Une soirée a roser

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5h37, deux jeunes femmes assises sur un trottoir aux abords d’une soirée techno.

— Alors, t’as kiffé ?

— Oui, de ouf. Et toi ? Pourquoi t’es pas restée avec le blond, là ? Je vous ai vus, vous pécho ! BG, en plus !

— Oui… c’est vrai qu’il était beau.

— Sacrément, même ! Alors ?

— Bah, il m’a saoulée. Il venait se coller contre moi et m’imposait son rythme. T’imagines au lit ? Je lui ai dit que j’allais pisser. Je l’ai plus recroisé. J’ai pu kiffer le son dans "ma" vibe.

— C’est vrai qu’elle est belle, ta vibe.

— Roooh, bébé ! L’embrassant sur la joue. Je t’aime.

— Moi aussi, je t’aime. Lui rendant son baiser. En se retournant, annonça :

— Ah bah regarde qui voilà, haha !

Le blond avançait, assuré, souriant.

— Ça va, les filles ? Se tournant vers la danseuse. On s’est perdues tout à l’heure. Ça vous dit after ? On va dans un méga appart avec le groupe, là-bas.

Le groupe contenait quelques personnes qu’elle connaissait de soirée. Elles se regardèrent, l’une sourire en coin, l’autre écarquillant les yeux.

Elle finit par répondre :

— Tu nous laisses un moment pour réfléchir ? On viendra vous voir, si jamais.

— Ok. Et vous inquiétez pas, on a tout ce qu’il faut pour tenir.

Répondit-il avec un clin d’œil super confiant.

Une fois éloigné :

— Putain, mais il est beau même de jour, ce bâtard ! Mais je le sens pas.

— Tu veux quand même qu’on teste l’after ?

— Non, j’ai déjà pris pas mal. À moins que toi tu veuilles, bien sûr.

— Non, c’est cool. Et puis mon Jules n’est pas là, ce soir. On rentre chez moi, je commande Uber.

— Oh non, steuplaît. Dit-elle en tournant la tête avec un petit air de chien battu. C’est à peine à trente minutes.

— Oh là là, toi et la marche, vraiment...

— Mais ça nous fera redescendre tranquille, prendre l’air, profiter des premiers rayons du soleil, tout ça !

— Bon, ok, ok. Et j’ai quoi en échange ?

— Je te révèle mon super pouvoir.

— Oh tu vas me sortir “l’amour”, une connerie du genre, j’suis sûre.

— Non, je te promets un vrai truc.

— Promis ?

— Si ça t’impressionne pas, je te refile toute ma cons gratos.

— Ouais, enfin on risque de la finir quoi qu’il arrive, en rentrant.

— Ou pas.

— Bon allez. Alors, let’s go.

— Merci, je t’aime trop. La prenant dans ses bras.

— Ah là là, là là. Non mais tes câlins…

Elles restèrent un moment comme ça.

— Moi aussi je t’aime trop. Elle s’écarta doucement, lui faisant un bisou. Et me dis pas que c’est tes câlins, je sais qu’ils sont magiques. Sinon j’appelle Uber direct.

— Je te promets. Allez, viens, on avance.

— Bon, alors, c’est quoi ?

— Eh ben… je pisse rose.

L’autre éclata de rire.

— N’importe quoi, ah ah ah ! Puis c’est même pas un pouvoir.

— Bah, t’as déjà vu quelqu’un qui pisse rose, toi ? Et en plus, ça, sent, la rose.

— Allez d’accord… Tu vas me filer toute ta cons et moi je vais voir la vie en rose ! D’ailleurs, une petite trace pour la route ?

— Chaud.

Chacune se prend une petite clé.

— Pardon madame, mais ce pochon me revient.

— Non, je vais te le prouver. D’ailleurs, j’ai envie de pisser. Dès qu’on trouve un coin, je te montre.

