Chapitre 2 (Daemon)

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— Dépêchez-vous ! Si les flics arrivent, on est foutu !

Ma voix résonne dans le tunnel obscur, stridente. La peur, cette ennemie viscérale, pointe son nez, mais je la refoule aussitôt. La panique est un luxe que je ne peux pas me permettre. Pas maintenant. Pas quand tout ce que j'ai bâti menace de s'écrouler littéralement sous nos pieds.

Je cours vers la zone de l'effondrement, esquivant des hommes figés par la stupeur. Mes rangers écrasant des gravats encore chauds. Et puis je la découvre, l'étendue des dégâts, et le souffle me manque. Ce n'est pas une simple fissure. Non. C'est une bouche ouverte sur le ciel. Un grand trou d'au moins six mètres de long sur deux de large, déchirant la voûte de notre repaire. Des poutres tordues. Des câbles électriques sectionnés qui crépitent brièvement avant de s'éteindre dans un grésillement sinistre. Des morceaux de béton et de terre qui jonchent le sol. La poussière, épaisse et âcre, danse encore dans les faisceaux des lampes torches, créant un brouillard suffoquant.

Comment est-ce que ça a pu nous arriver ? Nous avions pourtant renforcé cette section, vérifié les structures. Une erreur de calcul ? Une faiblesse du terrain que nous avions négligée ? Peu importe la cause maintenant. Les conséquences sont là, tangibles et catastrophiques. Si les autorités sont au courant, si un habitant a entendu le vacarme assourdissant de l'effondrement et a donné l'alerte, on est foutu. Tout s'arrête ici. Pas seulement le business, nos vies.

Sans attendre, je me précipite vers la brèche. L'air de la nuit, frais et libre, me frappe le visage. Un contraste violent avec l'atmosphère confinée et rance des tunnels. Je respire à pleins poumons. Une bouffée salvatrice. Mais, je ne perds pas de temps. Chaque seconde compte. Je plisse les yeux, m'efforçant de percer l'obscurité, faisant le tour du trou pour en évaluer les contours, les risques immédiats.

Merde ! La découverte me glace le sang. A moins de cent mètres, nichée dans le paysage montagneux, se trouve une petite maison. Tous nos souterrains sont censés être isolés, perdus dans les contreforts rocheux, et évidemment, il fallait que le sol choisisse de s'effondrer juste devant chez quelqu'un ! Nous avions pourtant cartographié la zone. Nous avions fait attention à ne pas être trop proches des habitations, des routes. Mais non, il faut toujours que les touristes construisent n'importe où, sans se soucier de ce qui gît sous leurs pieds. Fait chier ! Je n'avais pas assez de problèmes ? Les stocks en baisse, les commandes pressantes, les rivalités , et maintenant ça ?

La colère, froide et acérée, remplace la peur initiale. Je me dirige vers la maison. Mes pas sont silencieux sur la terre humide. Il n'y a pas de lumière supplémentaire qui s'allume. Pas de mouvement derrière les vitres. C'est déjà un bon point. Peut-être que l'effondrement a été perçu comme un simple éboulement naturel. Un phénomène courant en montagne. Peut-être.

Je fais le tour de la bâtisse. Une construction modeste en bois. Scrutant chaque ouverture. Soudain, une faible lueur jaillit au travers d’une fenêtre. Je m'approche discrètement, me collant presque au mur, et j'aperçois une jeune fille aux cheveux bruns, assise sur son lit. Elle n'a ni l'air d'avoir entendu le vacarme, ni remarqué ma présence fantomatique dans son jardin. Tant mieux. Un problème de moins. Pour l'instant.

Je termine rapidement l'inspection des environs. Mes sens sont en alerte, cherchant le moindre signe. Une lumière qui s'allume au loin. Le bruit d'une voiture. Une silhouette à une fenêtre. Rien. Pas de sirènes hurlantes dans la vallée. Pas de vie. Pas de mouvement. Juste le calme paisible et trompeur de la nuit. C’est une bonne nouvelle. Un répit. Mais pas une absolution.

