu es resté près de moi et je me suis sentie apaisée. Je n’avais plus peur de rien, je me sentais protégée et j’avais l’impression de pouvoir tout affronter sans peur. Jess avait joué son rôle auprès de moi, mais ta noirceur, ta dangerosité m’a étrangement plus attirée que lui. Désolée, Jess.

— Pas de mal, Princesse ! répondit ce dernier en s’inclinant légèrement.

Elle lui sourit, puis reprit :

— Lorsque je suis venue ici la première fois, ne pas t’avoir avec moi m’avait complètement fait perdre mes moyens. Savoir en plus que vous aviez été attaqués et que tu avais dû rester pour tout gérer… je ne savais pas comment agir et j’ai cru que mon cœur allait m’abandonner, que je n’allais pas te revoir ou que tu reviendrais à moitié mort.

— Tu as une si belle image de ma force, ma belle.

— Désolée, mais c’était nouveau pour moi ! Je ne savais pas comment faire ! Mon cerveau refusait de fonctionner autrement qu’en imaginant le pire, mon cœur le supportait pas non plus. Dans la piscine, j’ai pu me rendre compte que j’agissais comme une enfant. Mais le fait de vous avoir autour de moi me rendait comme ça et débilement, j’ai adoré. Mais ce qui m’a le plus marqué fut notre premier baiser et il restera à jamais gravé en moi.

Elle s’approcha un peu plus de lui. Son regard brilla soudainement un peu plus fort, tandis qu’un grondement remonta le long de la gorge de son compagnon.

— Quand encore tu m’as dit ne pas pouvoir rentrer pour mon premier Noël, j’étais dévastée, mais j’ai tenu bon. Te voir arriver ce matin-là, je me souviendrai toujours de la joie et du soulagement que j’ai pu ressentir. Depuis ce moment-là, je me suis demandé si je pourrais passer ma vie comme ça. Te voir partir sans savoir où, t’attendre sans avoir la garantie de te voir revenir entier ou même vivant. Ne pas connaître la nature de tes missions, mais le découvrir dans les journaux ou encore à la télé. Devoir me dire que je ne pourrai jamais vraiment vivre pleinement tranquille sans que tu ne cherches à tout contrôler jusqu’à ma propre sécurité, comme dans cette petite maison. Mais ce week-end-là, j’ai trouvé ma réponse. Oui. Je le voulais parce que tout simplement, je me sentais vivante avec cet homme qui a toujours une arme sur lui, qui passe devant moi pour vérifier les lieux, qui part faire une patrouille avant de me rejoindre au lit, qui guette le moment où je sors du campus ou d’un endroit interdit aux hommes avec ce regard qui me dit qu’il était inquiet et que le danger peut être partout, même chez nous. Oui, je peux vivre avec cet homme-là… ce démon-là. Mon cœur, tu l’as. Mon âme t’appartient aussi et mon corps, tu l’as revendiqué il y a quelques mois maintenant. Mais quand tu es venu me sauver, je savais que plus rien ne serait comme avant parce que maintenant que le danger sait qui je suis, il sera encore plus violent. Et toi également. Vous avez décidé de me mettre aux commandes, mais je te demande d’être celui qui continuera de me protéger, de m’aimer et de m’aider à succéder à mon père quand il décidera de me laisser son trône de sang.

Elle prit une grande inspiration, ouvrit ses mains pour lui présenter une petite boîte de velours rouge bordeaux. Elle la lui tendit, attendant qu’il prenne l’objet pour découvrir ce qu’il contenait. Son discours l’avait tellement secoué qu’il ne savait pas quoi faire ni quoi dire. Stein dut se racler la gorge pour le faire réagir. Il prit donc la petite boîte, ouvrit le couvercle et tomba des nues.

À l’intérieur, posée sur une petite bosse, se trouvait la chevalière de Stein. Celle-là même qu’il avait porté pour son mariage et jusqu’à ce qu’il retrouve Taeliya. La chevalière avait été retaillée pour aller à son doigt. Noah regarda l’objet comme si le toucher risquait de le tuer. Il regarda alors son chef qui hocha la tête, un sourire sincère et doux sur le visage. Ses traits étaient sereins et rien en lui n’indiquait qu’il blaguait. Son regard était celui d’un père assistant à la demande en mariage de son enfant, sa petite princesse qui avait vécu le pire et qui, aujourd’hui, cherchait à se lier à l’un des hommes les plus meurtriers et puissants qui soit pour obtenir le meilleur.

