Chapitre 42 - Partie 1

8 minutes de lecture

LUNIXA


  Alors qu'un soleil éblouissant caresse mon visage et mes paupières closes, une chaude brise se lève, portant jusqu'à moi de délicates effluves fleuris. Un sourire fend mes lèvres. Cet éclat, ce vent, cette odeur... J'ai l'impression d'être de retour à Illiosimeria, dans le jardin du manoir.

  Mon cœur manque un battement.

  Le jardin du manoir ?

  Interdite, j'ouvre les yeux et mon souffle se coupe. Mes sens ne me trompaient pas ; je suis bien de retour chez moi, assise sur un banc de pierre dans la roseraie de Giulia. Comment suis-je arrivée ici ?

  Je n'ai pas le temps de me remettre de ma stupeur qu'une pluie torrentielle tombe d'un coup. Au-dessus de ma tête, ciel et soleil se retrouvent enfouis sous une épaisse nappe de nuages sombres et le tonnerre gronde. Sans réfléchir, je me relève sans attendre et traverse les jardins en courant. Il pleut si fort que mes jupons ne tardent pas à se gorger d'eau et à s'alourdirent. Leur poids me pèse tant que j'arrive dans l'entrée haletante.

  –Par la Déesse...

  Je m'adosse à la porte et pose une main sur ma poitrine en essayant de rependre mon souffle. Celui-ci se coupe aussitôt. Mon corsage est non seulement complètement sec, mais à l’extrémité de ma paume, sous mes seins, je sens le début d'un renflement.

  Lentement, ma tête se baisse et je découvre avec effroi un ventre rond.

  –Non, non, non. Ce n'est pas possible. C'est une illusion, je ne suis pas...

  Je passe ma main sur mon torse pour aplatir ma robe, mais le tissu ne fait que se tendre et souligner d'avantage l'arrondi de mon ventre, tandis que ma paume en suit la courbure.

  Plusieurs secondes s'écoulent, puis mes jambes se mettent en mouvement et m'amènent vers le grand miroir du hall. Le reflet qu'il renvoie fait peur à voir. La femme qui me fait face est exténuée et sa maigreur inquiétante est accentuée par sa grossesse avancée. Elle doit en être au sixième mois... Je dois en être au sixième mois.

  Comme pour me le confirmer, un coup me frappe de l'intérieur.

  Alors que de violents tremblements s'emparent de mon corps, un bruit sourd retentit au-dessus de moi. Mon regard s'arrache du miroir et se tourne vers les étages.

  –Giulia ? lancé-je.

  –Non, Nix, c'est nous !

  Ma présence incompréhensible à Illiosimera, ma maigreur, ma grossesse... tous ces problèmes s'envolent au son de ces voix et je m'élance dans le manoir.

  Dame Nature, ils sont là... Ils sont vraiment là.

  –Ne bougez pas, j'arrive !

  –D'accord, on dans notre chambre.

  Gravir les marches et traverser la demeure m'essoufflent encore plus que courir dans les jardins, mais la pensée de revoir mes enfants après huit mois de séparation me donne la force de continuer sur ma lancée. Je suis si impatiente que je ralentis à peine à l'approche de leur chambre et, sans aucune manière, j'ouvre brusquement la porte.

  Deux têtes blondes se tournent aussitôt vers moi et m'offrent de magnifiques sourires.

  –Nix ! s'exclament-elles en chœur.

  Les larmes aux yeux, j'entre dans la pièce et tombe à genoux devant mes enfants. Mes mains tremblent lorsque je les pose sur leurs joues pleines. Ils n'ont pas du tout changé. Ils sont restés identiques à ceux qu'ils étaient quand je les ai quittés.

  –Oh, mes trésors...

  Je les serre contre moi et enfouis ma tête dans leurs cheveux dorés comme les blés.

  –Vous m'avez tant manqué...

  –Tes trésors ?

  Mon corps se fige au son de cette voix grave. Une seconde passe, puis je relève la tête. La silhouette d'un homme que je n'avais pas remarqué, installé sur un fauteuil au coin de la chambre, se découpe dans l'ombre.