Je me glisse à l’intérieur de notre repère par notre nouvelle entrée involontaire, l'esprit déjà en train de trier les priorités. Je dois mettre cet incident de côté, le compartimenter, pour me concentrer sur notre problème principal : contenir la brèche. Rapidement, je rejoins le groupe d'hommes rassemblés près de l'effondrement. Leurs visages tendus éclairés par la lueur blafarde des lampes de chantier.

— Isaac ! Mick !

Ils se détachent de la foule, se postant devant moi, attentifs. Leurs traits sont graves.

— Vous allez chercher dix hommes. Les meilleurs. Prenez tout ce dont vous avez besoin : béton, poutres, tôles. Je veux que ce trou soit rebouché au plus vite. Complètement. On s’en fout si on a plus accès à ce tunnel. On trouvera une solution dans les jours à venir, un autre passage, on se débrouillera. Pour le moment, je veux que cette vue sur le ciel disparaisse. Que de l'extérieur, on ne devine plus rien. C’est compris ?

Ils n'ont pas besoin de répondre. Un hochement de tête sec, et ils partent en courant, appelant des noms, donnant des ordres brefs. L'efficacité. C'est ce qui me sauve toujours.

Ils me suivent toujours sans poser de questions. C’est ce que j’attends d’eux, ce que j'exige. La loyauté est une chose rare, précieuse, presque éteinte dans notre monde. Je ne saurais expliquer exactement pourquoi je réussis à susciter un tel dévouement. Ce n'est pas l'amitié, c'est une certitude plus primitive. Je pense qu'ils me respectent parce que je ne montre jamais de faiblesse. Je suis un roc, je prends des décisions peu importe leur difficulté. Et la peur que j'insuffle, cette terreur glaciale qui vous noue les entrailles, est un outil puissant, peut-être même plus que le respect. Ces hommes, triés sur le volet, ne sont pas ici pour leurs capacités sociales ou leur conversation, mais pour leur efficacité, leur obéissance et leur discrétion. Chacun de ces visages se souvient de la dernière fois où ils ont croisé ma colère. Le souvenir est une excellente façon de les garder motivés.

Je fais signe au reste du groupe de me suivre dans le tunnel, là où les dégâts sont moindres. Il faut absolument ramener le matériel du laboratoire clandestin qui se trouvait de l'autre côté de l'effondrement. La production, notre gagne pain, notre raison d'être. Chacun prend le maximum, chargeant des caisses lourdes d'équipements de chimie, de précurseurs, de produits finis ou semi-finis. Les visages sont tendus, les muscles saillants sous l'effort. Heureusement, l'éboulement n’a pas obstrué complètement le tunnel. Un passage étroit, dangereux, s'est formé entre les blocs de béton. Assez pour nous permettre d'accéder au labo et de sauver une partie du matériel. Une perte, oui, mais pas une hémorragie fatale. Pas encore.

Une fois le matériel précieux déposé en lieu sûr dans la partie principale, plus sécurisée, de nos souterrains, je passe à l'étape suivante. La sécurité. J'envoie quatre hommes, des silhouettes discrètes et aguerries, remonter à la surface par d'autres issues. Leur mission : s'assurer de l'environnement immédiat autour du trou, dissuader toute curiosité intempestive, et surveiller les équipes de Isaac et Mick pendant qu'ils rebouchent la brèche. Il faut que cette opération se fasse dans l'ombre. Sans un bruit de plus.

Je me dirige ensuite vers la salle de commandement, une pièce spartiate dont le mur principal est couvert d'un vaste plan de notre réseau souterrain. Notre magnifique résidence de taupe. Je scrute les lignes blanches, les salles indiquées, les tunnels secondaires. Où installer le nouveau laboratoire ? L'ancien est compromis, trop proche de la faille.

Peu d’endroits sont envisageables. Toutes les pièces actuelles sont occupées, saturées. Les entrepôts regorgent de marchandises et de matériel non lié à la production. La cuisine, les quartiers communs, les chambres… Pas une pièce de libre, pas un espace vide qui ne serve pas déjà une fonction vitale. Construire un nouveau labo maintenant serait une folie, un chantier trop long, trop visible, trop bruyant. Nous n’avons pas ce luxe. Nous avons déjà perdu trop de temps et de ressources.

