Chapitre 3 (Aria)

17 minutes de lecture

La porte claque et je me retrouve seule face à ce corps. Le silence est assourdissant. Un vide oppressant enveloppe la pièce. Je me lève, fais le tour de la pièce, espérant y trouver quelques choses qui pourraient m’aider. Rien. Tout est vide. Même la commode est inutile, vide de tout contenu. Pourquoi mettre un meuble si c’est pour ne rien y ranger ? Mon regard scrute les murs, cherchant désespérément une issue cachée ou un outil. Mais, je n’y trouve que des traces d’humidité.

Une vague de désespoir me submerge. Mes mains tremblent. Cet homme, cet inconnu aux yeux froids comme l’acier, m'a enfermé ici sans explication. Il n’y avait aucune sympathie dans son regard. Aucune lumière qui pourrait me laisser espérer une quelconque humanité.

Et ce corps. Mon seul compagnon de cellule est un cadavre. Qu’a pu faire cet homme pour mériter ça ? Est ce que je vais finir dans le même état si je n'obtempère pas ? Non. Nous ne devions pas être dans la même situation. Il ne tuerait pas quelqu’un aussi facilement. Enfin, je l’espère.

Sans prévenir, un homme roux, trapu, entre sans un mot. Ses gestes sont brusques, presque mécaniques, mais ses yeux trahissent une certaine nervosité. Quand il attrape le cadavre par les bras, ses mains tremblent légèrement. Est-ce du dégoût ? Il me semble que c’est le même qui m’a amené à cette brute. Il me jette un rapide coup d’œil en glissant le corps, laissant une énorme traînée de sang à sa suite. Il sort tout en laissant la porte entrouverte.

C’est ma chance.

Je m’avance rapidement sans réfléchir. Je cours vers le tunnel sombre et froid qui se présente devant moi. Je cours. Mes pieds frappent le sol, mes muscles me brûlent. Je sens mon coeur battre à tout rompre. J’entends mon souffle résonner dans le vide que je parcours. Je me rapproche un peu plus de ce que je pense être la liberté. Mais avant même que je n’atteigne le virage, une poigne de fer me saisit. Il me soulève du sol comme si je ne pesais rien. Je cris, me débat. En vain :

— Il me semble que je t’ai demandé de rester sage.

Sa voix grave et menaçante vibre dans mes oreilles. Rien ne sert de se débattre, même avec toute l’énergie du désespoir, c’est inutile. Cet homme est une montagne. Son étreinte ne cèdera jamais.

Alors je change de tactique, je me concentre sur le trajet, afin de noter dans ma tête chaque intersection, chaque tournant, … Tout pour être sûr que dès que je pourrais m’enfuir je trouverais mon chemin facilement.

Il me jette dans une pièce semblable à la précédente mais cette fois avec un lit miteux et une table de chevet.

— Voilà ta chambre jusqu’à durée indéterminée. Cette porte sera fermée et tu pourras sortir quand je l’aurais décidé. Sache que plus tu seras sage, plus tu auras de droit.

Une fois cette mise en garde terminée, il tourne le dos pour sortir. Je me rue sur lui et le pousse. Il est légèrement déstabilisé. Surpris de ce qu’il lui arrive. Je profite de ce moment d’hésitation et me mets à courir à toute vitesse dans le tunnel dans lequel nous étions arrivés. Je cours à perdre haleine. Mais en tendant l’oreille, quelque chose cloche. Aucun bruit de pas. Il ne m’a pas suivi. Je vais pouvoir être libre !

Non. C’est trop simple. Pourquoi ne me court-il pas après ? Je m’arrête un instant, cherchant des yeux ce géant qui me hante. Personne et toujours aucun bruit. Je me retourne pour reprendre ma course, mais, deux bras musclés surgissent de l’ombre, m’attrapant avec une facilité déconcertante. C’est lui, comment a-t-il pu me devancer ? Je me débats de nouveau dans tous les sens mais il n’y a rien à faire. Il ne desserre pas sa prise.

Il me jette de nouveau dans « ma chambre ». Une fois à terre, je me lève et cours vers lui afin d’essayer encore une fois de sortir. Mais, il m’arrête de nouveau d’un bras et me repousse, ce qui me fait retomber à terre. Décidément je suis vraiment faible physiquement.

— Je te déteste. Crachais-je, même si ma voix tremble un peu trop pour être convaincante.

