Chapitre Trente-Deux : Celle qui découvrait les plumes de corbeau
Adossée au mur de sa chambre, Ari regardait pensivement son énorme sac de voyage, posé sur le lit. Elle se sentait lasse. La perspective de prendre l’avion vers l’Alaska ne l'enchantait pas. Ari était une fille du soleil. Elle aimait la chaleur, sentir l’astre de feu irradier sur sa peau. Les hautes températures ne lui faisaient pas peur. Ce qu’elle redoutait, c'étaient les températures négatives, le gel, la neige, la pluie. Le ciel gris la déprimait. Et c’était sans doute ce que l’Alaska allait lui offrir, dans un étreinte froide et humide.
Son téléphone sonna, la sortant de ses pensées. C’était Eliott Young. Elle se demanda ce que lui voulait le médecin légiste.
— Hey, Young ! Que me vaut le plaisir ?
— Salut Johnson ! Heu… Tu es seule ?
— Oui… Qu’est ce qui se passe ?
— Je… Peut-être que c’est rien… Et je sais qu’on est pas censés discuter de cette enquête conjointe avec les anglais… Mais…
Il se tut, semblant hésiter.
— Et si tu arrêtais de tourner autour du pot ? s’impatienta Ari.
Young respira un bon coup, puis attaqua :
— Tu as lu mes rapports d’autopsie ?
— Je les ai survolés, oui. Mais à part le fait que les victimes ont été tuées de manières différentes, je n’ai rien vu de particulier… Pourquoi ?
— Merde ! Je le savais !
— Qu’est ce qui se passe, Eliott ?
— Ils ont caché certaines infos ! Le dossier est corrompu !
— Mais qu’est-ce que tu racontes ? Quelles infos ?
— Les plumes de corbeau ! J’avais trouvé des plumes de corbeau dans les blessures des victimes, et ça n'apparaît plus dans les rapports ! Pourtant, je l’ai signalé !
Ari eut du mal à croire ce qu’elle venait d’entendre. Un frisson lui parcourut l’échine, comme un sombre pressentiment que le pire était à venir.
— Des plumes de corbeau…?
— Oui. Une dans chaque corps. Pettigrew en avait une au fond de la gorge. Pour Jeffreys, elle était enfouie dans une blessure au flanc. Ça l'a plus ou moins protégée du feu qui a dévoré le cadavre.
— J’imagine qu’ils n’ont pas encore rapatrié le corps de McCrowdt. Il faut savoir si une plume de corbeau s’y trouve aussi.
— Je te tiendrai au courant. Il faut abso…ment gard.. …..pour…………… dangereux…..
— Eliott… Je t’entends mal… La connexion est mauvaise…
Mais l’appel fut interrompu brusquement. Johnson essaya de rappeler le médecin légiste, sans succès. Elle se mit à réfléchir à ce qu’elle venait d’apprendre. Des plumes de corbeau ? Qu’est ce que cela signifiait ? Avait-on affaire à un tueur mystique ? Un adepte de coutumes en lien avec le surnaturel ? Et pourquoi cacher ce détail ? Qui avait intérêt à ralentir l’enquête ? Devait-elle en parler à Percy ? Malgré leur dernière discussion, elle ne savait pas dans quelle mesure elle pouvait lui faire confiance. Et pourtant elle avait besoin d’en parler avec quelqu’un. Quelqu'un de confiance. A ce moment précis, elle pensa à Jake avec un pincement au cœur. C’était à lui qu’elle voulait se confier. Lui parler de ses doutes, des indices, des éléments de l’enquête. Elle était sûre qu’il pourrait lui apporter une vision nouvelle, différente. Mais elle ne pouvait pas se le permettre. Ce contrat la laissait, pieds et poings liés, face à ce casse-tête.
Elle décida de jouer la prudence. Elle prit note des détails de la discussion qu’elle venait d’avoir dans un carnet neuf. Elle voulait y rassembler un maximum d’informations, pouvoir y réfléchir, en se basant sur les faits, et non sur les miettes que le MI6 daignait lui apporter. Les paroles de Bracks lui revinrent en mémoire. Les faits. Se baser sur les faits : trois hommes, anciens espions anglais, avaient été assassinés. Tous faisaient partie d’un groupe secret. Cette photo des Tarantulas, posant avec des indiens. Des plumes de corbeau retrouvées sur les cadavres.
L’Alaska.
Elle avait le sentiment que tout partait de là.
Percy s’était bien gardé de lui parler de ce détail. Elle ne pouvait que constater qu’elle ne pouvait pas lui faire confiance. Elle devait se plier aux directives des anglais, mais ils n’hésitaient pas à lui cacher des éléments de l’enquête. Elle ne manquerait pas de le leur faire remarquer. Mais pas tout de suite. Un plan commençait à se former dans sa tête. Elle devait d’abord se rendre en Alaska. Puis viendrait l’heure des comptes. Et Percival allait devoir s’expliquer.
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