Mon regard parcourt le plan, cherchant une solution, un compromis. Peut-être que l'idéal serait de libérer deux à trois chambres voisinese faire tomber les cloisons pour les rassembler en un espace unique. Ce n'est pas parfait, loin de là. L'aération sera mauvaise, les risques de contamination plus élevés, la discrétion moindre. Les hommes qui y dorment devront faire de la collocation serrée avec d'autres pendant un temps. Qu'ils n'aient pas tous leur intimité, leur petit carré de solitude, pendant quelques jours ou quelques semaines, n'est vraiment pas ma priorité. Leur confort passe après la survie du groupe. Ils le savent. Ils l'acceptent. Ils n'ont pas le choix.

Je suis tiré de mes réflexions stratégiques quelques minutes plus tard par des pas précipités. Un des hommes que j’avais envoyé en surveillance, le visage ruisselant de sueur et de tension, m’interpelle.

— Daemon ! On a un problème.

— Parle.

— On a attrapé une intruse. Elle se baladait dans le tunnel Est, près des réserves. Elle a dû s'engouffrer pendant la confusion, après l'effondrement.

Une intruse. Le mot résonne comme un glas dans le silence relatif de la pièce. Je me retourne lentement, et ma gorge se serre. Là, maintenue fermement par Jimmy, dont la main large enserre son bras menu, se tient une jeune femme. Une petite brune, les vêtements poussiéreux, les cheveux en désordre. Je la dévisage quelques secondes. Une vague de déjà-vu m'envahit. Est-ce que c'est la fille que j’ai aperçue dans sa chambre, il y a un peu plus d'une heure maintenant ? Cette silhouette frêle derrière la vitre ? La coïncidence serait trop cruelle.

Elle n’a rien d’un soldat, d'un espion ou d'un rival. C’est une petite chose fragile, perdue, un oiseau tombé du nid en plein orage. Comment a-t-elle pu pénétrer ici ? Par curiosité malsaine ? Par hasard ? Sans se douter une seconde de l'enfer dans lequel elle mettait les pieds ?

Ses yeux, d'un noisette clair, extraordinairement expressifs, se lèvent et me fusillent instantanément lorsque nos regards se croisent. Ils me défient, brûlants d'une colère qui semble disproportionnée. Mais ce n’est pas du vrai courage. C’est autre chose. Une fausse bravoure, un masque de rébellion qui menace de se fissurer à chaque seconde. Elle veut paraître forte, indomptable, mais elle ne sait pas à qui elle a affaire. Si seulement elle savait combien son défi m’agace autant qu’il m’amuse. Pourtant, derrière cette façade de feu, je sens la peur. Une peur animale, primale, qui s’insinue dans son souffle court et saccadé, dans ses mains crispées sur les coutures de son bas de pyjama, dans la légère tremblote de sa lèvre inférieure.

Cette fille n’est pas qu’une simple intruse. Elle est un problème vivant, respirant, et chaque seconde passée à la regarder, à décider de son sort, aggrave ma situation. Elle distrait mon attention des vrais problèmes.

— Laissez-moi repartir ! Je ne dirais rien de ce que j’ai vu ! Je vous le promets! Crie-t-elle, sa voix étranglée par l'émotion mais portée par une conviction désespérée.

Elle veut parler ? Négocier ? Pourquoi perdre du temps avec des promesses creuses, des réponses inutiles ? Ce qu’elle a vu, ce qu'elle croit savoir, m’importe peu en cet instant. Ce qui m’intéresse, c’est qu’elle se taise. Qu'elle obéisse. Qu'elle disparaisse du champ des variables à contrôler. Un témoin, même involontaire, peut anéantir des années de travail, de précautions. Elle doit absolument être tenue au silence. C'est une équation simple, brutale.

Chaque décision ici est un pari sur l'avenir. La solution la plus simple, la plus définitive, me traverse l'esprit. Je pourrais l’éliminer maintenant, ici même. Un coup de couteau rapide, un corps jeté dans un trou, et le risque disparaît. Mais… et si elle savait quelque chose d'important ? Si elle n'était pas seule ? Si son absence déclenchait plus de questions que sa présence ? Non, je dois attendre. Comprendre. Pas question de laisser une information cruciale, une menace connexe, me glisser entre les doigts par précipitation. L'interrogatoire viendra. Mais d'abord, les faits.

