Chapitre Dix-Huit - Celui qui tombait dans un traquenard
J’ai ouvert les yeux subitement, réveillé par mon propre ronflement. La cabine de l’avion était plongée dans la pénombre. J’espérais que personne ne m’avait entendu, mais la petite vieille à côté de moi me regardait avec un air facétieux. Je lui ai souri poliment avant de me tourner vers le hublot, encore étourdi par un sommeil sans rêves. Sous nos pieds, les plaines anglaises avaient remplacé l’océan, signe que nous allions bientôt atterrir. Ces chères étendues d’herbes, parsemées d’arbres et de troupeaux de moutons, ont réveillé le jeune Jacob Turner enfoui quelque part sous les années et les cicatrices. J’étais content de revoir ma terre natale. Mais j’avais aussi l’estomac noué, partagé entre la joie de retrouver ma sœur et une inquiétude latente. Qui s’en était pris à elle ? Et surtout, pourquoi ? Pourquoi saccager sa maison, si ce n’était pour voler les objets de valeur ?
Quand l’avion a atterri sur la piste trempée de bruine de Heathrow, il était sept heures du matin, heure locale. Un soleil timide tentait par moments une incursion à travers les nuages, illuminant les champs détrempés d’une lumière jaunâtre, presque artificielle, comme un filtre à la con sur Instagram. Nous sommes descendus en file indienne et je me suis dirigé vers le terminal.
J’avais franchi le poste de sécurité et marché quelques mètres quand un agent en uniforme est venu me trouver, me disant qu’il y avait eu un problème avec mes bagages et me demandant de le suivre. J’ai demandé des explications, mais il m’a répondu que tout allait s’arranger, qu’il fallait juste que je le suive. Nous avons parcouru un long couloir désert. Je me suis demandé pourquoi il ne m’emmenait pas plutôt dans les bureaux de la compagnie. Il a ouvert une porte sur la gauche, débouchant dans une pièce aveugle, éclairée par un néon grésillant et contenant juste une table et deux chaises. J’ai suivi l’homme dans la pièce avec une impression de danger imminent. Quelque chose clochait. L’agent a regardé au-dessus de mon épaule. Je me suis retourné et monsieur costume fadasse se trouvait là, juste derrière moi. Il me décocha un coup de poing si violemment que j’ai perdu l’équilibre, trébuchant contre une chaise et s'effondrant sur le sol. Il referma la porte avec un regard mauvais, et l’autre agent se rapprocha de moi en dégainant une matraque. Encore groggy par le gnon que je venais de recevoir, j’ai essayé de me relever en me demandant que me valait un tel accueil. J’ai vu l’homme en uniforme lever sa matraque, prêt à frapper. J’ai roulé sur le côté, juste à temps. La matraque a sifflé dans le vide. L’autre a bondi et est venu se mettre à califourchon sur moi. Il a commencé à m’étrangler. Je me débattais, mais il était d’une force surprenante pour son petit gabarit. Il a rapproché son visage du mien et a soufflé : « Je ne te demanderai qu’une fois. Où est le microfilm ? ». Je l’ai regardé, ne comprenant pas de quoi il parlait. Je commençais à manquer d’air, la panique me gagnait. Je n’allais plus tenir longtemps. Mon cœur s’est emballé et m’a vue s’est brouillée. Je songeai à tenter le tout pour le tout en balançant des coups de pieds, quand soudain, la porte s’est ouverte violemment. Un homme, grand, une casquette enfoncée sur la tête, muni de lunettes de soleil a surgi dans la pièce, déstabilisant mes assaillants. J’étais à moitié dans les vapes, donc je n’ai pas vu son visage. Il a fermé la porte et a éteint la lumière. Je me suis mis en boule, m’attendant à être passé à tabac. J'ai entendu des bruits de lutte, des coups, des cris brefs et étouffés. Puis le silence. Un silence assourdissant. Moi, je suis resté recroquevillé. Franchement, j’ai beau savoir me battre, là, je ne faisais pas le fier. J’ai entendu des pas s’approcher de moi. Des mains m’ont saisi, m’aidant à me relever. Puis une voix m’a chuchoté : « Ne t’inquiète pas, tout va bien. Respire. Sors d’ici et va t'en sans te retourner. Je m’occupe de tout.». La porte s’est ouverte sur le couloir aveuglant, mon sauveur m’a poussé hors de la pièce et la porte s’est refermée.
Je n’ai pas demandé mon reste. Je suis parti. J’ai fui, me demandant ce qui venait de se passer. Qui étaient ces gens ? De quel microfilm parlaient-ils ?
Et surtout, qui était cet homme qui venait de me sauver, et dont la voix m’était trop familière ?
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