Chapitre Quarante-Cinq - Celui qui tombait de haut

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Percy était dans une forêt étrange. Le tronc des arbres était blanc et une brume rouge recouvrait le sol. Il avait perdu la trace de Ari, qui pourtant était juste devant lui quelques secondes avant. Il l’entendait appeler à l’aide, mais impossible de savoir d’où venait l’écho de sa voix. Il se mit à courir, tentant de retrouver son chemin. Soudain, des mâchoires de fer immenses apparurent devant lui et se refermèrent d’un coup, explosant les arbres, le coupant en deux.

Il s’éveilla en sursaut dans le vieux divan de Miller, en sueur. Quelque chose avait explosé dans la pièce voisine. Il tenta de se mettre debout mais sa jambe lui rappela de façon douloureuse sa mésaventure dans les bois.

Il boita jusqu’à la chambre et constata qu’elle était vide, mais que la vitre de la fenêtre était brisée. Au travers des bris de verre, il vit le vieux Miller s'enfoncer dans la forêt en courant. Il sortit son arme de son holster et enjamba le châssis en protestant de douleur avant de suivre péniblement le chemin emprunté par le vieillard. Il eut l’impression d’être de retour dans son cauchemar. L’obscurité était si épaisse qu’ elle vous étranglait presque. Le souffle court, Percival entendit soudain un cri rauque, suivi d’une imprécation d’Ari. Puis le silence. Pendleton se hâta en direction du cri. Il retrouva sa coéquipière aux côtés de Miller, couché sur le sol. Craignant un instant le pire, l’agent fût soulagé de voir le vieil homme se redresser en se tenant le front, d’où s’écoulait un filet de sang.

— Tout va bien ? demanda-t-il. Que s’est-il passé ?

Ari le regarda en rengainant son arme. Une lueur, mêlée de colère et d’urgence, brillait dans ses yeux.

— Le tueur nous a retrouvés. Il a attaqué Miller… et je pense que je sais qui il est.

— Quoi !? s’exclama Pendleton, incrédule. Vous savez à qui on a affaire ?

Elle regarda James d’un air étrange, semblant hésiter.

— Rentrons. Il faut soigner cette plaie, monsieur Miller. Et il faut qu’on parle.

Quelques minutes plus tard, ils étaient revenus dans la bicoque de Miller, assis dans son salon. Le feu commençait à mourir dans l’âtre, laissant le spectre humide de la forêt reprendre possession de la maison. Ari était en train de nettoyer la plaie sur le front du vieillard. L’entaille n’était pas profonde, mais il était bon pour un bel hématome. Miller soigné, une bûche rajoutée dans le foyer, Pendleton voulut en finir.

— Ok, sur qui se posent vos soupçons, Johnson ?

— Avant de commencer, je dois mettre au clair certaines choses. Primo, la chambre de Fargo est une scène de crime. Rien ne doit être modifié avant que les autorités compétentes l’aient étudiée. Deuxio, j’exige l’intervention d’un représentant légal ou de ma supérieure, Tabitha DeMoor.

— Pourquoi ? s’étonna Percival. Vous savez très bien que cette enquête est sous l’autorité du MI6.

— Je sais de source sûre que vous cachez des éléments importants dans cette enquête. Et si je n’avais pas eu connaissance de ces détails, nous ne saurions pas qui est le tueur.

— Mais de quoi parlez-vous ? s’insurgea l’agent anglais. Quels détails !? Et qui vous a informée !?

Percy semblait fou de rage. Les accusations de Ari l’avaient piquées au vif, lui qui se voulait irréprochable.

— Les plumes de corbeau, agent Pendleton. Je sais que vos supérieurs ont caché le fait que le tueur cachait des plumes de corbeau dans les corps de ses victimes. Ce qui m’amène à la conclusion qu’ils ne veulent pas vraiment que vous trouviez le coupable de ces meurtres et que votre mission principale est de retrouver ce microfilm, coûte que coûte. Je ne peux pas continuer à travailler comme cela, raison pour laquelle je refuse de continuer cette enquête conjointe tant que la lumière sur ces détails ne sera pas faite. Par contre, je veillerai à ce que le LAPD et le FBI soient au courant des manœuvres du MI6 pour entraver gravement cette enquête !

