Chapitre 1 (Aria)
J’admire la clarté du ciel bleu, lorsque l’on arrive près d’une cascade. Le soleil reflétant dans l’eau me donne envie de plonger dedans. J’ai envie de me perdre dans la plénitude que l’on ressent lorsque l’eau nous enrobe. Max, notre braque de Weimar, fonce dans l’eau en nous éclaboussant. Je regarde ma mère heureuse, cela faisait des années que je ne l’avais pas vu sourire à cause de tout le travail qu’elle a avec l’entreprise. Et aujourd’hui enfin depuis notre arrivée au mont Rodson, elle n’arrête pas.
Mon père, un sourire au lèvre, s’amuse à nous jeter de l'eau. Mon frère, quant à lui, décide de me pousser dans le petit étang. Je me retrouve avec les chaussettes trempées. Furieuse. Je me mets à lui courir après en lui lançant des bâtons. Nous éclatons de rire. Je réussis à le rattraper et nous tombons tous les deux dans l’herbe. Il me bloque au sol et commence à me chatouiller. Je rigole à en avoir mal au ventre. Il arrête. Nous nous allongeons pour regarder les nuages.
Je lui montre du doigt un nuage qui ressemble à un lapin. Il sourit. Puis, avec son doigt, il m’en montre un qui ressemble soit disant au faucon millénium. Mon frère est un fan de Star Wars et pour lui tout ce qui se trouve autour de nous se rapporte forcément à un élément de son univers favoris. Même si cela peut sembler parfois un peu encombrant, le voir aussi épanoui, nous emplit de bonheur.
C’est la dernière année que je pars en vacances avec mes parents, en effet dans 2 semaines je resterai ici au Canada pour vivre mon rêve et mes parents repartiront à New York. Bien que triste de cette séparation, j’ai toujours voulu devenir photographe. Je vais pouvoir vivre ma vie aussi parfaite que je l’imaginais, dans le plus beau pays du monde.
J’ai choisi le Canada pour ses magnifiques paysages et aussi parce que ma meilleure amie Elisabeth vient y faire son école de mannequinat. J’ai hâte de la prendre en photo devant ses sublimes montagnes, en hiver, lorsque tout est recouvert de neige. Ou encore devant ses super torrents, en été, sous un soleil brûlant.
Nous descendons le reste de la piste lorsque le soleil descend vers l’horizon. Je m'arrête pour prendre Max en photo devant le soleil couchant. Il pose tel un professionnel. Assis sur un rocher. Près d’un torrent. La langue pendante. Le regard perdu au loin.
Arrivée dans notre petite résidence, nous dînons sur la terrasse en ayant une vue sur la montagne. Il n’y a personne autour de nous. Pas une maison à moins de trente minutes de route. C’est agréable. Cela nous déconnecte totalement du reste du monde. Il est vrai que ça change du brouhaha incessant de New York et de la cadence de travail que ma famille peut avoir.
En effet, dans quelques années, mon grand frère sera à la tête de notre entreprise. Mes parents pourront enfin se reposer. Il a toujours été fait pour ça. Contrairement à moi. J’ai toujours détesté l’informatique et les affaires. Depuis sa plus tendre enfance, mon père lui a transmis sa passion pour qu’il devienne le parfait héritier de la famille Wesley. Ils n’ont jamais eu autant d’attente vis-à -vis de moi. Étant une bonne élève, ils m’ont autorisé à vivre de ma passion.
Nous terminons la soirée autour d’un jeu de société, dans une ambiance légère et ponctuée de rires, avant que la fatigue ne vienne doucement m’envahir. Je décide alors de rejoindre ma chambre. À peine entré, je me laisse tomber sur mon lit, savourant la douceur des draps et le calme environnant. Par la fenêtre entrouverte, le ciel nocturne m’offre un spectacle apaisant : une multitude d’étoiles scintillent, c’est magnifique. Le regard perdu dans cette immensité, je laisse mon esprit vagabonder. Déjà, j’imagine la journée du lendemain. Emplie de découvertes et de moments précieux. Une douce excitation me berce peu à peu vers le sommeil.
Minuit et demi. Je me réveille en sueur. Je suis trempée. Un frisson me parcourt le corps. J’ai dû faire un cauchemar dont je ne me souviens pas. C’est la seule explication car je suis terrifié. Un sentiment d’insécurité m’angoisse. Comme ci quelqu’un m’observait. Je sens la fenêtre dans mon dos. Elle est entrouverte. Il faut que je la ferme.