Je l’ignore, tournant mon regard vers Jimmy, un roc impassible.

— Elle était seule ?

— Non. Il y avait un garçon aussi. Il a filé comme un lapin dans le tunnel quand on les a surpris. On n’a pas réussi à l’attraper.

— Fait chier !

Le juron explose dans le silence, chargé d'une fureur contenue. Un témoin, c'est mal. Deux, c'est une catastrophe. Dont un en fuite. Putain !

— Ce gamin va ramener les flics, c'est sûr ! Faites-le chercher. Partout. Et vite ! Mobilisez qui vous voulez. Fouillez chaque centimètre carré. S'il a une once de jugeote, il est déjà en train de courir vers la civilisation. Si ce gamin ouvre la bouche, ne serait-ce qu'à un voisin, on est morts. Morts, vous comprenez ?

Mon ordre est lancé, relayés immédiatement par talkies-walkies. La traque est ouverte. Je me tourne à nouveau vers la fille. La source de tous ces ennuis immédiats. Je la rejoins en quelques enjambées rapides et l’attrape par le bras, au-dessus de la prise de Jimmy. Sa peau est froide sous mes doigts. Son corps entier se raidit, se rétracte à mon toucher, comme si je brandissait un fer rouge.

— Pourquoi ? Pourquoi tu es entrée, bordel ? T’imagine toutes les emmerdes que tu crées ? T'as une idée de la merde dans laquelle tu t'es fourrée ?

Je crache les mots. Je veux voir la peur, la comprendre, l'utiliser. Elle reste silencieuse, les mâchoires serrées, mais son regard ne cède pas d'un pouce. Elle fixe un point vague derrière mon épaule, refusant de me donner la satisfaction de la voir fléchir. Elle n’a pas vraiment l'air d’être une simple curieuse égarée… Alors pourquoi ? Quel instinct stupide ou quelle force extérieure l’a poussée ici ? Qui l’a envoyée ? Ou quoi ? Ses yeux continuent de me défier, mais derrière cette façade de pierre, je sens la peur grandir, comme une marée montante. Quelque chose dans son attitude, dans ce silence obstiné, me dérange profondément, comme si elle en savait déjà trop, comme si elle portait un secret qui pourrait tout changer.

Agacé, impatient, je la traîne avec moi, plus que je ne la guide. Elle résiste faiblement, ses pas trébuchant sur le sol inégal. Je la conduis vers une petite pièce excentrée, une antichambre oubliée que nous utilisons pour les "entretiens" délicats. La pièce est sombre, l'air suffocant, chargé de poussière et d'une odeur indéfinissable de renfermé et de rouille. Les murs de pierre suintent une humidité glaciale. Un unique néon clignotant au plafond diffuse une lumière blafarde qui accuse les ombres. Dans un coin, gisent les restes d'un corps. Une chaise bancale, en bois, trône au centre. Le siège est taché de traces brunes et de griffures profondes. Une commode rayée, au tiroir supérieur entrouvert, complète ce décor de cauchemar.

Sans un mot, je lâche son bras et vais à la commode. J'ouvre le tiroir d'un geste sec et en sors une vieille trousse de secours. Je lui fais signe de s'asseoir sur la chaise. Elle reste interdite, figée sur place, son regard passant de moi au corps, puis à la chaise souillée. Elle ne bouge pas, comme pétrifiée par l'horreur du lieu.

Mon regard suit le sien vers la chaise et la traînée de sang qui macule le sol. Agacé par cette perte de temps, je repousse d'un coup de pied rageur le corps, qui émet un bruit mou en heurtant le mur. Je passe ensuite ma manche sur la chaise, un geste rapide et inefficace pour enlever le pire de la saleté.

Cette fille, avec ses yeux trop grands et son silence éloquent, pourrait tout foutre en l'air. Sa simple existence est une épée de Damoclès. Pas question de la laisser partir vivante sans avoir compris l'étendue de la menace. Et les moyens ne manquent pas, dans ce lieu, pour réduire quelqu'un au silence, pour extirper la vérité ou pour faire disparaître un problème. Elle ne le sait pas encore, son esprit refuse probablement de l'admettre, mais elle est sur le point de le découvrir, de façon brutale et définitive. Chaque détail ici compte. Le cadavre. Cette fille. Le gamin inconnu en fuite. Ce foutu trou vers le monde extérieur. Tout représente un risque exponentiel. Tout ça peut me coûter cher, très cher, si je n’agis pas vite..