— Tu n’apprends donc jamais ? Gronda-t-il, ses lèvres s’étirant en un sourire glacial. Essaie de t’échapper encore une fois et je te bute.

Ses yeux noirs me transpercent. Cette fois, il est différent, plus froid, plus menaçant. Je sens une boule se former dans ma gorge. Il ne plaisante pas. Il sort, me laissant seule dans cette chambre sinistre. Mon corps tremble, mais pas seulement à cause de la peur. Je me sens humiliée, piégée, réduite à l’état de proie.

Je m’allonge sur le sol, et fixe le plafond. Je laisse mes pensées s’organiser. Fuir. Ce mot hante mon esprit. Mais cette fois, je ne serais pas impulsive. Chaque détail compte : le nombre de pas jusqu’à la porte, la façon dont il garde toujours la clé dans sa poche droite…Pour le moment il faut que je garde mon calme, peut-être que si je l’écoute et que je reste sage il me laissera partir.

Je ne sais pas quoi faire. Il n'y a absolument rien dans cette pièce. Le lit est recouvert d’un drap qui semble avoir vu les pires atrocités. Je ne vais pas dormir là-dedans. Je me lève et me mets à tourner en rond. Comment ai-je pu arriver là ? Tout est allé si vite. Un instant, j’étais en vacances, et l’instant suivant, me voilà prisonnière d’un homme sans pitié. D’un monstre qui tue sans ciller. Je ne comprends même pas pourquoi il me garde. Il ne peut pas tout simplement me laisser partir ? S’il ne veut pas que je parle sur ce que j’ai vu, il suffit que je lui promette non ? Je comprends qu’il n’ait pas confiance en moi. Mais, qu’est-ce que ça m’apporterait de le dénoncer à part des problèmes.

Et mon frère… Où est-il ? Pourquoi ne fait-il rien pour me retrouver ?

Mon dieu ! Mon cœur se serre en pensant à mes parents. Ils doivent être morts d’inquiétude. Je pris pour qu’ils aient alerté la police. Mais une partie de moi sait que c’est inutile. Ces hommes ne laissent aucune trace.

Brusquement, la porte s’ouvre. Je sursaute. Un nouvel homme entre. Celui-ci m’attrape par le bras, je n’ai pas le temps de réaliser ce qu’il m’arrive qu’on m’emmène dans un couloir.

Après un virage, l’homme qui est à mes côtés ouvre une porte et me jette dedans avant de refermer la porte derrière moi. Décidément ! Ils vont s’amuser à me balader de pièce en pièce encore longtemps ? Je me relève et me frotte les genoux. Devant moi se trouve un grand bureau noir en désordre, une chaise de bureau et sur le côté se trouve une bibliothèque.

Je passe derrière le bureau et commence à fouiller. J’y trouve un journal ou on parle d’un tremblement qu’il y a eux et qui évoque le fait que étonnamment lorsque les autorités sont arrivées sur les lieux, ils n’ont rien trouvé. Pas même une petite fissure qui montrerait la présence d’un effondrement. Comment ont ils pu faire disparaître ça en si peu de temps ? Personne n’est au courant ! Pas même un article qui montre que mon frère a parlé de ma disparition ! Je continue de farfouiller sur le bureau et tombe sur des photos. Un homme abattu. L’autre sur une chaise en train d’être torturé. Et, encore une ou l’on voit une femme à moitié nue qui git sur le sol.

Je sursaute lorsque l’homme qui semble être le boss entre dans la pièce. Je laisse tomber les photos par terre. Il me regarde avec intensité. Je décerne de la colère dans ses yeux. Je suis pétrifiée. Il vient de me surprendre en train de fouiller dans son bureau. Je ne sais pas du tout comment réagir. Je continue alors à soutenir son regard d’acier. Après quelques secondes à se fixer dans un silence de mort, il se dirige vers moi, m’attrape le poignet et me maintient en place à quelque centimètre de lui.

— Je pensais que tu avais compris et qu’on allait pouvoir avancer mais apparemment non ! Bordel je pensais pouvoir te laisser circuler parmis nous ! Mais non, tu préfères jouer aux rebelles ! Je vais donc te réexpliquer simplement car tu ne sembles pas bien comprendre la situation… commence-t-il en me serrant le poignet de plus en plus fort. Ici, c’est chez nous, tu n’as rien à faire ici et tu ne repartiras jamais car tu en as déjà bien trop vu. Alors c’est simple tu fermes ta gueule, tu fais se qu’on te demande et peut-être qu’on pourra rendre ton séjour ici un peu plus agréable. Mais essaie de t’échapper, de fouiller encore une fois quelque part ou même simplement de parler un peu trop et je te bute. C’est clair ?