Je me redresse lentement. Mon cœur bat à tout rompre. Il faut que je me calme. Je respire. J’avance ma main vers ma table de nuit. A taton, je cherche l’interrupteur de ma lampe. Le temps passe lentement. Trop lentement. J’ai l’impression que je ne trouverais jamais ce foutu interrupteur. Une goutte de sueur perle sur mon front.
Enfin ! La lumière s’allume. Rapidement, je passe ma chambre en revue. Personne. Je suis vraiment perdue. C’est seulement mon imagination qui me joue des tours.
Je me tourne vers ma fenêtre. Rien. Seulement le vent dans les feuilles. L’obscurité de la nuit. Les étoiles. Je me lève doucement. Ma main atteint la poignée. La fenêtre est fermée. Je suis en sécurité.
Je retourne me coucher. Dos à la fenêtre. Je ferme les yeux et remonte la couette sur moi. C’est tellement facile de me faire peur. Ce n’est rien. Sûrement un mauvais rêve. Je me retourne. Voir l’extérieur m’angoisse. Je ne comprends pas. Je passe la couette au-dessus de mon visage. J’ai quel âge pour faire ça ? Je ne suis plus une enfant. Bientôt, je vais aller dans le lit de mes parents !
Voilà, c’est ça qu’il faut ! Il faut que je me détende. Que j’oublie ce sentiment d’insécurité. Il n’est pas avéré. C’est seulement mon esprit.
La lumière et la couette me rassurent quelque peu. Mais, ce sentiment persiste. Qu’est ce qu’il m’arrive. Je n’ai jamais été insomniaque. Je n’ai jamais fait tellement de cauchemar non plus. Je n’ai jamais eu de problème quand je dors. Alors pourquoi ce soir ?
Je prends mon téléphone. Une heure du matin un peu passé. Peut-être qu’aller faire un tour sur les réseaux sociaux m’appaiseraient ?
Non. Regarder des trucs débiles ne sert à rien. Je me lève. Il faut que je bouge. Que je trouve quelque chose pour me changer les idées. Je regarde mon roman préféré sur ma table de nuit. D’habitude je le lirais car je sais qu’il me permettrait de penser à autres choses. Mais, pour une raison que j’ignore, je n’en ai pas envie.
Je décide de sortir de ma chambre. Dans le couloir, Max vient se frotter à mes jambes. Je me baisse et le caresse quelques instants. Sa chaleur me réchauffe le cœur. Je sens que mon esprit s’apaise légèrement.
Un bruit retentit. Mon regard se lève en direction du salon. Il y a quelqu’un. Non. Ce n’était pas un rêve. Quelqu’un est dans la maison ! Qu’est ce que je dois faire ? Je dois vérifier.
Discrètement, je m’approche de l’entrée de la pièce. L’angoisse me sert la gorge. Max me suit. Je sers fort mon téléphone dans la main. Prête à appeler la police. Lentement, je vois une ombre apparaître devant moi. Une ombre humaine.
Le soulagement envahit mon coeur. C’est mon frère. Il fixe quelque chose à travers la baie vitrée. Je m’approche de lui. Heureuse de l’avoir à mes côtés.
— Pourquoi tu ne dors pas Aria ? Murmure-t-il.
— Je ne sais pas… J’angoisse depuis un petit moment. J’ai dû faire un cauchemar. Et toi ?
Il se tourne vers moi et me caresse les cheveux en esquissant un léger sourire.
— Pareil… Me dit-il se retournant face à ce qui se trouve à travers la fenêtre.
Je me tourne vers l’extérieur. Les montagnes se dressent face à nous. Même la nuit, le paysage est à couper le souffle. Mon attention est soudain attirée par quelque chose. Plus bas. Plus proche de nous. Une ombre. Une grande ombre noire sur le sol. Qu’est ce que ça peut être ? Mon regard fait le tour de cette masse noire. Quand, un mouvement. Léger. Furtif. Presque invisible. Mais je l’ai vu. Je n’ai pas rếvé. J’en suis persuadée.
Je tourne la tête vers Zack pour savoir si je ne suis pas folle. Pour savoir s’il a vu la même chose que moi. Mais il n’est plus à côté de moi. Il est maintenant près de la porte. Il s’apprête à sortir.
— Zack qu’est-ce que tu fais ? Ma voix fascille légèrement.
