Chapitre Trente-Cinq - Celui qui avait des aigreurs d’estomac

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Le visage collé au hublot, Vince n’était pas tranquille. Ses tripes étaient serrées par des aigreurs d’estomac. Déjà, il détestait profondément prendre l’avion. Le fait d’être perché à plusieurs centaines de mètres du sol à bord d’un amas de métal bruyant le rendait vraiment nerveux. De plus, son rendez-vous chez l’oncologue ne s’était pas très bien passé. Son cas était préoccupant, et le mot chimio avait été prononcé. Mais malgré cela, ce qui l’inquiétait le plus, c’était le coup de fil qu’il avait eu d’ Ari. C’était la première fois qu’il l’avait sentie aussi inquiète. Elle ne pouvait pas lui parler en détail de l’enquête, mais le danger qui guettait Jake et Liv était trop important et elle ne pouvait pas rester sans rien faire. Elle avait hésité à parler. Vince avait compris qu’elle craignait que quelqu’un écoute leur conversation. Elle lui avait finalement dit de remettre son bonjour à Tante Greta. Puis elle avait raccroché.

« Tante Greta » était un serveur privé contenant une messagerie chiffrée que Jake avait conçue pour leur agence de détective. Tout le monde pouvait envoyer un message à Tante Greta, à condition de connaître son adresse e-mail. L’accès, lui, était sécurisé par des mots de passe qui étaient régulièrement mis à jour. Seuls Vince et Jake pouvaient consulter les messages s’y trouvant et ils étaient déplacés sur un autre serveur sécurisé une fois traités. Vince avait donc été voir ce qu’ Ari avait laissé. Son e-mail était très court, presque énigmatique. Il y avait juste une phrase : « Trouver le microfilm !!! », suivi d’une colonne, intitulée « GROUPE TARANTULA », reprenant une liste de noms : Alfred Pettigrew, Mark Vernon, John Smith, George Barrie, Jasper Kain, William Turner. Les noms étaient barrés, sauf ceux de Barrie et Kain. En faisant quelques petites recherches sur des bases de données et divers sites d’informations, il avait appris que Pettigrew, Vernon et Smith avaient été tués et qu’une enquête était en cours. Mais rien dans les fichiers de la police, comme si tout cela n’avait jamais eu lieu. Il savait par Jake que son père, William, était mort depuis des années dans un crash d’avion. Mais, au vu de toutes ces informations troublantes… Vince se demanda si le père de Jake avait bien disparu dans un accident ? Ne restaient plus que George Barrie — dont la dernière adresse connue était un trou perdu en Alaska — et Jasper Kain, qui vivait à York, en Angleterre.

Vince avait compris que Jake et Liv se retrouvaient dans de sales draps, hérités de leur père. Sociétés secrètes, espionnage, meurtres… Il savait d’expérience que les services secrets étaient une machine qui écrasait quiconque se trouvait sur leur chemin. Sans compter le fait que les anciens membres de ce groupe tombaient comme des mouches, victimes de ce qui semblait être un tueur en série.

Vince regarda autour de lui. Sur le siège voisin, Manolo ronflait comme un bienheureux. Le vieil homme se remémora les visages déconfits qu’ils avaient croisés à l’aéroport et en montant dans l’avion. Le géant au masque de tête de mort impressionnait quiconque croisait son chemin, et les agents de sécurité avaient vérifié plusieurs fois son passeport avant de le laisser monter à bord. Vince pensa que bien qu’il soit un personnage atypique, Manolo était une recrue qu’il se félicitait d’avoir engagé. Sans parler de sa force et son apparence intimidantes, le géant possédait des atouts précieux dans leur métier : une connaissance du droit surprenante et une aptitude à la conduite digne des films d’action.

Le détective sortit son petit calepin de sa poche. Il en avait toujours un sur lui, accompagné d’un petit crayon. Parfois, Jake se moquait gentiment de Vince quand il sortait son bloc-notes, l’appelant « Colombo ». Il rétorquait alors qu’au moins, son carnet n’avait pas besoin de batterie et qu’il ne risquait pas de se faire pirater. Il écrivit quelques lignes, reproduisit le contenu du message de Ari et établit un plan d’action. Il savait qu’ils devaient rester discrets. S’ils se faisaient choper par le MI6 ou même ce tueur mystérieux, les conséquences seraient catastrophiques. La première chose à faire serait de prendre contact avec Jake et Liv. Ils pourraient les prévenir de vive voix du danger qui les guette et décider de la meilleure chose à faire.

Après un voyage qui parut une éternité à Vince, ils atterrirent enfin sur le sol anglais. Manolo se réveilla et essuya un reste de bave sur le coin de sa bouche.

— Ben alors, ironisa Vince, bien dormi ? Comment fais-tu pour ne pas être nerveux en avion ?

— J’ai l’habitude, répondit le géant. Quand j’étais au service de Vidal, je devais souvent me rendre en Colombie.

Manolo regarda par le hublot, du côté de Vince. Le ciel délavé répandait sa lueur froide sur Heathrow.

— Quel est le plan, Jefe* ?

— Tu me donnes du « Jefe » ? Ah, ça me plait bien, hombre**. Mais n’oublie pas que nous t’avons engagé pour tes aptitudes et ta connaissance du milieu. Tu n’es pas notre larbin, ok ?

Manolo répondit par ce qui ressemblait vaguement à un sourire.

— Bon, reprit le vieil homme, pour ce qui est du plan… On va commencer par se rendre chez la sœur de Jake. On doit les retrouver au plus vite et les informer de ce qui se passe. Peut-être auront-ils plus d’éléments à nous donner. Après, on avisera. Mais surtout, Manolo, fais attention. Tu as côtoyé des individus de la pire espèce. Mais à côté de ce que nous risquons ici, c’étaient des amateurs. J’ai le sentiment qu' après cette affaire, plus rien ne sera pareil.


* « Chef »

**  « homme » (mec)

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