Je continue de le fusiller du regard sans répondre. Il ressert encore sa prise autour de mon poignet. Ça me fait mal. Je me tais. Je dois rester forte. Peu importe ce qu’il me dit. Il me regarde avec une telle dureté que j’ai l’impression que cet homme n’a pas d’émotions. Il me fait tellement mal. Je finis par tressaillir et romps notre échange visuel. Il desserre son emprise et me traîne derrière lui. Je sais où on va. On se dirige vers ma « chambre ». Il ouvre la porte et me lâche le poignet une fois à l’intérieur. Il me scrute une dernière fois, me transperçant de ses yeux noirs. Puis, la porte se referme derrière lui.

Il revient quelques instants plus tard. Il me dépose un plateau et, sans un mot, repart. Dans l’assiette se trouve une espèce de bouillie et une tranche de jambon accompagné d’un verre d’eau. Je prends le plateau, m’assis sur le lit miteux et commence à manger. Je n’ai pas vraiment faim mais au moins ça m'occupe. Et puis, ce n’est pas si mauvais que ça. C’est une bonne purée de pomme de terre avec une pointe d’épice. C’est assez agréable mais je n’arrive pas à déterminer ce que c'est.

Cette pièce vide est d’un ennui mortel. Je n’ai rien à faire. Je ne sais pas quelle heure il peut être. Est-ce que ça fait longtemps que je suis ici ? J’ai l’impression que ça fait déjà une éternité.

Quelque temps plus tard, un homme vient me réveiller. Celui-ci m’est encore inconnu. Un sourire plaqué sur le visage, il semble presque chaleureux.

— Salut moi c’est Mick, je suis comme on peut dire le bras droit de Daemon ou si tu préfères son larbin.

Je ne suis pas vraiment sûr de comprendre. Donc déjà, Daemon est le gars qui me menace depuis le début et qui me retient prisonnière ici. Quelque part son prénom lui va bien. Pas de doute, c’est mon démon. Maintenant c’est sûr, il me hante… mais surtout il m’a dit que je n’aurais accès à rien. Alors pourquoi ce type a besoin de s’occuper de moi ? Je n’y comprends plus rien mais j’espère que Mick sera plus agréable que lui.

— Bon tu n'as pas l'air très bavarde si tu veux je m’en vais.

— Non ! C’est cool d’avoir quelqu’un à qui parler.

— Tu veux visiter ?

Je hoche la tête. Quitter cette chambre, même un instant, est une bouffée d’air frais. Après quelques minutes de marche dans de longs couloirs triste. Nous arrivons dans la grotte où je suis arrivée la première fois. Il y a quelques hommes qui s'affairent avec des outils dans leurs bras et d’autres qui discutent en fumant dans un coin. Il me montre le plan qu'observait Daemon lorsque je suis arrivée et m’explique les quelques endroits ou je n’ai pas droit d’aller. Puis nous nous dirigeons dans une autre salle avec plusieurs tables ou se trouve un self improvisé. Une petite femme aux cheveux courts sort d’une autre pièce. J’imagine que ce doit être la cuisine car elle porte un tablier. Elle se dirige vers nous.

— Salut je suis Nathalie. Me dit-elle avec une petite voix.

— Moi c’est Aria. Réponds-je avec un sourire.

— Si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là pour toi.

Elle me fait un petit sourire. Elle semble aimable et avenante. Peut-être que je pourrais m’en faire une alliée. Malgré tout, une pensée me tiraille. Cette femme me fait penser à quelqu’un. Je ne saurais dire qui. Est-ce que je l’aurais déjà croisé en dehors d’ici ? Je lui rends son sourire. Elle retourne ensuite en cuisine.

Mick s’approche de la table et me tend une madeleine que j’accepte volontiers. On se dévisage quelque seconde en mangeant notre gâteau. C’est vraiment un belle homme avec son regard émeraude et ses cheveux bruns, il est vraiment attirant.

— Alors tu t’appelles Aria. Me fait-il avec un petit sourire en coin.

Je hoche la tête et il poursuit.

— Et comment une jolie jeune fille comme toi a pu se retrouver ici ?

