Prologue (Aria)
La police. La police est enfin arrivée. Je l’ai attendue pendant des jours, des semaines. Elle fait une descente aujourd’hui. Maintenant. Mon cœur bat à tout rompre, mes mains tremblent, je tiens à peine sur mes jambes. Je ne veux plus être sauvé. Pendant des semaines, j’ai espéré qu’ils arrivent, j’ai espéré pouvoir revoir mes proches et ma famille. J’ai espéré qu’ils me cherchaient, que je leur manquaient autant qu’ils me manquaient. J’ai espéré trouver un journal, une information ou ne serait-ce qu'une photo les montrant me cherchant désespérément. Mais ça n’est jamais arrivé. Pas un avis de recherche. Pas une déclaration publique. Rien. Ils ne m'ont jamais cherché. Et si la police est là, c’est uniquement grâce aux tuyaux d’un des gangs rivaux des Jones. Ils sont là pour démonter un cartel. Pas pour me sauver.
— Elle n’est pas avec nous ! C’est notre captive ! Nous l’avons kidnappée. Dit le chef.
Non. Il ne peut pas faire ça. Je ne veux pas être séparé d’eux. Je ne veux pas qu’on croit que je suis là par obligation alors que c’est faux. J’essaie de hurler, de leur dire que je ne suis pas leur prisonnière mais son regard m’en dissuade et ma bouche reste fermée.
Je cours vers lui. Mes poumons brûlent, je ne peux plus respirer. Les coups pleuvent. Le claquement des matraques résonne dans tout mon corps. Ces hommes que j’ai rencontrés, qui sont devenus pour certains des amis, se font maintenant battre. Je ne peux rien faire. Je ne peux pas les sauver. Je ne peux plus me sauver. Ils m’ont emmené trop loin. Il m’a emmené trop loin. Je fais partie des leurs maintenant. Je ne veux pas les quitter.
Je l’atteint enfin après avoir traversé cette grotte que j’ai foulé tant de fois. Où nous avons rit, où nous nous sommes disputés, où nous nous sommes rapprochés. Malgré tout ce qui a pu se passer, je ne reviendrais en arrière pour rien au monde. Ma vie d’avant été ennuyante et mensongère. Elle ne fait que me laisser un goût amer dans la bouche.
Il m’attrape et me plaque contre le mur. Je sens son corps chaud se tendre sous les coups du policier. Ses muscles se contractent sous les assauts de la matraque. Il fait barrière avec son corps. Il me protège. Alors qu’il ne me doit rien. Il n’a pas à faire ça. C’est de ma faute s’il est dans cette situation. C’est moi qui devrait prendre les coups et endosser la responsabilité. Mais certainement pas lui. Il ne mérite pas ça.
Je me perds dans son regard sombre. Est ce que c’est la dernière fois que j’admire ses magnifiques prunelles ? Non. Ce n’est pas possible. Son regard est empli de douceur. Aucune colère malgré la situation. Pourquoi ? Il devrait me haïr.
Le policier lui met les mains dans le dos. J’entoure sa taille de mes bras et le sers de toutes mes forces. Mon corps tremble. Non ! Ils ne peuvent pas l’emmener. Si je n’étais pas venue ici, rien de tout ça ne serait arrivé. Je m’en veux tellement. Des larmes coulent le long de mes joues. Il n’essaie pas de se débattre. Il accepte son sort. Non ! Il n’a pas le droit de m’abandonner. Je ne veux plus de ma vie d’avant.
Il libère une de ses mains, détache les miennes de son corps et me caresse la joue tendrement. La chaleur de sa main contraste avec le froid mordant de la grotte. Un frisson me parcours. Il esquisse un léger sourire. Je l’ai rarement vue sourire. Mon coeur se serre. C’est peut-être la dernière fois que je le vois et ça me terrorise. On va m’obliger à reprendre ma vie, cette vie dont je ne veux plus.
Il l’emmène et un policier me tire dans une autre direction. Mon corps est emmené de force, chaque mouvement me fait souffrir. Nos regards ne se quittent pas jusqu'à ce qu’on entre dans un tunnel humide et sombre, où l’air me brûle les poumons.

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