Chapitre Seize - Celui qui partait sauver sa sœur

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Je n’avais pas envie de laisser ma Mustang pour une durée indéterminée au parking de l’aéroport, et comme Ari avait dû partir sur son enquête, j’ai demandé à Vince s’il voulait bien m’accompagner. Nous étions donc en route vers le LAX, coincés dans les sempiternels bouchons de la 405. À croire que tous les Angelenos avaient décidé de quitter la Ville des Anges avec moi. La vieille Dodge Charger de Vince — qu’il surnommait affectueusement «Gwendoline» — sentait le cuir surchauffé par le soleil. La paire de dés énormes qui pendait au rétroviseur dansait mollement au rythme de la circulation. Il faisait tellement chaud que je sentais les gouttes de sueur perler le long de mon dos, sous ma chemise. On était encore le matin, j’avais pris ma douche une heure avant, et je ne me sentais déjà plus très frais pour prendre l’avion. Je déteste ça. J’aime me sentir frais, nickel. En plus de ça, j’étais toujours frustré de ne pas avoir eu le temps de dire au revoir à Ari… convenablement. Elle me manquait déjà et je ne savais pas exactement à quoi m’attendre avec ma soeur, si je serais vite revenu, ou pas. Je ne savais pas quand j’allais revoir ma femme. Ni qui appartenait cette voix chaude et virile que j’avais entendue au téléphone. Et ça me foutait en rogne.

Vince l’a remarqué. Il m’a demandé ce qui clochait.

— Rien, ai-je marmonné. Je suis inquiet pour ma soeur… Et puis… Je ne sais pas. Tu as été au poste de police, dernièrement ?

— Heu… Ouais. ya deux jours. J’avais un tuyau à donner à un ancien collègue… Pourquoi ?

— Tu as vu Ari ? Tu sais si elle a un nouveau coéquipier ?

— Ari ? Nan… Mec, de toute façon, tu le saurais… Mais pourquoi tu me poses cette question ?

— Je sais pas… Elle a reçu un appel ce matin. J’entends toujours un tout petit peu le timbre de voix de son correspondant. D’habitude, c’est soit Tabitha, soit quelqu’un du central. Mais là, je n’ai pas reconnu la voix. C’était un mec qui parlait, et il semblait connaître ma femme…

Vince m’a regardé, puis il a reporté son attention en haussant les épaules.

— Bah, arrête de te faire des films. C’est sans doute un nouvel inspecteur, ou un gars du labo…

Je n’ai rien répondu. Peut-être n’était-ce rien. Peut-être que je me faisais des films. J’avais une entière confiance en ma femme, mais mon expérience passée m’a appris à me méfier. Je me suis senti ridicule. Ari m’a prouvé plus d’une fois que je pouvais lui faire confiance.

Une vingtaine de minutes plus tard, j’étais en train d’attendre mon tour au poste de sécurité, mon billet, mon passeport et ma carte d’identité en main. Il y avait une bonne quinzaine de personnes devant moi. J’ai laissé errer mon regard parmi les passagers, qui attendaient en rangs d’oignons de se faire palper par un agent de sécurité gras et gavé par son boulot. Le bonhomme effectuait sa besogne comme un robot, avec l’expression d’une bouteille de lait caillé sur le visage. Derrière le bureau, deux autres agents scrutaient les voyageurs, à la recherche d’un espion ou d’un trafiquant d'organes, que sais-je ? Mon regard s’est arrêté sur un type, la quarantaine, lunettes, costume fadasse, qui me regardait un peu trop intensément. Quand nos regards se sont croisés, il s’est empressé de regarder ailleurs, faisant subitement mine de s'intéresser à ses chaussures. Pourquoi me reluquait-il comme ça ? Est-ce qu’il me surveillait, à moins qu’il soit tombé sous mon charme irrésistible ? J’ai décidé de ne pas lui donner de faux espoirs et j’ai continué ma longue et lente progression vers l’Agent Lait Caillé.

Quand finalement je me suis assis à bord de l’American Airlines à destination de Heathrow, Londres, j’ai remarqué que le gars qui me matait était assis juste deux rangs derrière moi. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a agacé. J’ai déjà eu affaire à ce genre de mec et d’habitude, je n’y prête pas attention. Mais là, je ne sais pas. Le mec n’était pas net. J’ai essayé de me détendre, me disant que le voyage allait être long. J’ai sorti le dernier Harlan Coben (j’adore cet écrivain) et je me suis calé dans mon siège, cherchant une position confortable. Une dame âgée est venue s'asseoir à côté de moi, très charmante et, heureusement, pas très bavarde. L’avion à décollé et j’ai regardé s’éloigner Los Angeles, ses plages, Venice, Malibu, Hollywood, Pacific Palissades, encore défigurée par les incendies, et au loin, les crêtes dorées des montagnes de Santa Monica, baignées dans une brume de chaleur. Dans quelques heures, j’allais retrouver ma terre natale, son crachin, son ciel gris, ma chère Angleterre que j’adore. Mais surtout, surtout, je courais au secours de Liv, mi hermana*. Avec Ari, elle était la seule famille qu'il me restait.


* "ma soeur".

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