Est-ce qu’il me drague ? Sérieusement ? Dans ce genre de situation ? J’ai vraiment l’ai ouverte à ça ? Peu importe. Peut-être que si j’entre dans son jeu je pourrais me servir de lui. Je dois garder cette stratégie en tête. Séduire un homme pour m’échapper ? Aucun problème.

— J’ai bêtement suivi mon frère qui voulait voir ce qu’il se passait ici et voila je me retrouve seule et il n’a même pas l'air de me chercher.

On avance ensemble vers une autre salle.

— Je lui conseille de ne pas te retrouver ni d’appeler les autorités ou il risquerait de rencontrer la colère de Daemon et crois-moi ce n’est pas beau à voir.

— De toute façon ça m’étonnerait qu’il fasse quoi que ce soit, vous lui avez foutu une sacré frousse.

Un long silence passe avec que je n’arrive à lui poser la question.

— Tu n’as pas peur de lui ? demandai-je à mi-voix.

Mick hausse les épaules, mais son sourire disparaît.

— Tout le monde a peur de Daemon, Aria. La différence, c’est que je sais où m’arrêter.

Sa voix est douce, mais un frisson me parcourt l’échine.

Nous tombons nez à nez avec le fameux Daemon. Il me fixe de nouveau avec son regard ébène. Il a de grands yeux entouré de magnifique cils noir. Il a vraiment un beau regard. Bien qu’il reste effrayant. Il a un long nez droit et fin. Ainsi que de petites fossettes lorsqu’il esquisse un semblant de sourire. Il a vraiment un beau visage. C'est dommage qu’il fronce en permanence ses sourcils. Je le dévisage encore quelques secondes jusqu’à ce qu'il rompe notre échange de regard pour s’adresser à Mick.

— Pourquoi tu l’as fait sortir ? Je t’avais juste dit de la surveiller, je ne veux pas la voir.

— Elle peut bien sortir, ça ne lui fait pas de mal.

— Ouai bah si on lui laisse trop de liberté après elle va essayer de partir et se sera ta faute si on se fait tuer.

— Oh arrête elle est avec moi, il ne peut rien arriver.

— Je m’en fou tu la remets dans sa putain de chambre et je ne veux plus la voir, en plus elle ressemble à rien avec son putain de pyjama, elle est vraiment à vomir.

— Putain un peu de respect je suis là ! Criais-je.

Je fais demi-tour. Je pars. Je ne suis pas sa chose. Je suis un être humain bordel ! Si je suis en pyjama c’est bien parce qu’ils m’ont enfermé ici en pleine nuit sans mon consentement. Je bouillonne de rage. Je ne suis déjà pas bien traité. Il se permet même de critiquer ce qui est de sa faute. Non mais on croit rêver. Je sais que c’est un grossier personnage. Mais tout de même ! Il n’a aucun respect. Il se croit vraiment tout permis. Sans gêne.

Évidemment, comme je m’y attendais, il m’intercepte en m’attrapant par le bras. Il me tourne face à lui. Il me dévisage quelques secondes et recommence son monologue.

— C’est ton dernier avertissement…

Je n’écoute pas la suite. Je sais déjà ce qu’il va dire : tu n’as pas le droit de me contredire et si tu respires trop fort, je te bute. Je pourrais me sermonner moi-même.

Il devrait me faire peur, mais non. Je me sens juste outrée par ce qu’il ose me dire ! Il se croit tout permis ! Il pense être tout-puissant, mais pas avec moi. Il n’y a aucune chance que je sois soumise à ce type. Pendant qu’il continue son monologue, je le dévisage. Je regarde sa bouche. Elle est tellement attirante, particulièrement quand ses lèvres bougent. Mais qu’est-ce que je m’imagine ? Je suis en train de fantasmer sur les lèvres de mon kidnappeur ! Et ses cheveux aussi, d’un noir si profond, un peu décoiffés, ce qui le rend plus sympathique que l’expression qu’il a maintenant. Même le tatouage dans son cou est attirant. On dirait un dessin de panthère, mais comme il descend sous son t-shirt, on ne le voit pas complètement. Est-ce qu’il a des tatouages sur tout le torse ? Je n’en reviens pas d’être en admiration devant cet homme plus qu’insupportable, alors que je devrais juste avoir envie de vomir face à lui. Mais bon, après tout, ça me permet de m’occuper l’esprit pendant son interminable sermon.

Je suis tirée de mes pensées lorsque je l’entends hurler.

— Putain, mais tu écoutes ce que je te dis ?

Il se tourne vers Mick.