— Allez, fais-moi poireauter autant que tu veux, je la récupèrerai ta cam.

— Tiens, là, derrière les arbres. Viens.

Elle se mit en place sans pudeur.

— En plus c’est du pavé, tu vas bien voir.

Elle urina rose. Une fois fini, se releva.

— Alors, tu vois ?

— Non mais t’es sérieuse, wesh ? Ok, t’as bu combien de vodka Red Bull ?

— T’en as bu autant que moi, poupée. Vas-y, pisse. Et puis sens, tu sens pas ?

Ça sentait effectivement la rose.

— Ok ok. Attends, je teste.

Elle releva sa robe, fit de même, urine toxique, classique post-soirée.

— D’accord. Alors, t’as bouffé des Fraises Tagadas toute la journée ?

— Viens, on avance. Non, c’est comme ça depuis la première fois que je suis tombée amoureuse. Le truc, c’est que je suis tout le temps amoureuse.

— Et là genre, t’aimes qui ?

— Bah, toi déjà, abrutie. Prenant son visage, l’embrassant sur le front.

— T’es vraiment un phénomène. Mais oui, tu m’aimes. Et moi aussi. Mais t’es pas amoureuse.

— C’est vrai. Mais je suis amoureuse du ciel, des fleurs, de la pluie, de tout un tas d’odeurs, de mon doudou… Bref, tu captes ?

— Oui, je crois. Enfin je pense surtout que j’en ai trop pris et que je dois triper. Mais bien joué, tu m’as eue. Tu mérites qu’on rentre à pied.

— Bah oui. Et regarde, on est à deux rues.

Elles rentrèrent, prirent une douche, tenues confortables, brossage de dents.

— Un joint et au lit ?

— Je l’ai roulé pendant ta douche. Dit-elle avec un sourire.

— Tu gères trop. Trace ?

— On est bien là, non ?

— Ouais, t’as raison. Quand y a pas le Jules, j’ai tendance à trop me lâcher. Heureusement, tu es déesse de la sagesse.

La sage déesse alla ouvrir la fenêtre.

Elles se blottirent l’une contre l’autre, profitant de ce moment de calme, de douceur, d’air frais parfumé au savon et à la weed.

Elles vibraient d’amour.

— Tu viens dormir avec moi ?

— Et le Jules alors ? Haha, mais oui, bien sûr. D’ailleurs, il m’en voudrais trop de laisser une perle comme toi dormir seule.

Elles se couchèrent. La perle dans les bras de la danseuse. Celle-ci n’avait pas le sommeil facile, alors en lui caressant les cheveux, la câlinant tendrement pour l’endormir, ça la détendait elle-même, et elle succomba à son tour.

Le lendemain matin, la danseuse se réveilla en second, allégée d’avoir enfin pu dire à quelqu’un ce secret, ce pouvoir absurde.

— Ah, mon amour, enfin réveillé ! Câlin fort, puissant, vibrant, durant au moins une minute.

— Je vois que t’es en pleine forme.

— Ouais, j’ai fait un rêve de ouf, tu pissais rose et ça sentait trop bon, putain. Je sais pas, ça m’a fait me lever de méga bonne humeur. Comme si notre lien avait grandi à travers un rêve.

— Je t’aime trop. Elle la reprit dans ses bras, pensant que cela resterait un secret, mais le fait de l’avoir dit était plus puissant que le pouvoir.

— Moi aussi, poupée.

— Il arrive quand, ton Jules ?

— Dans une demi-heure. Avec des pizzas bien chaudes, du camion d’en bas.

— Ah génial, j’ai trop faim. Et le fromage fondu… en lendemain de soirée… Mama !

— Ça, je te le fais pas dire.

La demi-heure passa. Le Jules arriva avec ses trois pizzas, un sourire radieux et une rose pour chacune.

— Pour toi, parce que je t’aime. Une rouge.

— Pour toi, parce que tu l’aimes. Une rose.

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