Chapitre 2 - Partie 2

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  La harfang messagère passa au-dessus de ma tête au moment où j'aperçus Freyja. La Guérisseuse faisait les cent pas près d'un appaloosa en se rongeant nerveusement l'ongle du pouce.

  –Freyja !

  Elle se tourna aussitôt vers moi. Alors qu'elle s'apprêtait à courir vers moi pour réduire au plus vite la distance entre nous, j'apparus à un pas d'elle. J’eus à peine le temps de remarquer que sous son long manteau beige, elle portait un pantalon en cuir noir, vêtement très mal vu pour une femme, qu’elle saisit ma veste. Elle m’attira brutalement vers elle.

  –Magdalena aurait dû rentrer chez elle cette nuit mais ni Karl ni sa mère ne l'ont vue, alors dites-moi qu'elle est dans ce foutu château.

  –Karl ?

  –Son mari, il était de retour pour la semaine. Mais ça n'est pas la question, répondez-moi !

  Mon cœur s'alourdit davantage. Je secouai la tête.

  –Elle et Lunixa sont introuvables. Personne ne les a vues depuis cette nuit.

  –Putain, mais c'est pas vrai ! s'emporta Freyja en me relâchant. Pourquoi ne lui ai-je pas répondu plus tôt ?

  Mes muscles se contractèrent à nouveau.

  –Répondre à quoi ?

  –Elle m'a contactée en pleine nuit, vers trois heures et demi, mais je dormais déjà, alors je ne l'ai pas entendue tout de suite.

  –Que vous a-t-elle dit ?!

  Ma tension était à son paroxysme. Depuis ce matin, elle était la première personne à avoir eu des vraies nouvelles de Magdalena, et peut-être de Lunixa.

  Malgré ses yeux d'un bleu très clair, Freyja me coula un regard torve si noir qu'il aurait pu tuer quelqu'un sur place.

  –Kalor. Le Prince. Je suis désolée.

  Dame Nature, de quoi Magdalena voulait-elle s'excuser ?

  –J'ai essayé de la joindre juste après, continua-t-elle, mais elle ne me répondait plus. Et il est impossible qu'elle ne m'entende pas. Peu importe l'endroit où elle se trouve, peu importe la distance qui nous sépare, elle devrait en être capable. À moins qu'on ne l'ait privée de ses pouvoirs en l'empoisonnant à l'havankila.

  Alors que je ne pensais pas cela possible, son regard s'obscurcit encore plus.

  –La Cause a-t-elle mis la main sur elle ? demanda-t-elle d'une voix haineuse.

  Ma mâchoire se serra. Je n'avais pas songé à cette possibilité avant qu'elle l'évoque. Cependant, si cela était vraiment arrivé, j'aurais été au courant. Cela faisait si longtemps qu'ils cherchaient un Liseur que ma mère aurait été trop exaltée pour me le cacher.

  –Non, ils n'ont toujours pas découvert sa nature.

  La langue de Freyja claqua contre son palais. Elle balaya les alentours du regard, puis s'installa sur un tronc affaissé. Les mains posées sur l'écorce, elle prit une profonde inspiration, puis ferma les yeux. Je la dévisageai sans comprendre.

  –Qu'est-ce que...

  –La ferme.

  Mon pouvoir ne fit qu'un tour en moi. Depuis tout à l'heure, mon sang froid ne tenait plus qu'à un fil. Freyja risquait de le rompre à tout moment si elle continuait sur cette lancé.

  Ses paupières se soulevèrent d'un coup.

  –Votre femme s'est-elle teint les cheveux ?

  –Pardon ?

  –Quand Magdalena me contacte, elle me transmet aussi ce qu'elle voit au même moment, par inadvertance. C'est tellement faible que je n'y fais généralement pas attention, mais c'est bien là, alors si je me concentre suffisamment, je peux m'en rappeler. Même si c'est la première fois que je les vois vraiment.

  Le souvenir de Lunixa et de sa chevelure sombre me revint. Un mauvais pressentiment me gagna. Elle n'aurait quand même pas...

  –Êtes-vous sûre qu'il s'agit de Lunixa ? grondai-je.

  –La jeune femme que j'arrive à visualiser lui ressemble comme deux gouttes d'eau, seule leur couleur de cheveux diffèrent. Donc soit vous me confirmer que votre femme se teint les cheveux et c'est bien elle, soit elle a une sœur ou quelqu’un qui lui ressemble trait pour trait. Donc ? s'impatienta Freyja.

  Le fil s'effrita.

  –Ça lui est arrivé...

  –Alors elles étaient ensemble, conclut-elle. Du moins, au moment où Magda m'a contacté.

  –Mais que faisaient-elles ? Où étaient-elles en plein milieu de la nuit ? En ville ? Dans le quartier...

  –Deux minu...

  –Je n'ai pas deux minutes ! m'emportai-je en empoignant le col de son haut.

  Freyja me foudroya du regard.

  Ses yeux bleu glace virèrent au vert forêt.

  Mon cœur s'arrêta.

  J'étais tellement choqué qu'avant qu'il s'en prenne à moi, je ne vis pas l'arbre derrière elle prendre vie. Ses branches se jetèrent sur moi et me propulsèrent en arrière. Mon dos heurta un conifère. L'impact me coupa le souffle. Avant que je ne chute, des branches s'enroulèrent autour de moi, m'immobilisant à plus de deux mètres du sol. Trop hébété pour réagir, je relevai simplement la tête.

  La harfang se posa avec majesté sur l'épaule de Freyja, accentuant la puissance qui se déployait de cette femme. Elle posa une main sur sa hanche.

  –C'est bon, vous êtes calmé ?

  N'obtenant aucune réponse, elle s'avança vers moi. Pendant que je dévisageai, ahuri, les fleurs qui poussaient sous ses pieds à chacun de ses pas, les branches m'approchèrent d'elle. Elle prit mon visage en coupe et plongea son regard dans le mien.

  –J'ai dit avoir besoin de deux minutes, alors si tu veux des réponses, Kalor, tu prends sur toi et tu me laisses me concentrer deux minutes.

  Freyja tourna les talons. Au même moment, l'arbre me lâcha et les fleurs qui avaient poussé sur son chemin se fanèrent d'un coup. Elle se réinstalla sur le tronc, puis ferma à nouveau les yeux, sans un mot. Tout en me redressant, je continuai à la dévisager, incapable de m'en remettre.

  Freyja n’était pas qu’une simple Guérisseuse impudente…

  Elle était l'Élémentaliste de la terre.

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