Chapitre Vingt - Ceux qui voulaient rencontrer l’araignée sympa du quartier

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C’était la première fois qu’Ari se rendait à New-York. Percy et elle avaient décollé à onze heures du matin à Los Angeles et maintenant, un peu plus de cinq heures plus tard, leur avion atterrissait enfin à JFK. Avec le décalage horaire, il était un peu plus de dix-neuf heures trente, et Ari avait l’impression d’avoir perdu une partie de sa vie dans cet avion.

Elle observa Percival à côté d’elle, plongé dans le dossier de l’affaire. Même après ce voyage, il avait toujours l’air aussi nickel et parfait. Un vrai savon, pensa-t-elle. Elle préférait largement la rugosité de Jake. Ses cicatrices, ses mains calleuses, ses muscles, ses rides, sa voix rauque, ses joues râpeuses et son caractère d’ours mal léché. Il pouvait parfois être vraiment grognon, mais c’était un homme vrai, généreux, courageux et sincère. Et cela suffisait largement à faire son bonheur.

A peine descendue de l’avion, elle se prit la réalité new-yorkaise de plein fouet. L'aéroport était bondé, bruyant, grouillant, vivant. Il y avait tant de monde qu’ils marchaient au pas. La lumière crue des néons, les annonces résonnant contre les murs couverts d’affiches publicitaires, le vacarme d’une multitude de voix en une multitude de langues, tout semblait contribuer à ce qu’Ari ait l’impression d’étouffer. Elle était bien loin de sa chère Californie, avec ses plages, ses vignobles, ses montagnes et l’horizontalité de ses villes. Ici, Ari avait l’impression que l’air était plus lourd, impression accentuée par l’odeur de kérosène mêlée à celle des hot-dogs. Son sac en bandoulière, tellement lourd, lui cisaillait l’épaule et se balançait à la cadence de son pas pressé. Percy, devant elle, semblait habitué à ce brouhaha étouffant et se frayait un chemin parmi la foule avec la grâce d’un pur-sang. Elle le suivit avec peine jusqu’à l’Air Train, qui les conduisit jusqu’à la Federal Circle Station. Sur place, Percy entra dans une enseigne réputée pour les voitures de location haut de gamme et se dirigea tout droit vers l’accueil, derrière lequel se trouvait une jeune employée, brune, grands yeux verts ourlés de longs cils. Aussi jolie qu’un mannequin en couverture de Cosmo. Elle papillonna des yeux en le voyant arriver, apparemment troublée par le magnétisme et la beauté cinématographique de l’homme devant elle.

— Bonjour, vous, ronronna Percival. Nous avons besoin d’une voiture. Rapide et confortable. Que pouvez-vous me proposer ?

Miss Cosmo lui montra un catalogue contenant les véhicules disponibles. Il ne fallut pas longtemps pour que Percy arrête son choix, pointant son doigt sur l’une des pages. La jeune employée tapota sur son ordinateur, annonça un prix exorbitant, ce à quoi Percy répondit en décochant une carte dorée. Ari était abasourdie par la scène qui se déroulait devant elle, et le calme avec lequel Percy avait sorti cette carte en entendant la somme scandaleuse qu’on lui demandait.

— Mais qu’avez-vous choisi comme voiture !? demanda-t-elle, pensant au budget serré habituellement alloué aux missions externes.

Percy la regarda par-dessus son épaule, l’air suffisant.

— Ne vous inquiétez pas pour ça. Le MI6 couvrira toutes nos dépenses pour cette mission.

La jeune employée leur remit les clés et les invita à la suivre vers le parking. Les véhicules y étaient alignés et brillaient sous le soleil couchant. Ils se dirigèrent vers une berline sombre à l’allure féline. L’employée les quitta en leur souhaitant la bienvenue à New-York. Percy admira le bolide et se retourna vers Ari, plein de fierté.

— Une Jaguar XF. Vous faites de bonnes bagnoles, vous, les Américains. Mais pour ce qui est du confort et de la puissance, croyez-moi, rien ne vaut le savoir-faire anglais.

— Mouais, rétorqua Ari, pensant à la voiture de Jake. Je préfère les chevaux sauvages aux petits chats. Pour moi, votre Jaguar n’arrive pas à la cheville d’une bonne vieille Mustang

Si Percy fut vexé par la réplique de sa coéquipière, il n’en montra rien. Il se contenta de pousser un petit rire et d’ouvrir le coffre de la Jaguar. Il aida Ari à y mettre son sac et lui ouvrit même la portière avec un petit sourire en coin. Elle roula des yeux et monta dans la voiture.

Ils prirent la Van Wyck Expressway vers le Queens. À cette heure, les artères étaient encore encombrées. Ari commençait à désespérer d’enfin arriver à destination et elle ne se sentait pas prête à subir des embouteillages. Percy avait l’air nerveux aussi.

Il expliqua qu’il voulait arriver au plus tôt pour établir un contact avec Alistair McCrowdt, l’ ancien membre des Tarantulas qui se cachait à New York.

Il leur fallut presque un quart d’heure pour arriver au Queens Midtown Tunnel qui les conduirait vers leur destination : Manhattan, et l’hôtel Warwick, à proximité du MoMA et de Central Park. Ari eut le vertige en regardant les hautes tours du centre-ville. New-York semblait vouloir lui montrer à quel point elle était vivante, active, telle une ruche en ébullition, avec ses armées de Yellow Cabs, de voitures, de cyclistes et beaucoup, beaucoup de passants, qui évoluaient parmi les enseignes lumineuses et les gratte-ciels.

Après un long — très long — moment, ils arrivèrent enfin devant le Warwick, avec sa façade qui ressemblait à l’entrée d’un théâtre majestueux. Ari et Percival descendirent de la voiture, la laissant au voiturier. Ils entrèrent dans l’hôtel et Ari ralentit le pas, émerveillée par l’architecture magnifique de l’établissement. Elle suivit Percy qui se dirigeait vers la réception. Un homme était en train de s’adresser à la jeune dame derrière son ordinateur.

— Bonjour. Myron Bolitar, chambre 2451. Vous avez des messages pour moi ?

Ari regarda l’homme. Il lui fit penser à Jake, en plus grand. Une allure athlétique, une assurance naturelle. Sa voix, chaude et profonde, vibrait encore à ses oreilles. Elle se demanda ce que son mari faisait à cet instant. Il lui manquait terriblement. Une fois sa demande terminée, l’homme se retourna, croisa son regard, et lui adressa un signe de tête poli avant de quitter l’hôtel d’un pas rapide. Percy le suivit des yeux et chuchota à l’oreille de Johnson :

— Donc, vous êtes attirée par ce genre de mec, grand et costaud ?

Elle le toisa, agacée par sa remarque.

— Et si vous vous occupiez de nos chambres avec votre carte magique ?

Une bonne demi-heure plus tard, l’agent Pendleton et l’inspecteur Johnson arrivaient dans le quartier de Red Hook, à Brooklyn. Des bâtiments industriels reconvertis en appartements et en lofts, des restaurants, des boutiques et des ateliers d’artistes, à proximité des docks… Voilà dans quel environnement vivait Alistair McCrowdt. Ils s’arrêtèrent au 205, Conover Street, une petite maison juste en face d’une fresque que Ari trouva dérangeante. Bien qu’elle soit magnifique, le visage grimaçant de l’homme jouant du piano et les yeux vides de la femme assise dans un fauteuil la mettaient mal à l’aise.

Percy frappa à la porte. Aucune réponse. Il frappa, plus fort. Toujours rien.

Et puis, déchirant l’air frais du soir, un cri retentit de l’autre côté du panneau de bois.

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