Chapitre Vingt-Quatre - Celle qui signait un contrat

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Ari regarda le téléphone dans sa main comme si elle craignait qu’il explose d’une seconde à l’autre. Elle venait d’ignorer l’appel de Vince. L’avait-elle fait volontairement ? Elle n’en était même pas sûre. Pourquoi l’avait-il appelée ? D’habitude, il contactait Jake directement. Était-il arrivé quelque chose à son mari ? Elle essaya de se rassurer en se disant que si c’était le cas, Vince aurait laissé un message. Elle voulut appeler Jake sur le champ, juste pour s’assurer qu’il allait bien. Mais elle était comme paralysée. Vince l’avait certainement contacté juste après elle. Il allait poser des questions. Elle n’arriverait plus à lui mentir, lui cacher la vérité. Elle prit la décision de lui parler mais fut coupée dans son élan par des coups à sa porte. C’était Percival.

— J’ai appelé mes responsables, dit-il en entrant sans attendre qu’elle l’y invite. Ils m’ont autorisé à vous en dire un peu plus. Mais vous devrez signer ceci.

Il lui tendit des documents. Trois pages, recto verso, remplies de jargon juridique, lui interdisant de communiquer le moindre détail de l’affaire avec quelqu’un de non autorisé (sous entendu : personne, à part Percy, Tabitha Demoor, le chef Williams et le Directeur Waltman, du FBI), sous peine de poursuites pénales. Toute infraction entraînerait une peine pouvant aller jusqu’à vingt ans de prison dans une prison fédérale, sans appel. Ari prit le stylo que l’agent anglais lui tendait. Elle hésita un moment. Si elle signait ce contrat, elle serait coupée du monde. De Jake. Pour combien de temps ? Est-ce que cette enquête en valait la peine ? Puis elle réfléchit à la raison pour laquelle elle faisait ce métier. Protéger et servir, le credo de la police, n’était pas simplement une belle phrase en lettres dorées sur son badge. Elle voulait protéger les gens de tueurs comme celui qu’elle pourchassait aujourd’hui. Même s’il s’en prenait à des hommes qui avaient commis des actes terribles dans le passé. Ils restaient des êtres humains. Et chaque vie est sacrée. Elle signa donc le document, espérant que ce n’était pas, en fait, un contrat avec le diable.

Une fois le document signé, Percy le reprit et s’assit sur un petit fauteuil. Il avait l’air soulagé. Comme si grâce à cette signature, Ari faisait maintenant partie de son club privé, et qu’il pouvait maintenant parler avec elle d’égal à égal.

— Ok, commença-t-il. Le moment est venu de vous mettre dans la confidence. je crois que pour commencer, le plus simple est que vous me posiez les questions qui vous tracassent.

Ari réfléchit à la première chose qu’elle voulait savoir. Il y avait tellement de zones d’ombres sur lesquelles elle voulait des réponses. Elle décida de ne pas ménager Percy. Elle venait de mettre sa liberté en péril en signant ce contrat. Alors elle attaqua avec ce qui, elle le savait, serait le plus sensible à révéler pour l'agent. Une sorte de petite vengeance personnelle.

— Qu’est-ce qu’il y a sur ce microfilm ?

Il la fixa de ses yeux brun-rouge. C’était LA question qu’il espérait ne pas entendre ce soir. Il soupira et baissa les armes.

— Vous commencez fort… Ok. Ce microfilm est… la principale raison de ma présence ici. Il fait partie des archives nationales classées top secrètes. Il s’y trouve des informations très détaillées sur les systèmes de défense anglais, sur les différents groupes armés comme les Tarantulas, avec le pédigrée complet de chaque agent. Il y a aussi des plans détaillés de complexes secrets, des lieux stratégiques dans différents pays. Mais surtout, il contient les plans et caractéristiques techniques d’un prototype d’arme nucléaire à très longue portée, le “Jugement Dernier”, pour les intimes. Nos équipes scientifiques travaillaient dessus depuis les années septante. Alors, certes, depuis le temps, la technologie a bien avancé. Mais en associant la technologie moderne d’autoguidage, et même une intelligence artificielle, le ”Jugement Dernier” serait capable de rayer des continents entiers de la carte.

— Le “Jugement Dernier” ? Wow, vous aimez bien tremper dans le dramatique…

— Ce n’est pas son nom officiel, évidemment. Au début, nos gars l’appelaient comme ça en plaisantant. Mais aujourd’hui, on a plus envie de rire. Parce qu’une fois enclenchée, il n’y a plus de retour en arrière.

Ari resta silencieuse un moment, jaugeant la crédibilité des informations qu’elle venait d’entendre.