  Même si je ne distingue pas son visage, je sens son attention sur moi et nous nous fixons pendant un instant. Puis, d'un mouvement souple, il se redresse et s'expose à la lumière. Mon cœur s'arrête.

  –Monsieur Arès a dit qu'il fallait t'attendre, déclare innocemment Éléonora. Il a dit que tu avais quelque chose à nous dire.

  –Non...

  –Non ? répète Arès en plissant les yeux tandis qu'il se rapproche de nous. En êtes-vous certaine ?

  Sa démarche lente et assurée, en tout point semblable à celle d'un prédateur, me glace le sang. Prise de panique, je me redresse d'un bond et empoigne les mains d'Alex et d'Éli pour les entraîner dans ma fugue.

  Cependant, ils ne bougent pas du tout, au contraire : ils me retiennent, un grand sourire aux lèvres.

  –Que...

  –Vous n'avez vraiment rien d'autre à leur dire à part « vous m'avez manqué » ? reprend Arès, désormais à mi-chemin de nous. Et moi, t'ai-je manqué,… Artémis ?

  Mon nom s'abat sur moi avec la violence d'une déferlante et me pétrifie sur place. Incapable de bouger, je ne peux que regarder mon ancien fiancé, qui continue d'avancer. Il ne lui reste plus que quelques pas à franchir.

  Bouge... Bouge...

  Je fais un pas en arrière.

  Arès se retrouve soudain devant moi et mon dos se heurte au mur, à plusieurs mètres de l'endroit où je me trouvais un instant plus tôt. Un sursaut me secoue mais ses longs doigts empoignent mon menton avant que je ne m'écarte.

  –Oh Émis... Pensais-tu vraiment pouvoir garder ce secret encore longtemps ?

  –Non. S'il te plaît...

  –Pourquoi m'as-tu abandonnée, ma colombe ? (Ma gorge se serre.) Nous devrions être ensemble à l'heure qu'il est ; nous avions tout fait pour nous en assurer.

  Son pouce frôle ma lèvre inférieure.

  –Alors pourquoi es-tu partie ? Pourquoi as-tu simulé ta mort ? Je t'ai pleurée, Artémis, comme jamais je n'avais pleuré quelqu’un auparavant... Je croyais t'avoir perdue pour toujours, alors que tu étais là, avec nos enfants, puis à Talviyyör, dans la couche de ce prince.

  Avec son autre main, il effleure mon ventre rond. Je me mets à trembler comme une feuille.

  –Pourquoi l'as-tu laissé te toucher ? Tu t'étais offerte à moi ; tu m'avais autorisé à te faire mienne. Mienne, Artémis. Jamais tu n'aurais dû t'ouvrir à un autre homme.

  Une larme coule sur ma joue.

  –Arès...

  Ses lèvres s'écrasent sur les miennes et étouffent le reste de mes mots. Un cri étranglé m'échappe. Je cherche à m'écarter de lui, à m'arracher à son baiser, mais sa poigne se raffermit. Je n'y parvins qu'en y mettant tous mes forces. Arès ramène aussitôt mon visage en face de lui. Ses yeux brûlent d'intensité.

  –Je suis le seul qui aurait dû te toucher de la sorte, Artémis. Marié ou pas, tu es ma femme.

  –Non ! Lâche-moi !

  Je ne veux pas... Je ne veux plus...

  –Pourquoi pleures-tu, maman ? C'est notre papa.

  Le rythme de mon cœur se détraque et j'arrête brusquement de me débattre. Le souffle court, je baisse les yeux vers Alexandre, debout à notre droite.

  –Mais oui, maman. C'est notre papa, l'appuie Éléonora, à notre gauche. Tu dois être avec lui.

  –Tu as entendu nos enfants, murmure Arès en ramenant de nouveau mon attention sur lui. Nous formons une famille, Émis. (Il passe une main dans mes cheveux.) Vas-tu rejeter ta famille ?... Notre famille ?

