Chapitre 3

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  Ce soir-là, les animaux de la forêt s'étaient rapprochés des fenêtres pour assister au joyeux vacarme qui débordait de la chaumière et résonnait dans tout le royaume. Tous voulaient voir la fête ou y participer.


  Seule, plongée dans l'ombre épaisse du cellier, Coquette épiait la scène, à l'abri des regards. Dans l'obscurité totale, elle observait les sept petits hommes s'en donner à cœur joie.


  Le plus râleur d'entre eux, celui qui lui criait toujours dessus, s'était montré, pour une fois, sous son meilleur jour et jouait de l'orgue, assis sur un bandonéon en guise de tabouret. Le second, celui qui sans doute par timidité, ne s'était jamais adressé à elle, jouait de la flûte accompagné par l'érudit de la bande et l'autre perpétuel enrhumé. Le faux savant avait d'ailleurs trouvé comme cause des éternuements ininterrompus du second la propre présence de Coquette; aussi absurde que cela pouvait paraître, tous avaient été convaincus par cette explication. Notamment celui qui était incapable de parler et se plaisait à dérober les effets personnels de la petite femme sans jamais avoir été inquiété (car il était impensable d'accuser un simple d'esprit). En ce soir de fête, il dansait avec le plus enjoué des sept qui aimait rire de tout. Surtout de la plus faible. Le dernier, entre deux siestes, usait de toute son énergie pour improviser un Yodel. Fainéant invétéré, les quelques rares fois où il avait pu ouvrir l'œil, c'était pour veiller aux tâches ménagères qu'il déléguait à Coquette... de peur qu'elles ne lui reviennent.


  Ainsi, les petits hommes n'étaient pas les mêmes au grand jour, en public et surtout, en présence de la plus belle.

  Et ce soir de réjouissance échappa à une cacophonie générale annoncée. Dans la logique et la féérie des choses, les nains se révélèrent être de talentueux chanteurs et musiciens, artisans d'une fête parfaitement réussie au grand plaisir de la Princesse, enjouée du résultat. Elle, elle pouvait être aux anges. Cette célébration lui était consacrée tout comme sa beauté et sa grandeur qui restaient sans pareil.


  “ Tous n'ont d'yeux que pour elle ”, avait conclu le petit bout de femme qui épiait cette joyeuse fête dans l'obscurité. Sans vraiment comprendre, elle avait toujours respecté le diktat des nains, et ce, depuis son arrivée : se faire discrète au point de ne pas apparaître. Elle était étrangère à cette célébration comme à toutes les autres scènes de cette histoire, qu'elle suivait, en retrait, dans l'ombre des coulisses, aux portes du cellier. Elle ne faisait même pas partie du décor. Elle était derrière, loin des lumières réservées aux protagonistes.


  D'un coup, Coquette fut violemment bousculée en arrière par l'un d'eux qui déboula dans la réserve, renversant tout sur son passage. La petite femme, emportée par cette embardée, entraîna dans sa chute quelques outils et un seau d'eau.

Le râleur — c’était celui qui était tombé — se releva. Il remit son bonnet sur le crâne avant de maugréer.

— C’est pas vrai ! Ce crétin a encore éternué !

— Ça va, tu ne t’es pas fait mal ? demanda Coquette, en se relevant avec peine du tas d’ustensiles qui la recouvrait.

— Mal ? Depuis quand un homme peut avoir mal ?

— Tu as fait une sacrée culbute.

— Et puis ? Avoir mal, c’est pour vous, les femmes. Les faibles. Ramasse tout ce bazar au lieu de bavarder et lave donc le sol. Vous, vous n’êtes que du blabla, rien d’utile. Poison et artifice !

— C’est comme ça que tu as décrit la princesse, marmonna-t-elle.

— Quoi ?! Tu oses me répondre ? Et bien c’est qu’il y a des poisons plus doux et des artifices plus beaux que d’autres. Et puis qui t’a demandé de parler ? Tu sais bien que tu n’as pas ce droit.

Coquette baissa les yeux. Elle le savait. C’était les règles qu’on lui avait dictées.

Le râleur repartit à la hâte sur le devant de la scène, dans le salon éclairé pour profiter encore de la fête.


  La femme de l’ombre ramassa les casseroles, pioches, balais et autres objets qui s’étaient renversés dans le cellier. Puis elle prit un seau d’eau pour le remplir et laver le sol, tel que l’avait ordonné le vilain petit homme.

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