— Si je comprends bien, continua-t-elle, votre but premier n’est pas d’enquêter sur la mort de ces hommes, ou même de les protéger. Vous devez récupérer ce microfilm.

— À tout prix, répondit-il sans hésiter. Quand je vous disais que nous voulons éviter une troisième guerre mondiale, c’est un euphémisme.

Ari se sentit prise de vertiges. Elle avait la confirmation d’avoir mis les pieds dans quelque chose de trop grand pour elle. Elle se massa les tempes, tentant de se concentrer.

— Et que vient faire William Turner dans tout ça ? lâcha-t-elle subitement.

— Il faisait bien partie du groupe Tarantula. Personne dans sa famille ou son entourage n’était au courant. C’était un de nos meilleurs agents. Loyal, rapide, efficace. Il n’avait pas peur de se salir les mains. De plus, c’était un tireur d’élite. Il pouvait toucher une cible de la taille d’ une pomme, placée à plusieurs centaines de mètres. Et puis lors d’une mission en Espagne, il a rencontré celle qu’il allait épouser. À partir de ce moment-là, il n’a plus été le même. Cette femme l’a… adoucit. Elle lui a donné une raison de vivre, quelqu’un à protéger. C’était comme si on avait donné un cœur à un robot. Il se sentait moins impliqué dans ses missions. Plus réticent à tuer. Ça a empiré quand ses enfants sont nés. Pour finir, il a demandé à ne plus être sur des missions internationales. Sous couvert d’un poste de comptable, il était notre contact privilégié pour l’Angleterre.

— Est-ce que… hésita Ari, est-ce qu’il tuait encore à cette époque ?

Percival la regarda pensivement. Puis il répondit, d’un air entendu :

— Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais il y a eu l’assassinat de cet oligarque russe, à Londres, en quatre-vingt huit. Ca avait fait la une des journaux, car personne n’a jamais compris qui avait fait le coup. C’était lui. Un véritable ninja, un tueur de l’ombre, insaisissable. Par ce geste, il a réussi à éviter la transmission d’informations secrètes à l’Est.

Ari était secouée par cette nouvelle. Le père de Jake, un agent d’élite ? Un mercenaire ? Si son mari venait à l’apprendre, comment réagirait-il ? Lui qui avait déjà eu une relation compliquée avec son père, il se sentait toujours coupable de ne pas avoir fait la paix avec lui avant sa mort. Et Liv ? Elle en avait tellement bavé. Elle n’avait pas besoin de ça. Percival comprit que la femme devant lui était troublée.

— Vous savez, reprit-il, pour ce que ça vaut… J’ai entendu parler de lui à plusieurs reprises. C’est vrai, il a caché cette partie de sa vie à sa famille. Mais il voulait juste les protéger. C’est un prix qu’il a dû payer.

— Est-il concerné par la disparition de ce microfilm ?

— Il a été soupçonné un moment, comme tous les autres membres du groupe, d’ailleurs. Mais nous n’avons trouvé aucune preuve, aucune piste, qui aurait pu vérifier cette hypothèse.

— Alors pourquoi McCrowdt pensait-il que c’était Turner qui cherchait à le tuer ?

Pendleton eut l’air agacé. Ari ne se satisfaisait pas de ses réponses toute faites. Elle était plus maligne qu’il ne l’avait cru au départ.

— Pendant un moment, lors des dissensions dans le groupe, une rumeur circulait que c’était lui, la taupe. Rien ne permettait d'affirmer ou d’infirmer cette accusation. Nous ne savons même pas avec certitude qui l’a lancée au départ. Et il est mort avant que la lumière soit faite sur toute cette histoire. Encore aujourd’hui, nous n’avons aucune certitude.

— Donc… Je récapitule : d’un côté, vous me dites que William Turner était un agent exemplaire, efficace, apprécié. De l’autre, vous me dépeignez un agent trouble, sur lequel pèsent des soupçons, mais qui a disparu avant que la preuve de son innocence soit faite…

— C’est exactement pour cette raison que je vous demande de ne rien révéler à votre mari. S’il s’avère finalement que Turner soit responsable de la disparition du microfilm, ce serait l’enfer qui s'abatterait sur sa famille. Moins votre mari en saura, mieux ce sera.

Ari sentit son coeur cogner furieusement dans sa poitrine. Elle pouvait presque sentir le poids de la menace qui pesait sur l’homme qu’elle aimait et sa sœur.

Soudain, la sonnerie de son téléphone la fit sursauter. C’était justement Jake. Elle regarda Pendleton, puis son téléphone.

Elle décida de ne pas décrocher.

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