Chapitre Vingt-Six - Celui qui tuait les araignées

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Tapi dans l’ombre, l’homme en noir observait sa cible. Le vol depuis Los Angeles l’avait vidé, mais il n’avait pas le luxe d’être fatigué. Évidemment, l’Anglais avait tout payé, comme toujours. Le billet d’avion en première classe, la chambre d’hôtel, et un petit extra pour toutes les dépenses. L’Anglais avait beaucoup de ressources.

Il repensa à leur première rencontre. À cette époque-là, il portait un autre nom. Fargo. Fargo Wolfheart. Et il était perdu. Sa mère était morte depuis des années, et il venait d’apprendre que son père n’était qu’un traître. Un traître responsable de la mort de tellement de gens. Un traître de Tarantula.

L’Anglais l’avait contacté sur le forum qu’il fréquentait depuis un moment. Un espace protégé dans les recoins du dark web, rassemblant toutes sortes de personnes révoltées par les crimes perpétrés par les gouvernements, sous prétexte de « bien commun ». Fargo avait posté son témoignage, racontant comment un groupe secret armé, appelé « Groupe Tarantula », avait décimé tout un village, le village de sa mère, sous prétexte qu’il s’y cachait un ennemi de leur nation. Le lendemain, L’Anglais lui avait envoyé un message privé. Il lui avouait avoir fait défection du groupe Tarantula. Il avait connu son père et lui confia qu’il était l’un des pires à avoir participé au massacre. Il n’avait plus supporté les actes ignobles qu’on lui ordonnait de commettre. Il lui disait que les Tarantulas étaient un véritable cancer contre la paix mondiale. Il fallait les éliminer. Lui était bien trop vieux pour s’en charger, mais il proposait à Fargo de faire partie de son équipe de justiciers. Avec d’autres recrues, il serait son bras armé. Pour la paix. Pour la justice. Pour la vengeance.

Ce discours fit résonner quelque chose de profondément enfoui dans le cœur de Fargo. Son arrière-grand-père, Loup Qui Voit, était un chef de tribu. C’était un grand guerrier, mais il avait vu son peuple massacré et traité en esclave. Malgré cela, le courage et la hargne au combat persistaient dans sa famille. Le sang du loup coulait dans les veines de Fargo.

L’Anglais l’avait mis en contact avec un de ses agents, qui se faisait appeler « Clay ». L’homme ne parlait jamais de lui. Il avait des yeux gris, sans lumière, comme s’il avait tout oublié pour mieux tuer. Pendant plus d’un an, Clay lui apprit les techniques de combat et de furtivité. Il fut forgé pour devenir un soldat vengeur. Plus le temps passait, plus sa détermination à exterminer ses ennemis se renforçait.

La Lune du Cerf brillait dans le ciel, tel un disque d’or sur l’océan céleste. Il se rappela de ces soirées où sa maman lui expliquait que dans leur culture, chaque pleine lune portait un nom. La Lune des Glaces en janvier, la Lune des Fleurs en mai ou la Lune des Moissons en septembre. En regardant l’astre nocturne, il se dit que comme les cerfs dont les bois repoussent en juillet, il était en train de retrouver des forces, d’avoir de nouveaux bois. Ses ennemis mourraient les uns après les autres, ces hommes qui avaient détruit son village, qui avaient provoqué tant de morts parmi son peuple. Plus il tuait de Tarantulas, plus il se sentait revivre, plus il se sentait puissant. Bientôt, il serait indestructible. Il aurait assez de force pour tuer son dernier ennemi. Son propre père.

Mais pour le moment, il devait s’occuper d’ un autre Tarantula. Il avait eu du mal à le retrouver. Heureusement que l’Anglais avait eu un tuyau. Alistair McCrowdt avait été emmené dans ce motel minable. Ce fumier était protégé. Deux gorilles montaient la garde devant sa porte. Soit. Eux aussi allaient succomber dans le feu de sa vengeance.

Le motel — arborant la prétentieuse enseigne du « Dream Palace » — était un bâtiment défraîchi en forme de U, à un étage, avec les chambres donnant sur une galerie extérieure rouillée. Par chance, la chambre d’Alistair McCrowdt se trouvait au rez-de-chaussée, ce qui faciliterait une approche en toute discrétion. L’assassin était posté dans l’ombre opaque de fourrés, quand le moment qu’il attendait arriva enfin.

Dans ce genre de situation, où des personnes gardent un accès, il y en a toujours un qui quitte son poste pour une raison ou une autre. Apparemment, le plus gros des deux avait envie de pisser. Fargo se faufila sans bruit jusqu’à arriver derrière l’agent restant, qui tirait nonchalamment sur sa cigarette. Il surgit sans bruit, plaquant sa main sur le visage de l’homme pour l’empêcher de crier et lui enfonça son couteau dans la jugulaire. La lame entra comme dans du beurre, alors que le gorille s’agitait comme un pantin désarticulé. Un jet de sang sombre s’échappa de la blessure, et l’homme tomba lourdement, inerte. Lorsque l’autre gorille revint, tout ce qu’il vit était le corps sans vie de son collègue baignant dans une mare de sang, avant de sentir une morsure glacée lui transpercer la gorge.

La voie était libre, et il n’y avait plus qu’un panneau de bois séparant l’ombre de sa proie. Fargo frappa simplement à la porte. Et quand McCrowdt ouvrit, il vit le visage de la mort, maculé de sang, lui sourire de toutes ses dents.

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