— Ça fait au moins une demi-heure que je regarde cette ombre en me demandant ce que c’est. Donc maintenant je vais voir.
Je lui attrape le bras. Non, il ne peut pas faire ça. C’est dangereux. On n’a aucune idée de ce que c’est !
— On ne devrait pas plutôt appeler la police? Tu as vu comme moi ! On dirait qu’il y a quelqu’un dehors !
— Oh arrête ! Tu ne vas pas faire ta poule mouillée ? Tu n’es pas obligé de me suivre j’ai pas besoin de toi.
Il se libère de ma prise. Ouvre la porte et sort. Je m’accroche à lui de nouveau.
— Vient on va au moins prévenir Papa ! Si jamais on tombe sur un inconnu je ne pourrais pas t’aider !
— Putain Aria si t’as peur reste ici ! Arrêtes de me faire chier! Me hurle-t-il.
Je recule choqué par sa réaction. Mon frère, habituellement doux et protecteur avec moi, a complètement vrillé. Je ne le reconnais pas. Pourquoi ce soudain changement? Une envie d’aventure ? Une fascination pour le mystère ? Ou peut-être seulement que c’est sa façon de me dissuader de venir avec lui. Afin qu'il puisse me protéger plus facilement.
Je finis par me taire. Ça ne sert à rien. Je ne sais pas comment gérer ce côté de mon frère. Alors, je le suis. Il est hors de question que je le laisse y aller seul. Si jamais il y a un problème, il faut que je puisse prévenir quelqu’un. Nous allumons tous les 2 la lumière de notre téléphone.
Lentement, on s’approche de cette ombre. Plus on se rapproche, plus j’ai la sensation que l’on ne devrait pas être là. Nous finissons par arriver devant ce qui nous intriguait. Nous sommes alors plus que surpris de découvrir un énorme trou.
La terre s’est effondrée comme s'il y avait un grand vide sous le sol. Un frisson parcourt toute ma colonne vertébrale. La peur m'envahit instantanément. Je suis terrifiée. Cette sensation n’était pas un rêve. Il faut absolument qu’on parte d’ici ! immédiatement !
Mon frère observe les lieux quelques instants. Je tire sur sa manche. Il faut qu’on parte !
Un bruit venant du fond de la cavité retentit. Sans réfléchir, Zack commence à entreprendre de descendre. Sachant avant même que je ne prononce un mot que je ne pourrais pas l’en dissuader, je le suis. Je dois assurer sa sécurité. Cette idée m’aide à tenir. A surmonter ma peur. Je fais attention à ne pas glisser. Une fois en bas, je compose le 911. Juste au cas où.
Je relève la tête. Un long couloir me fait face. La terreur me sert la gorge. Qu’est ce que ça fait la. Pourquoi ? Ou est-ce que ça mène ? On ne devrait pas être là. On n’en a pas le droit. On n’est pas à notre place ! L’odeur de terre humide me prend instantanément au nez. J’attrape mon frère par le bras. Je le tire de toutes mes forces vers le chemin que nous venons d’emprunter.
— Zack, je sens qu’on ne devrait pas être ici, viens on s’en va ! Chuchotais-je.
— Non, je veux voir ce qui se trouve dans ce souterrain.
Trop sûr de lui, il se dégage facilement de mon étreinte. Il se dirige vers l’un des côtés de ce tunnel. Celui-ci sent la moisissure. Il est plongé dans l’obscurité. Quelques mètres plus loin, je suis effrayé de découvrir une lumière accrochée au mur. Mon frère passe devant. Indifférent. Pourquoi indifférent ! Il y a des humains ici ! Cette lumière n’est pas anodine ! Suis-je la seule rationnelle dans cette situation ?
Un frisson glacé court le long de mon dos. On entend des gouttes d’eau tombées au fin fond de ces souterrains. Tout est effrayant ici. Il faut absolument que l’on parte d’ici ! J’ essaye encore de faire changer d’avis mon frère sans succès. Il continue sa route sans même me lâcher un regard.
Nous arrivons à un carrefour où se trouvent deux autres tunnels. Zack décide de prendre celui de droite. Je le suis. Pourtant, mon esprit continue de me hurler de partir. Il faut que je sois là pour assurer sa sécurité ! C’est ce que je me répète en boucle. Je ne dois pas céder à la panique.
