Chapitre Dix-Sept - Ceux qui allaient visiter la Grosse Pomme
Ari regarda l’avion qui venait de décoller du LAX en se demandant si son mari était à bord. Elle regrettait de ne pas avoir pu l’accompagner. Cette foutue enquête mettait de la distance entre eux, et elle détestait ça. Jake avait toujours bien compris qu’elle était tenue au secret concernant certaines enquêtes. Il avait toujours respecté ça. Mais cette affaire la forçait à être sur la réserve, à faire plus attention à ce qu’elle lui disait, et même à mentir par omission. Elle décida que, dès que possible, elle se retirerait de cette enquête. Quelque chose lui hurlait que ce dossier puait le danger. Ici, on ne parlait pas simplement d’un tueur. On parlait de société secrète, de complots politiques, d’espionnage. Tout ça était trop grand, trop compliqué pour elle. Ce n’était pas pour ça qu’elle avait choisi ce métier. Elle avait l’impression d’avoir été embarquée de force dans tout ceci. Pour la première fois de sa carrière, Ari Johnson se sentait piégée.
Elle fut sortie de ses pensées par le steward qui lui demandait son billet. Derrière elle, l’agent Pendleton la suivait. Leur avion pour New-York allait décoller dans quelques minutes.
— Tout va bien, inspecteur ? demanda Percy.
— Cette enquête me rend nerveuse. Elle m’oblige à faire des choses que je déteste. Comme cacher à mon mari que je prends l’avion pour l’autre bout des Etats-Unis…
Percival baissa les yeux, semblant réfléchir à ce qu’il allait répondre.
— Je ne vais pas dire que je vous comprends… Je chéris mon célibat. Mais je peux vous encourager à ne pas vous sentir coupable. Nous faisons cela pour le bien du plus grand nombre. Les enjeux sont énormes. Si notre enquête aboutit, des milliers de vies seront sauvées. Vous serez une héroïne, ne perdez pas ça de vue.
Ari pointa son regard dans celui de l’agent. Il avait les yeux d’un noir si profond qu’ils en étaient troublant. Et ce reflet brun-rouge mettait mal à l’aise quiconque avait quelque chose à cacher. Mais Ari le fixait, imperturbable.
— Je ne veux pas être une héroïne, agent Pendleton. Je veux juste être une bonne épouse.
— J’ai un peu de mal à vous imaginer dans une cuisine, attendant sagement que monsieur rentre du travail pour lui apporter ses pantoufles et son Martini.
— C’est bien le problème. Vous n’imaginez pas une seconde que le rôle de la femme dépasse le seuil de la cuisine.
— Oh… Non, vous ne pouvez pas dire ça. Je vous ai voulue sur cette enquête. Vos exploits ont attiré mon attention et je suis certain que vous serez un atout majeur.
— Je suis honorée, répondit-elle, le visage sans expression, avant de se retourner.
Percy regarda ses pieds en se raclant la gorge. Le voyage promettait d’être rock and roll.
Une fois dans l’avion, comme Ari s’était murée dans le silence, Percy décida de revoir le dossier de l’affaire. L’identité des deux victimes avait été établie et il était clair que les membres survivants du groupe Tarantula étaient ciblés par quelqu’un. Pourquoi ? Lors de l’autopsie de Pettigrew, la première victime, on avait trouvé des traces de brûlures sur les bras, des contusions sur les flancs et des traces d’étranglement — pétéchies dans les yeux, sur les paupières, les joues, la langue gonflée, abrasions dans le cou et l’os hyoïde fracturé — signes qu’on l’avait torturé, étranglé lentement. Cela semblait confirmer l'hypothèse que le tueur cherchait à obtenir quelque chose, des informations peut-être. Certainement, pensa Percival, qu’il cherchait ce fameux microfilm. Ce petit bout de technologie du passé qui recelait tellement de secrets sur le gouvernement Britannique. Des archives tellement précieuses… Il avait disparu lors de troubles survenus au sein du groupe Tarantula. Des rumeurs disant qu’il y avait une taupe au sein de l’équipe commençaient à poindre et des dissensions apparurent. Plusieurs membres furent tués en mission et parfois dans des circonstances bizarres. Des accidents malheureux, un tireur embusqué, une mine qu’on croyait désamorcée et qui explose tout à coup… Il y a même eu des missions secrètes, visant à démanteler des groupes terroristes, qui ont lamentablement échoué. Les terroristes étaient au courant de ces attaques, et ils étaient fin prêts.
Ce fut à ce moment que le glas des Tarantulas fut sonné. En quelques mois, le gouvernement décida qu’il fallait mettre fin à leurs activités. Tous les membres furent surveillés, une enquête poussée sur chacun d’eux fût lancée. Car il était clair que l’un d’entre eux, au moins, détenait le microfilm. Le traître se trouvait bel et bien parmi eux.
Percival posa les yeux sur une liste de noms. Les noms des derniers Tarantulas, dont certains étaient barrés, signifiant qu’ils étaient morts. John Brisbane (barré), Alistair McCrowdt, James Close, Charles Jeffreys (barré), Jasper Kane, William Turner (barré), …
William Turner… Turner. Percy regarda discrètement sur sa gauche. Ari s’était endormie. Il décida de sortir cette liste du dossier et de la garder précieusement dans sa poche.
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