Chapitre 30
Nous louâmes une voiture d'Épernay jusqu'à Louvois, car il n'y avait pas d'autre moyen de transport . Ensuite , nous nous rendîmes à pied, Craig, Joséphine et moi, aux montagnes. Nous devions marcher à peu près deux heures avant d'arriver à destination. Nous étions déterminés à arriver avant la tombée de la nuit. Nous ignorions où était Maître Fahey, mais Craig était persuadé qu'il était , lui aussi, dans la vallée interdite.
Ce territoire entre Reims et Épernay était doté d'une beauté incomparable. Contrairement à ce que je pensais, les Montagnes de Reims n'étaient pas que des montagnes. Elles étaient constituées de vignes,qui s'étendaient à perte de vue, ainsi que des plaines agricoles et de forêts. Ce paysage, avec des villages viticoles nichés au cœur des vignes, se prolongeait vers Reims par une coulée verte le long du canal de l'Aisne à la Marne. Je ne pourrais vous décrire avec précision ce que je venais de voir, car je ne trouvai pas les mots nécessaires pour vous montrer à quel point ce monde était beau et exceptionnel.
À 22 heures, nous étions dans le village de Verzy, un petit village tout près des montagnes. Nous nous installâmes dans une auberge, afin de nous reposer du voyage. Nous avions convenu que demain, nous nous rendrons à la vallée interdite, là où Maître Gloderhel était enfermé.
Cette nuit-là, j'avais rêvé de ma mère pour je ne savais quelle raison. Depuis sa mort, je n'avais cessé de penser à elle, cependant, je ne l'avais jamais vu pendant mon sommeil. Je me réveillai au beau milieu de la nuit et je ne pouvais me rendormir. Je me mis à penser à tout ce temps passé. Après la mort de ma mère, beaucoup de choses avaient changé. Moi aussi, j'avais changé. Je n'étais plus la fille qui ne savait rien du monde extérieur, je n'étais plus la fille qui était ignorante et qui ne cessais de croire que demain sera un jour meilleur.À présent, j'avais conscience que jamais ma vie n'allait devenir meilleure.
Depuis le jour où ma mère était morte, j'avais cessé d'espérer. Pour moi, elle était la source de l'espoir qui me faisait vivre, maintenant qu'elle n'était plus là, cet espoir s'était éteint. Je ne pourrais dire si c'était pour toujours, mais je savais que ma vie allait changer, que ma vie allait empirer. Je ne savais pourquoi, mais j'avais un pressentiment.
J'avais découvert la vraie signification du mot vivre. J'avais voyagé en train, j'avais contemplé des paysages d'une beauté à couper le souffle. Certes, je n'étais plus comme avant.Maintenant, j'avais des amis sur qui compter . Je n'étais plus seule. Cependant, je sentais toujours un vide en moi, que je ne pouvais expliquer. Chaque jour qui passait, chaque minute qui s'écoulait, je me sentais encore plus faible. C'était comme si ma force se faisait aspirer de l'intérieur.
Depuis le jour où j'avais vendu mon âme, depuis le jour où la bête ne se manifestait plus, depuis ce jour-là, je commençais à penser à des choses auxquelles je n'avais jamais pensé auparavant, comme la signification de la vie, ou mon rôle dans ce monde, et je m'étais rendu compte que je n'avais pas la moindre utilité . Si jamais je n'avais pas existé, rien n'aurait changé.
Le seul but de toute mon existence était de découvrir la vérité, et de connaître le lourd secret que cachait ma mère pendant toutes ces années. Au moment même où j'avais découvert que ma mère avait été tuée, je m'étais juré de la venger, je m'étais juré de lui faire payer ce qu'il avait fait endurer à ma mère.
Ma vie a toujours été remplie de secret, elle avait toujours été synonyme de mensonges. Mais maintenant, je découvrais des choses incroyables, inimaginables, mais que je ne pouvais expliquer. La seule chose que je comprenais, c'était que j'étais maudite, et que j'avais un destin maudit.
Le lendemain, à l'aube, nous prîmes le car pour nous rendre dans les montagnes. Il faisait beau, et surtout, il faisait très calme. On entendait seulement le chant des oiseaux, et le souffle du vent.
Joséphine était assise à côté de moi et paraissait nerveuse, je lui demandai pourquoi et elle me répondit:
- C'est la première fois qu'on va se battre, c'est la première fois que je vais à l'aventure. Toi au moins, tu as déjà voyagé, bravé le danger. Moi, je ne sais si je vais réussir à me battre.
- Mais qu'est-ce que tu racontes! Bien sûr que tu vas réussir. Rappelles-toi à l'entraînement, tu maîtrisais toutes les techniques, alors que moi, je ne savais pas quoi faire.
- Oui, mais toi au moins, tu es courageuse. Regarde-moi, je tremble rien qu'à y penser.
- Je ne vois vraiment pas ce que j'ai fait pour être courageuse. Pendant tout le trajet, je n'ai pratiquement rien fait, je ne servais à rien. Tu te rends compte, être faible au point de ne pas se défendre, et être obligé d'attendre que les autres le fassent à ta place.
- T'inquiète, je suis comme toi. Même si j'ai la maîtrise, je ne saurai comment m'en servir!!
Nous nous mîmes à rire. Nous étions donc toutes les deux, aussi faibles les unes que les autres. Seulement elle, ça ne lui causait pas de problème. Elle en était même très fière. Alors que moi, j'en faisais toute une histoire. Et pour elle, j'étais courageuse. J'avais beau chercher, je ne voyais vraiment pas ce que j'avais fait. Je passais tout mon temps à espérer que les autres soient sains et saufs, à me poser des questions parce que je ne comprenais rien, je ne voyais ce qu'il y avait de courageux là dedans. Après un silence, elle me demanda:
- Tu crois que Maître Fahey est encore en vie?
- Bien sûr qu'il l'est. Il doit sûrement être enfermé avec Maître Gloderhel.
- Tu sais, quand j'étais emprisonné, j'avais entendu ces deux hommes parlés de vieux, et de mort. Au début, je croyais qu'ils parlés du mage Gloderhel, mais après, quand vous m'avez appris pour Maître Fahey, je me suis dit que peut-être, c'était lui.
Avant que je ne puisse prononcer un mot, Craig dit:
- Tu as sûrement mal entendu.
- Non, j'étais sûr que.....
- Je ressens encore leurs deux auras. Impossible qu'ils soient morts.
- Ah!! Tant mieux.
- Mais il y a quelque chose d'étrange.
- Quoi donc?
- Je ressens aussi les auras d'autres personnes, qui sont mortes.
Joséphine devint pâle comme un linge.
- Des...... personnes....mortes?
- Tu veux dire qu'elles sont revenues à la vie?
- Oui, mais pas exactement.
- Comment ça?
- Ils ne sont pas comme nous tous, ils ont leur première apparence, seulement leur âme a été dévorée en entier. Ce sont surtout ceux qui ont été tués par Edgar.
Joséphine lui demanda:
- Et tu sens une aura tout près d'ici?
- Oui, et cette personne, je la connaissais.
- Ah bon, qui?
Il se tourna vers moi et me dit:
- Ta mère.
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