Chapitre 11 - Partie 1

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LUNIXA

 

  Je n'avais pas eu conscience de m'être rendormie avant que mes paupières ne se soulèvent et que la douce lumière du matin ne caresse mes pupilles. Des murmures discrets, aussi légers qu'un battement d'ailes de papillon, effleuraient également mes tympans. L'esprit encore brumeux, je me redressai et balayai la pièce du regard. Magdalena dormait encore dans le lit voisin au mien, tandis que les hétaïres discutaient autour de la table tout en mangeant des clémentines. Hedwige fut la première à me remarquer. Sans un mot, elle m'invita à me joindre à elles et à prendre un fruit. Comme je n'avais pas rien avalé la veille, j'acceptai sa proposition.

  Les filles reprirent leur conversation à propos d'un roman pendant que je m'installais entre Ottilie et Berta. N'ayant pas lu le livre en question, je ne les écoutai que d'une oreille et me concentrai sur le pelage de ma clémentine. Je m'apprêtais à manger le premier morceau quand un mouvement à la périphérie de mon champ de vision attira mon attention. Magdalena se levait. J'abandonnai l'agrume sur la table pour la rejoindre.

  –Comment te sens-tu ? m'enquis-je.

  Ses yeux brillaient toujours.

  –Un peu mieux.

  Mais elle était toujours affaiblie ; aussi lui offris-je mon soutient pour l'accompagner à la table. Elle venait à peine de s'y asseoir que le loquet de la serrure retentit. Je me tournai en vitesse vers la porte et me retrouvai face à l'Horloger. L'adolescent de cette nuit avait disparu pour faire place à un homme d'une trentaine d'années. Tous ces changements d'âge ne faisaient qu'empirer notre détention : notre ravisseur pouvait changer de visage à n'importe quel instant.

  Alors que plus aucune d'entre nous n'osait bouger ou parler, il nous observa l'une après l'autre avec une attention dérangeante. Son regard finit par s'arrêter sur Berta.

  –Viens ici.

  La jeune femme frissonna mais lui obéit sans mot dire. Lorsqu'elle arriva en face de lui, il fit un pas en arrière et récupéra dans le couloir un sac qu'il lui remit.

  –Ce sont nos vêtements, me glissa Ottilie d'une voix presque inaudible. C'est lui qui décide ce qu'on porte.

  Je ne pensais plus cela possible, pourtant, ma répugnance à l'égard de cet homme se renforça à ces mots. Il cherchait à contrôler chaque aspect de notre vie, de nos occupations jusqu'à la façon de nous vêtir, comme si nous n'étions que de vulgaires poupées grandeur nature.

  L'Horloger appela ensuite Hedwige, puis Ottilie et « sa petite rousse », avant de terminer par moi. Au moment où je saisissais le sac, il se pencha vers mon oreille, un sourire concupiscent aux lèvres.

  –J'ai choisi ces tenues après notre petite discussion nocturne, susurra-t-il. J'espère que ça te plaira.

  Je dus me faire violence pour ne pas m'écarter lorsque ses lèvres se posèrent sur ma joue. Il coula sur moi un regard langoureux, puis reporta son attention sur le reste des filles.

  –Rappelez-vous, pas d'échange entre vous.

  Et sur ces mots, il nous enferma à nouveau.

  Ayant l'habitude de se changer entre elles, les filles commencèrent à se dévêtir dans la chambre, tandis que Magdalena et moi allions nous relayer dans la salle de bains. Elle me laissa y aller la première.

  Comme l'Horloger avait évoqué notre conversation de cette nuit, je pensais que le sac contenait une robe illiosimerienne, celle que la majorité des femmes portaient lors de la fête de l'Anamnisi et qu'il avait l'air d'apprécier pour l'unique raison qu'elle dévoilait partiellement nos jambes ; je n'aurais pu me tromper davantage. Contrairement aux costumes traditionnels de mon pays, qui étaient des reconstitutions de tenues très anciennes, celles d'une période antique de l'Ancien Temps, les vêtements que je trouvais provenaient de l'époque qui avait précédé la Punition.

  Je sortis les affaires du sac, puis les inspectai avec une réticence et un dégoût flagrants. L'Horloger avait absolument tout prévu. Il m'avait choisi un ensemble de lingerie en dentelle noire, de longues chaussettes et des collants fins de la même couleur, d'étranges chaussures en toile à lacets et aux semelles très souples malgré leur épaisseur, une chemise crème sans manche, une ceinture, un long gilet ocre et... une sorte de culotte courte kaki. Le nœud dans mon estomac se resserra au point d'en devenir douloureux. Même celles d'Alexandre étaient plus longues que celle sous mes yeux ! Elle ne devait pas m'arriver à mi-cuisse !

  Mon rythme cardiaque s'accéléra. Le collant était fin, il risquait de devenir transparent en se détendant, alors si ce minuscule pantalon ne couvrait pas assez le haut de mes jambes...

  Il ne me fallut pas une seconde pour prendre ma décision : j'arrachai le bas de ma chemise de nuit et me bandai la cuisse avec. Je me contentai d'une seule épaisseur pour que cela se voit le moins possible, puis m'habillai. Ma marque royale me préoccupait tant que je remarquai à peine que le soutien-gorge se voyait à travers le chemiser et que ce haut était doté d'un décolleté profond. Comme je le craignais, la culotte courte arrivait tout juste sous ma marque. Elle aurait été visible au moindre mouvement sans le bandage et le collant. Ce dernier était moins transparent que je ne le pensais et masquait plutôt bien la différence entre ma peau et le tissu autour de ma cuisse. Malgré ce constat rassurant, je croisai les pans du gilet pour me couvrir le plus possible.

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