Une part de curiosité se mêle aussi à la peur. Je ne saurais expliquer pourquoi. Cette histoire attise mon intérêt. J’ai envie de savoir ce qui se trouve dans ce réseau souterrain. C’est peut-être dû au fait que depuis ma naissance je n’ai vécu qu’une vie tranquille et banale. Toujours les mêmes journées, études, diné professionnel, sourire et hypocrisie. J’aime ma famille de tout mon cœur. Mais, le monde dans lequel j’ai grandi ne m’a jamais fait rêver. On cherche toujours à plaire à tout le monde, dans le simple intérêt d’obtenir ce que l’on veut. Ce souterrain est donc aussi un peu une façon pour moi de m’échapper pendant quelques minutes de ce monde. De vivre réellement cet instant même si celui-ci est dangereux. Il me permet de pouvoir enfin ressentir quelque chose. Quelques choses de différents de ses sentiments que l’on m’a appris à créer, à travailler et à faire paraître devant la haute société.
Soudain, un écho inquiétant nous parvient. Des voix ! Ce sont des voix ! Elles se dirigent vers nous. Le souffle court, j’attrape le bras de mon frère et le tire pour que l’on parte. Il doit arrêter. On a suffisamment eu d’aventures pour aujourd’hui !
— Arrête Aria, j’essaie d’écouter ce qu’ils disent ! S’agace-t-il.
— Zack, arrête! On va se faire choper, sérieux, on a rien à faire là !
J’ai à peine le temps de terminer ma phrase. Un frisson me glace le sang. Il n’y a plus aucun son. Plus aucune voix. Mais des bruits de pas. Des pas rapides. De plus en plus forts. De plus en plus proche.
Sans réfléchir, on court. Je cours le plus vite que je peux. Je suis lente. Trop lente. Mon frère est à plusieurs mètres devant moi. Je me retourne. Quatres types se trouvent derrière moi. Ils nous pourchassent. Je trébuche en hurlant le prénom de Zack. Il se retourne un instant. Une main se plaque sur ma bouche. On me soulève. De toutes mes forces, j’essaie de m'y opposer. Je n’ai aucune chance. Je me débats. Encore et encore. Je réussis à dégager ma bouche. Je hurle dans tous les sens en appelant mon frère. Il ne bouge pas. Je l’implore. Pourquoi ne vient-il pas ? Pourquoi ne fait-il rien ? Il reste immobile.
On m’emporte. Je n’ai plus de force. Je ne peux plus rien faire. Je croise une dernière fois son regard bleu, impassible. Il ne bouge pas. Puis, il s’enfuit. Je ne me débat plus. Je ne lutte plus contre mes agresseurs. Une gifle invisible me coupe le souffle. Zack… m’a laissé. Il m’a abandonné. Moi, sa petite sœur. Aux mains d’inconnus. Sans essayer de me défendre… Moi, qu’il avait promis de protéger… Pourquoi ? Pourquoi me laisse-t-il ? J’étais censé pouvoir compter sur lui…
Mes jambes flanchent. Mes cris se perdent dans les souterrains. Les mains qui m’agrippent sont des chaînes. Impossible à briser. Ils m’entraînent loin. Toujours plus loin. Jusqu’à ce que je ne sois plus qu’une ombre dans une grotte démesurée.
On marche. Pendant, ce qu’il me semble être une éternité. Nous arrivons dans une partie bien plus grande des souterrains. Cela ressemble beaucoup plus à une grotte. Il y a une hauteur sous plafond de plusieurs mètres. En regardant vers le haut, j’aperçois des stalactites. Pas de doute, cette grotte n’a pas été créée par l’homme.
Je suis emmenée au centre de celle-ci. Un homme se dresse devant moi. Il est de dos, face à ce qu’il semble être un plan de ces souterrains. Il est vraiment géant. Un mètre quatre-vingt dix sûrement. Il est loin mon petit mètre soixante. Il porte des cheveux courts noirs. Son cou et ses bras sont recouverts de tatouages. Il ressemble à un colosse. Il doit être le genre de personne qu’il vaut mieux ne pas embêter.
Autour de lui se trouvent des dizaines d’autres hommes éparpillés un peu partout. Ils semblent tous tellement musclés. Leurs regards sont sombres. Ils n’ont pas vraiment l’air sympathique.
Je reporte mon regard sur ce monstre tatoué. Chaque mouvement de ses muscles semble calculé, et son regard, lorsqu’il se retourne, à la froideur d’un prédateur.

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