Chapitre Trente : Celui qui était déchiré

4 minutes de lecture

Assis sur le rebord de la baignoire, Percy fixait le mur le séparant de la scène de crime. Le silence dans la pièce était assourdissant, mais l’odeur métallique du sang et la tension dans l’air donnaient une atmosphère de tombe ouverte. Malgré la chaleur étouffante qui régnait, Percival eut un frisson. Il essayait de comprendre ce qui venait de se passer. Quelques minutes plus tôt, il se faisait remonter les bretelles par le chef de la Police de New-York, Andy Bracks, et le directeur du FBI. Ils estimaient que Pendleton et le MI6 devaient endosser la responsabilité du fiasco sanglant qui s’étalait dans la pièce voisine. Selon la procédure exigée dans ce genre de situation, il avait alors appelé John Flanagan, son supérieur hiérarchique au MI6. Après lui avoir expliqué la situation, Flanagan avait demandé à parler au Directeur Waltman. Le directeur du FBI avait empoigné le téléphone d’un air exaspéré, prêt à en découdre avec son homologue anglais. Mais à mesure que les secondes s’égrènaient, Waltman s’était calmé, tut, rabougri, avant de s’excuser humblement et de rendre le combiné à l’agent anglais. Il sortit finalement de la pièce, suivi par Bracks, qui n’y comprenait plus rien. Percy, impressionné, interrogea son supérieur.

— Mais qu’est-ce que vous lui avez dit ?

— Ne vous occupez pas de cela, agent Pendleton, répondit Flanagan d’une voix posée. J’ai heureusement quelques arguments de poids face à ce genre d’individu. Bon. Faites-moi un topo.

— Et bien, je ne comprends pas comment il fait pour nous précéder à chaque fois. J’avais pris toutes les précautions nécessaires, la cible était sécurisée dans un lieu tenu secret, protégé par deux agents expérimentés. Le tueur n’en a fait qu’une bouchée. A croire qu’il entend tous nos échanges.

— Mettriez-vous en doute l’efficacité de notre ligne sécurisée, Percival ?

— Non, non, évidemment. Mais je ne comprends pas. Nous disposons de moyens sophistiqués. Mais nous arrivons toujours trop tard, et j’avoue que ça devient frustrant.

Flanagan garda le silence un moment. Puis :

— Que vous ai-je appris, agent Pendleton ? « Lorsque vous avez éliminé l’impossible…» ?

— « ... ce qui reste, aussi improbable soit-il, est nécessairement la vérité. ». Sherlock Holmes. Je sais. Mais on n’est plus en 1920, et encore moins dans un roman policier. Ce tueur a quelque chose… de surnaturel.

— Allons, Percy. Vous savez très bien ce que je pense de tout ça. Non, ce principe holmésien trouve bien une application dans cette enquête. A vous de trouver. Je sais que vous en êtes capable. Et la petite inspectrice de Los Angeles ?

— Elle est coriace. Elle exige des réponses, ce qui est normal. J’ai dû lui parler du microfilm.

Il y eut un moment de silence. Quand il parla de nouveau, la voix de Flanagan était plus grave.

— Que lui avez-vous révélé ?

— Le principal. Mais… Elle ne sait pas pour… vous savez quoi.

— Bien, répondit le supérieur. Excellent. Elle ne doit pas savoir. Vous devez la surveiller. Continuez à collaborer avec elle pour résoudre ces meurtres, mais ne la laissez pas découvrir toute la vérité.

— Je… Ça me paraît compliqué. Nous sommes en train d’enquêter sur le meurtre d’anciens agents du gouvernement. Il semble que leur mort a directement un lien avec leur passé dans le groupe Tarantula. Comment suis-je sensé l’aider tout en gardant des éléments secrets ?

La voix de Flanagan se fit plus dure, tranchante comme un couperet.

— Débrouillez-vous, agent Pendleton. Vous avez été entraîné pour ça, non ? Je vous rappelle que votre mission principale est de retrouver le microfilm, à tout prix. Qu’importe si de vieux agents au comportement douteux y laissent la vie !

Il raccrocha, sans attendre de réponse, laissant Percy abasourdi. L’agent anglais resta donc là un moment, essayant de faire le point sur sa situation. Il s’était engagé au MI6 dans l’espoir d’aider son prochain, d’améliorer les choses. Et voilà qu’il se retrouvait lié à de sombres secrets, qu’il devait protéger, pour les intérêts de son pays. Des secrets pas très reluisants. Où était passé le jeune homme plein de bonnes intentions ? Avait-il vraiment été remplacé par cet homme aux voies tortueuses, impliqué dans des intrigues malhonnêtes ? Percy avait l'impression qu’on lui demandait de franchir une limite. S’il continuait, il n’aurait pas plus d’honneur que ces Tarantulas qui avaient participé au massacre de Talkeetna.

Il fut sorti de ses pensées par de petits coups frappés à la porte de la salle de bain. C’était Ari.

— Tout va bien ? demanda-t-elle. Vous avez survécu ?

— Heu… Oui. Mon supérieur a tout réglé. Mais il est clair que je dois être plus prudent.

Ari lui décocha un regard amusé, croisant les bras.

— Ok, consentit Percival. Vous m’aviez prévenu. Et vous aviez raison.

— Demandez à mon mari, déclara-t-elle, fière. J’ai toujours raison.

— Mouais. Bon. Vous avez du nouveau ?

— Oui. Je crois avoir trouvé quelque chose d’important.

Elle lui tendit la photo froissée. Il la déplia et reconnut instantanément la scène. Talkeetna. Les Tarantulas. Les femmes, les enfants. Tous morts. Il regarda Ari, partagé entre l’envie de lui dire la vérité et le devoir de mener sa mission à bien.

— Nous devons aller en Alaska. Le plus vite possible.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Maxime Close ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0