Pendleton avait les yeux qui lui sortaient de la tête. Il était abasourdi et furieux. Son teint pâle, ses cernes, sa chemise auréolée de transpiration et ses cheveux en bataille traduisaient son état. Le bel agent fringuant avait laissé sa place à un homme épuisé, blessé et perdu. Il tenta de reprendre contenance, et c’est avec une voix rauque, presque un chuchotement, qu’il s’adressa à l’inspecteur Johnson.

— Ok, attendez… Vous savez pour les plumes de corbeau, soit. Ce détail est classé. Cela n’est pas important.

— Vous rigolez !? s’emporta Ari. Elles ont leur importance, au contraire ! Nous sommes en présence d’un homme qui donne à ces meurtres une dimension spirituelle ! Des plumes de corbeau, Percy, comme dans certaines cérémonies indiennes !

— Allons, ricana Percy… Ne nous lançons pas dans un délire ethnologique.

— Mais si, justement ! Parce que c’est précisément ce que c’est ! Ça nous mène à lui. Ce n’est pas juste un mercenaire. C’est quelqu’un d’impliqué émotionnellement, quelqu’un qui a un compte à régler avec les Tarantulas. En plongeant des plumes de corbeau dans les cadavres, il s’accapare ces corps, en revendique la vengeance ! Notre homme est d’origine amérindienne, il a subi un traumatisme qu’il attribue aux Tarantulas ! Et il veut se venger !

Miller ne disait rien. Il avait les larmes au yeux, et Ari savait à quoi — ou à qui — il pensait.

— Soit, concéda Pendleton. Et pourquoi le MI6 refuserait que nous découvrions son identité ? Qu’est ce qui vous permet d’affirmer cela ?

— Comment arrive-t-il à retrouver des ex-membres d’une société secrète, qui ont changé d’identité, sous protection du gouvernement anglais ? Comment se fait-il qu’il nous devance, quasi à chaque fois ? Cet homme est devenu le bras armé d’un individu, ou d’un groupe d’individus, bien plus puissant ! Il est très bien renseigné sur le lieu où il trouvera ses victimes. Je dois vous faire un dessin ?

Percy sembla troublé par ces dernières affirmations. Il hésita un instant, puis darda son regard rouge sur Ari.

— Et donc ? Qui est ce tueur, d’après vous ?

— Fargo. Il répond à tous les critères. Son tiroir est rempli de plumes de corbeau. J’avais un doute, mais j’en ai eu la confirmation tout à l’heure, dans les bois. Il a eu l’occasion de tuer James Miller, un ancien Tarantula, deux fois de suite. Mais cette fois-ci, il ne l’a pas fait. Parce qu’il ne veut pas vraiment tuer son père.

Percy voulut répliquer. Mais aucun mot ne sortait. Sa main cachant ses yeux, puis glissant sur ses cheveux, il dût se rendre à l’évidence : si Ari avait raison, Flanagan s’était bien moqué de lui. Celui qu’il prenait pour son mentor l’avait utilisé. Il avait été une putain de marionnette ! Il commençait à y voir plus clair, maintenant. C’était pour ça que le détail des plumes avait été effacé des rapports d’autopsie. Et il comprenait aussi pourquoi son supérieur voulait absolument qu’il trouve le microfilm. Flanagan était impliqué, il pataugeait dedans, jusqu’au cou.

L’agent Pendleton devait maintenant prendre une décision. Soit il respectait ses valeurs, prônant la justice et l’honnêteté, en collaborant avec Ari, mais en trahissant Flanagan, peut-être même le MI6. Soit il continuait sa mission, au mépris de tout ce en quoi il croyait depuis si longtemps.

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