Impassible, elle finit par avancer d'un pas hésitant. Elle vient poser le bout de ses fesses sur le bord de la chaise, comme si le bois lui brûlait la peau. Je lui envoie la trousse de secours. Elle atterrit par terre devant elle avec un bruit mat. Elle la regarde, puis, d'un petit mouvement de pied dédaigneux, la repousse. Un geste puéril, un dernier sursaut de rébellion. Elle serre les poings sur ses genoux, les jointures blanches. Son regard vacille, se pose sur la tache de sang à ses pieds, puis remonte vers moi. Un instant, je crois voir la façade se craqueler, la peur l'emporter. Puis, comme par un effort surhumain, elle retrouve cette lueur de défi qui commence sérieusement à m'agacer. C'est un jeu dangereux qu'elle joue.

Le choix de ces souterrains n'est pas un hasard. L'isolement, l'écho, la poussière omniprésente et l’obscurité complice sont mes alliés. Elles m’aident à rendre chaque pas plus lourd, chaque souffle plus angoissant pour ceux qui se trouvent sur mon chemin, que ce soit un allié ou un ennemi. L'atmosphère même travaille pour moi, sapant le moral, amplifiant l'angoisse.

Je m’approche d’elle d’un pas rapide, décidé, commençant déjà à perdre patience devant ce théâtre inutile. Je me baisse, ramasse la trousse et la jette sur ses genoux. Cette fois avec une force qui la fait sursauter.

— Maintenant, tu vas faire ce qu’on te dit. Et tu vas fermer ta gueule. Entendu ?

Ce n'est pas une question. C'est un ordre. Le premier d'une longue liste.

Elle me dévisage quelques secondes, son regard noisette semblant peser le pour et le contre, évaluer l'étendue de son impuissance. Je vois le calcul derrière ses yeux, la lutte entre la fierté et l'instinct de survie. Finalement, lentement, avec une réticence palpable, elle obtempère. Elle ouvre la trousse, en sort un antiseptique et des compresses, et se nettoie les genoux éraflés. Ses gestes sont lents, mécaniques. Une fois terminé, elle referme la trousse et me la tend, sans un mot, en évitant mon regard.

Je la prends. Le contact est froid.

— Si tu fais ce qu’on te dit, si tu restes calme et discrète, tu n’auras pas à comprendre la complexité de ce qui se passe ici. Tu pourras peut-être même en sortir un jour. Mais si tu ne veux pas coopérer, si tu persistes dans cette… résistance stupide… il y aura d’autres moyens. D'autres chambres, plus sombres. D'autres méthodes, moins agréables. Pour te faire parler. Ou simplement pour te faire taire.

Chaque mot est posé avec une froideur calculée. Chaque mouvement, chaque expression est contrôlée. Je la domine. Elle est une variable à maîtriser. Un objet à manipuler, rien de plus. Une pièce sur l'échiquier, dont la valeur est encore à déterminer.

Je lui jette un dernier regard, un mélange de mépris et de curiosité clinique. Puis je tourne les talons. Je sors de la pièce, prenant soin de refermer la lourde porte de métal derrière moi. Elle se referme dans un grincement sourd, un bruit d'étau qui se resserre. La clé tourne dans la serrure, un claquement sec et définitif qui sonne comme un avertissement sans appel. Une interdiction pure et simple de s'échapper, de respirer l'air libre.

À l’intérieur, elle est seule. Seule avec l'odeur de la mort. Le froid de la pierre. Le silence pesant. Pour l’instant. Mais bientôt, quand j'aurai réglé les problèmes les plus urgents, quand j'aurai retrouvé ce foutu gamin, elle comprendra. Elle comprendra ce qu’il en coûte de se retrouver sur mon chemin, de devenir un problème dans l'équation parfaitement huilée de ma survie. La leçon sera rude. J'en ferai mon affaire.

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