Chapitre Quarante - Ceux qui cherchent à survivre

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— Bon, Vince, si tu me disais ce qui se passe ?

Nous étions, Liv, Manolo, Vince et moi, rassemblés dans le salon de ma sœur. Elle et moi étions assis dans son canapé de velour blanc. Vince avait pris place dans le petit fauteuil couleur olive, à côté de la bibliothèque, tandis que Manolo avait pris place sur une chaise, comme s’il ne se sentait pas à sa place.

— Avant tout, commença mon vieux collègue, je crois qu’il va falloir rester discret à propos de tout ce que je vais dire ici. J’ai le sentiment qu’on met les pieds dans quelque chose de sensible. Tout a commencé avec un coup de fil que j’ai reçu d’Ari. Elle avait l’air paniquée. Elle n’est pas rentrée dans les détails, mais elle m’a prévenu que vous étiez en danger. Puis elle m’a fait comprendre qu’elle m’enverrait un message via Tante Greta.

— Tante Greta ? s’étonna Liv. Qui est-ce ?

— Une messagerie sécurisée que j’ai mise au point pour nos activités, ai-je répondu. Qu’est-ce qu’elle t’a envoyé, Vince ?

— Une phrase. « Trouver le microfilm !!! » Et une liste, intitulée GROUPE TARANTULA.

— Une liste ? fit Liv.

— Oui. Des noms. Votre père y figure. Certains sont barrés.

— Et ?

— Et tous les barrés sont déjà morts. Des meurtres. Deux à L.A. et un à New York. Ce qui est bizarre, c’est qu’on en parle dans certains journaux, mais pas dans les fichiers officiels. Aucune trace dans les fichiers de la police auxquels j’ai encore accès. Rien. Nada.

J’étais troublé. Ça, plus ce qu’oncle Jasper nous avait révélé. Vince avait raison, ça puait les ennuis. Mon père, un foutu agent secret, un mercenaire. Il avait tué pour le gouvernement, plusieurs fois. L’image du père modèle en prenait un sacré coup. Et il n’était plus là pour se défendre. Aujourd’hui, alors que les secrets refaisaient surface, ses anciens comparses tombaient comme des mouches sous les coups d’un tueur en série.

J’ai raconté à nos amis tout ce qui était arrivé depuis mon arrivée à Londres : mon agression à l’aéroport, l’appartement de ma sœur ravagé, le message de mise en garde, la rencontre avec l’oncle Jasper et les derniers éléments appris à propos de la montre de papa.

— Jasper ? réagit Vince. Il apparaît dans la liste qu’Ari nous a envoyée… Tu lui fais confiance ?

— Je ne sais pas… Ce serait lui qui serait intervenu à Heathrow, qui aurait laissé le message… Il connaissait mon père, ils ont même été amis…

— Mais ils se sont disputés et ils ne se parlaient plus, intervint Liv. Je suis désolée, mais je ne le sens pas.

— Pourquoi lui as-tu proposé de lui confier la montre, alors ? ai-je rétorqué, agacé.

— Sur le moment, ça m’a paru être une bonne idée, s’est-elle défendue. Mais plus je repense à tout ce qu’il nous a dit… Je ne sais pas… Il y a quelque chose qui cloche.

Vince ne répondit rien, mais j’ai bien vu qu’il était satisfait.

— Ce que je pense, finit-il par déclarer, c’est que l’endroit où vous cacherez cette montre doit être connu de vous, et de vous seuls, déclara-t-il.

J’ai sorti la montre de ma poche, pour l’observer.

— Tu l’avais sur toi pendant tout ce temps !? s'exclama ma sœur.

Je n’ai pas répondu. J’étais trop absorbé par l’inspection de cet objet, apparemment anodin, mais qui renfermait un si grand danger. La montre était plutôt simple, sans gravure ni fioriture. Le métal du couvercle était usé et le verre retenant la photo était fendu. À première vue, rien ne semblait indiquer qu’on pouvait l’ouvrir, pour accéder aux rouages par exemple. Mais en y regardant de plus près, il y avait un petit orifice, juste à côté du remontoir, de la forme d’une petite serrure. La voix profonde de Manolo me sortit de mes pensées.

— Si vous devez garder un œil sur cette montre… Pourquoi ne pas simplement toujours la garder avec toi ?

L’idée était bonne. D’autant que j’avais acheté depuis peu une pochette de protection munie d’un air tag. Elle tenait dans la poche et était traçable via une application.

— Ok, reprit Vince. Maintenant que ce détail est réglé, récapitulons ce dont on peut être sûr. Vous me corrigez si je me trompe. D’un côté, on a Ari qui se retrouve embarquée sur une enquête top secrète concernant d’ anciens membres d’un groupe de mercenaires qui se font buter les uns après les autres. Votre père aurait fait partie de ce groupe, les Araignées…

— Les Tarantulas, le corrigea ma soeur.

— Heu, ouais… Passons. Pendant ce temps, Liv, ta maison est complètement retournée, mais rien n’a disparu. Si on en croit le message que vous avez reçu, ils recherchaient cette montre, que quelqu’un vous demande de protéger. Et on vous a aussi mis en garde de ne faire confiance à personne.

— On sait si les victimes de meurtres ont été torturées ? demanda subitement Manolo.

— Aucun détail là-dessus dans les journaux, répondit Vince avec une grimace. À quoi tu penses ?

— Quand je bossais pour Vidal, les gars chargés d’obtenir des informations ou de retrouver quelqu’un usaient de moyens… particuliers pour faire parler ceux qu’ils interrogeaient. Et après, ils s’assuraient qu’ils ne parlent plus jamais.

Vince le scruta, et je savais à quoi il pensait. Manolo avait sans doute, lui aussi, participé à ces « interrogatoires » qui avaient mal fini. Du coup, à quel point pouvait-on lui faire confiance ?

— Tu crois que la raison pour laquelle ils sont morts est cette montre ? demanda Vince. Vu le lien possible avec votre père, tu m’étonnes qu’Ari soit paniquée ! Et si c’est ça, votre tonton Jasper est en danger aussi.

— Ok, a repris Liv. Alors quoi ? Qu’est-ce qu’on fait ?

— On ne va surement pas se laisser faire, ai-je assuré. Je vais garder la montre constamment avec moi. Il faut la protéger à tout prix en attendant d’être sûr de connaître son contenu. Et puis, je ne crois pas que rester ici soit prudent. Il nous faut un endroit plus isolé, où nous pourrons nous poser et réfléchir à la suite des évènements.

— Pourquoi pas chez nous ? proposa Liv après un bref instant de réflexion.

— Chez nous ? demandais-je, interloqué.

— Je suis toujours en contact avec les Barnett, qui ont acheté notre maison d’enfance. Et je sais qu’ils cherchent à la louer.

La perspective de retourner à Cayton, dans ce qui avait été le foyer des Turner, me fit bizarre. Mais c’était une super bonne idée. Nous pourrions en plus être proche de York, et d’oncle Jasper, qu’il faille le protéger ou le surveiller.

— Nickel, ai-je répondu. Je compte sur toi pour contacter les Barnett et t’arranger avec eux.

Liv me regarda d’un air moqueur, en prononçant « Ok, chef », ce qui fit pouffer Manolo.

J’ai regardé Vince. Je me suis rendu compte que je n’avais même pas pris le temps de lui demander comment il allait. Mais je savais qu’il ne me dirait rien de son cancer devant les autres. Ses joues étaient creusées, il avait l’air fatigué.

J’espérais que cette aventure ne mettrait pas un terme à la sienne, qui était jalonnée de tant d’exploits.

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