Chapitre Trente-Sept - Ceux dont le papa n’était pas comptable

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Sortis de chez l’oncle Jasper, Liv et moi avons erré un peu dans les rues de York. Ce que nous venions d’apprendre nous avait secoués. Papa, un agent secret ? J’avais du mal à l’imaginer en commando harnaché et armé, déboulant dans l’antre d’un grand méchant à la James Bond, le genre d’antagoniste assis dans un grand fauteuil et caressant un gros chat… Il s’est mis à pleuvoir, alors nous nous sommes arrêtés dans un pub du coin. De toute façon, nous n’avions pas envie de reprendre le train tout de suite. « Le Chien qui Boîte » était un établissement dans la plus pure tradition anglaise. Petites fenêtres à carreaux, bar massif en bois, affiches d’un autre temps… L’ambiance y était chaleureuse et calme, propice à l’introspection et l’évocation de vieux souvenirs. Alcoolique abstinent depuis plus de vingt ans, je sentais pourtant monter une furieuse envie d’un bon verre de rhum. Liv s’en est doutée. Elle m’a pris la main, l’air de me dire « Tiens bon ». J’ai donc commandé un café bien corsé et Liv a opté pour un jus d’orange.

— C’est dingue, déclara Liv, pensive. Papa… Je… Je n’arrive pas à y croire…

— Moi non plus… Ça ne colle pas avec l’image du père sévère avec ses grosses lunettes de comptable…

— Avant ça, il avait un autre métier, tu te rappelles ? Il était commercial. Il vendait du vin. Parfois, il était en déplacement pendant plusieurs jours.

— Oui, c’est vrai, ai-je répondu. Je m’en rappelle. Maman était toujours très inquiète quand il partait. Elle détestait qu’il soit loin de nous.

Liv garda le silence quelques secondes. Puis elle sembla se rappeler de quelque chose.

— Tu te souviens de la fois où il est revenu avec cette blessure à la main ? Il était parti deux jours à Londres, je crois… Il avait raconté s’être coupé avec une bouteille de vin qui était tombée accidentellement. Je l’avais surpris dans la salle de bain, en train de se soigner… L’entaille dans sa main… C’était horrible. J’en ai fait des cauchemars…

Encore un bref silence. Elle m’a regardé, inquiète.

— Tu crois… que ces déplacements…?

— Il serait parti pour ces missions…? C’est dingue ! Tu crois que maman était au courant ?

— Je ne sais pas, a-t-elle répondu après un moment de réflexion. Je me rappelle juste de son désarroi quand papa devait partir.

Vers la fin de l’après-midi, nous avons dû nous résoudre à rentrer chez Liv. Notre voyage en train a été très silencieux, car nous étions chacun perdus dans nos pensées, à essayer de trouver un indice de l’identité cachée de notre père dans nos souvenirs d’enfance. La nuit commençait à tomber lorsque nous sommes arrivés à Londres et les passants eux-mêmes semblaient s’efforcer de ne pas faire de bruit pour ne pas nous déranger. Nous avons repris la voiture de Liv, épuisés moralement et physiquement.

Lorsque nous nous sommes engagés dans sa rue, j’ai cru que la fatigue et mon état émotionnel me donnaient des hallucinations. Devant la porte de chez Liv, il y avait Vince et Manolo en train de nous attendre, telles deux ombres perdues. Dans la pénombre, Manolo ressemblait encore plus à un spectre. Ça n'a pas empêché Liv de se ruer hors de la voiture et de se jeter dans ses bras, sous l'œil abasourdi de mon vieux collègue. Moi aussi, j’étais plutôt surpris de la voir réagir ainsi en voyant son ancien ravisseur. Même si je savais que Manolo n’avait été qu’un pion utilisé par Alejandro Vidal et Gloria Rockwell. Manolo avait surveillé Liv lors de sa détention, mais il ne lui avait jamais fait aucun mal. Mieux, il avait veillé à son bien-être et l’avait même aidé à s’enfuir. Une certaine affection s’était nouée entre ma sœur et ce géant au visage tatoué. Appelez ça le syndrome de Stockholm ou simplement de l’amour. Je ne sais pas trop ce que c’est, au juste. Mais quelque chose de fort les liait.

— Vince !? Manolo ? me suis-je exclamé. Mais qu’est ce que vous faites ici ?

— Mec, ça fait deux heures qu’on poireaute ici ! a râlé Vince. Vous êtes allé faire les boutiques ou quoi ??

— Non, ai-je répondu. Disons… qu’on a appris certaines choses sur notre passé familial…

— Justement, a répondu mon vieil ami. On est là pour ça ! C’est Ari qui nous envoie ! Vous êtes en danger !

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