Noah sentit l’incertitude de Taeliya qui attendait une réponse de sa part. Il prit la chevalière et se la glissa au doigt. Il le voulait ! Bien sûr qu’il le voulait !

Il attira sa belle contre lui et posséda furieusement ses lèvres. Il écrasa sa bouche sur la sienne, pressant son corps contre le sien, dur comme du granit. Son cœur battait furieusement dans sa poitrine et il pouvait sentir celui de la jeune femme contre lui battre aussi vite. Elle s’accrocha à lui pour ne pas s’effondrer. Tout ceci lui avait demandé tellement d’énergie qu’elle se sentait affaiblie, mais en réalité, une flamme s’était enfin rallumée en elle et elle grandissait pour embraser son corps. Tout son être brûlait pour Noah et elle ne pouvait plus rien nier maintenant. Pas après ces années passées ensemble. Il avait su attendre et aujourd’hui, tout ceci payait enfin.

Elle avait beaucoup souffert, mais le destin avait placé un être encore plus torturé sur son chemin et depuis, ils étaient devenus inséparables. Ils étaient un tout. L’un sans l’autre, ils n’arrivaient plus à avancer, ressemblant à des coquilles vides.

Ce soir, elle s’était lancée et ne regrettait pas de l’avoir fait. Son compagnon venait d’accepter sa demande devant toute l’assemblée qui se mit soudainement à applaudir à tout rompre. Mais le brouhaha ne les arrêta pas de s’embrasser. Le démon gronda si fort, dévorant sa belle qui gémissait contre lui. Elle était décidément une femme digne de lui, d’être leur maîtresse… d’être la fille de Stein Carlington. Sa princesse. Elle était la créature la plus pure et savoir qu’elle pensait tout ça le mettait si haut qu’il avait peur de chuter.

Quand il se sépara d’elle, son regard chercha ses yeux vairons, afin de s’accrocher à eux pour ne pas sombrer dans la folie.

— Je t’aime, Noah… murmura-t-elle tout près de lui.

— Tu sais pas à quel point je t’aime, ma belle sorcière. Tu es vraiment l’être le plus extraordinaire que j’ai pu connaître. Ma Reine… Tu es sûre de pas le regretter ?

— Forcement que je vais le regretter ! Très souvent, même. Mais je ne peux pas vivre sans toi, mon démon.

— Arrête… Kaelis est comme un dingue. Il me donne la migraine… soupira l’homme.

Elle pouffa, lui attrapa la nuque pour le rapprocher d’elle et captura sa bouche. Le démon gémit en lui et Noah ne put rien faire d’autre que de la posséder langoureusement.

— Félicitations aux futurs mariés ! s’écria alors Stein en levant son verre.

Taeliya se sépara de son compagnon pour adresser à son père un regard larmoyant.

Noah la libéra pour qu’elle aille se jeter dans les bras du mafieux. Il était fier et admiratif face à sa fille.

— Ta mère et moi sommes fiers de toi, ma chérie.

— Merci, papa.

— Félicitations, ma chérie ! s’exclama Alya en venant la prendre dans ses bras.

— Alya !!

Sonia vint la prendre contre elle et lui murmura à l’oreille qu’elle était fière de voir la fille de sa meilleure amie devenir une jeune femme accomplie. Joe la félicita à son tour et chacun alla de son petit mot. Les démons entourèrent leur chef pour le féliciter à leur manière, tout en admirant la jeune femme rougir.

— Ça va devenir compliqué à partir de maintenant, dit Stein en s’approchant de son bras droit.

— J’en ai bien peur. Mais avec elle à mes côtés, je risque rien.

— Tiens ? Est-ce donc ma fille qui devient ta protectrice ? Toi, le démon féroce ? Se moqua Stein.

— À chacun sa faiblesse et sa force. Les miennes se trouvent là-bas, dit-il en la montrant d’un signe du menton.

Taeliya tourna la tête vers lui à cet instant et ne put que lui sourire.

— Prends-en soin pour moi.

— Je ne me risquerai pas à te l’arracher… beau-papa.

— Pitié, ferme-la ! gémit Stein en partant retrouver sa fille.

— Il t’embête déjà ? pouffa la jeune femme.

— Es-tu sûre de ton choix ?

— Papa !

— Viens là, ma douce ! s’amusa son père en lui ouvrant les bras.

Elle s’y engouffra.

Décidément, le destin avait une drôle de façon de gérer sa vie. Mais aujourd’hui était le plus beau de son existence, après ses retrouvailles avec son père.

— Je t’aime, papa.

— Moi aussi, ma chérie, je t’aime si fort.

***

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