  Un poing se referme sur mon cœur.

  –Je...

  Mes lèvres s'agitent, mais aucun autre son n'en sort. Les paroles d'Arès résonnent dans mon esprit et repoussent mes pensées pour s'y implanter. Son regard, plongé dans le mien, leur apporte encore plus de poids, semble les répéter.

  Lentement, les doigts qui enserraient son poignet pour l'écarter se relâchent, puis ma main retombe le long de mon corps. Un infime sourire en coin soulève la commissure de ses lèvres.

  –Voilà... C'est ça, ma colombe. Ne me repousse pas.

  Il se penche vers moi et je me colle un peu plus au mur.

  –Les enfants...

  –Ne t'inquiète pas, ils sont partis, susurre-t-il tout contre moi.

  Puis il m'embrasse à nouveau.

  Quelque chose se fissure en moi. Alors que je lutte pour ne pas pleurer, mes doigts tremblants vont se glisser dans ses cheveux et je lui rends faiblement son baiser. Arès accentue aussitôt notre échange ; sa bouche entrouvre la mienne et il l’envahit pour me goûter, jouer avec ma langue.

  Lorsqu'il libère mes lèvres pour reprendre son souffle, je peine à inspirer tant ma gorge est nouée et ma poitrine oppressée.

  –Mon Artémis, murmure-t-il en m'embrassant sous l'oreille. Tu m'as tellement manqué. Si seulement tu savais à quel point.

  Ses lèvres parcourent la ligne de ma mâchoire avant de reprendre possession des miennes. Au moment où elles se touchent, le mur contre lequel Arès me presse disparaît, remplacé par une surface moelleuse. Un matelas.

  Placé au-dessus de moi, mon ancien fiancé devint encore plus entreprenant. Sans cesser de m'embrasser, il commence relever mes jupons, à glisser ses jambes entre les miennes, à me mordiller. L'étau qui s'est refermé sur mon cœur se resserre un peu plus de seconde en seconde.

  Dès qu'il a fini de retrousser ma robe, Arès délaisse mon visage pour s'intéresser au bas de mon corps. Du coude, il écarte mes genoux, puis remonte ma cuisse en déposant un chemin de baisers jusqu’à atteindre ma marque royale. Son souffle la caresse.

  –Aussi belle que dans mon souvenir...

  Il l'embrasse et la suit du bout de la langue, m'arrachant un frisson, avant de ramener son visage au niveau du mien. Je veux me détourner de lui, mais il maintient mon menton en place.

  –Ne baisse pas les yeux, Artémis. Regarde-moi. Il n'y a que nous... Rien que nous... Deux êtres créés pour n'en former qu'un.

  Et sur ces mots, il s'enfonce en moi d'un coup de rein et me fait de nouveau sienne, après plus de huit ans de séparation. Un franc sourire illumine son visage alors que je cesse de respirer.

  –Enfin... Après toutes ses années nous sommes enfin réunis.

  Je ne peux retenir mes larmes plus longtemps tandis qu'il reprend possession de mes lèvres et se met à onduler avec moi. J'essaye d'éprouver du plaisir, mais j'en suis incapable. Il n'est pas celui qui devrait me posséder ainsi. Il n'est pas Kalor.

  Une culpabilité sans fond me submerge et je pleure de plus belle. Au-dessus de moi, Arès accentue ses vas-et-viens, éveillant finalement mon plaisir.

  Non, pitié... Pas ça...

  Un sanglot déchiré m'échappe.

  –Allons, ma colombe, ne pleure pas, murmura Arès sans cesser de bouger. Tu es mienne, nous ne faisons rien de mal. Dès que nous aurons finis, nous retournerons au palais, révélerons ta véritable identité et te rendrons ton nom. Tout va rentrer dans l'ordre, je te le promets. Mais avant toutes choses..., je dois te débarrasser du bâtard de ce Prince.

  Une dague apparaît dans sa main et sans hésitation, il la plante dans mon ventre.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Asa No ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0