— Putain, elle est vraiment conne, ce n’est pas possible ?

— Elle a un prénom, bordel ! Criai-je, sans comprendre pourquoi je m’offusque du fait qu’il ne le connaisse pas.

Il se tourne vers moi avec un regard haineux que je n’ai encore jamais vu. Il attrape mon deuxième poignet et se met à les serrer très fort. Je commence à tressaillir de douleur.

— Et quel est son prénom ?

Je lui crache à la figure. Il lâche un de mes poignets pour essuyer son visage du revers de la main et m’entraîne derrière lui. Je ne sais pas ce qu’il m’arrive.

Il m’entraîne dans une pièce sombre. Une odeur de renfermé flotte dans l’air, mêlée à celle du métal rouillé. Les murs suintent d’humidité, laissant des traces sombres sur le plâtre écaillé. Chaque pas que je fais résonne étrangement, comme si la pièce elle-même amplifiait ma solitude. L’humidité colle à ma peau comme une seconde couche glaciale, et chaque goutte tombant du plafond résonne comme un compte à rebours macabre.

Il m’attache le poignet à une barre accrochée au mur. Il se dirige vers une petite table où sont posés plein d’objets qui n’ont pas l’air de bon présage, car plusieurs sont des couteaux de différentes formes. Et, à côté de ceux-ci se trouve un flingue. Il attrape le pistolet et se dirige vers moi.

— Je m’appelle Aria ! Je suis désolée, ça n’arrivera plus !

— Respect. Ce mot semble te poser problème. Murmure-t-il en tournant le flingue entre ses doigts. Pourquoi faut-il toujours… aller aussi loin pour se faire entendre ?

Il lève les yeux vers moi, un éclair sauvage traverse son regard. Avec un semblant de tristesse ?

— Crois-tu vraiment que j’ai envie de faire ça ?

— Je… Je… Je suis désolée.

— Oh ça, je suis sûr que tu es désolée. Me dit-il avec un sourire qui me donne froid dans le dos.

Cette fois-ci, j’ai peur, et il le sait. Mon souffle s’accélère, comme si l’air lui-même me trahissait. Je veux crier encore, hurler pour qu’on vienne m’aider. Mais à quoi bon ? Personne n’est là. Personne ne va venir. Je dois survivre. Juste survivre. Il faut que je trouve un moyen de me calmer, même si cela signifie me taire et obéir.

Il retourne à la table, repose le pistolet. Il se rabat alors sur une lame, puis se rapproche de moi. Mes tempes pulsent douloureusement, un martèlement sourd qui me brouille l’esprit. Je suffoque, l’air semble me manquer. Chaque seconde de silence est une torture. Des images de mes parents envahissent mon esprit : leur sourire, leur voix. Que penseraient-ils s’ils me voyaient si faible ? Non, je ne peux pas céder à la panique.

Il pose le couteau près de ma mâchoire. Juste assez pour que je sente le froid de la lame contre ma peau. Son regard plonge dans le mien, et une grimace étrange se dessine sur ses lèvres.

— Tu penses que c’est fini, Aria ? Que ça s’arrête là ? Tu te rends compte que je ne peux pas laisser ce manque de respect impuni…

Sa voix est calme, presque douce. Mais c’est cette douceur qui me glace le sang. Il recule d’un pas, laissant un silence pesant s’installer, comme s’il savourait ma peur.

Je hoche la tête.

— Je t’en supplie, je serai sage maintenant.

Une larme coule le long de ma joue et il vient la lécher.

— Oh, ne t’en fais pas, je ne vais pas te tuer…

Je sens mon cœur se soulager. Je ne vais pas mourir. Il ne va pas me tuer. Il n’est pas si horrible que ça, il faut juste que je reste sage et que je me taise.

— Tu crois que j’aime ça ? Lâche-t-il, presque à lui-même. Ce serait tellement plus facile si tu savais écouter. C’est eux ou moi, Aria. Et je choisis toujours moi.

Son regard s’assombrit, mais une lueur de regret traverse brièvement ses yeux.

— Ce serait tellement plus simple si tu comprenais sans que je doive insister… Mais je suppose qu’on ne peut pas tout avoir, n’est-ce pas ?

Ses mains tremblent légèrement. Est-ce de rage, de regret… ou d’excitation ? Je n’arrive pas à le savoir, et cela rend chaque seconde plus insoutenable.

Je me mets à crier en espérant que quelqu’un vienne m’arracher à ses griffes, mais personne ne vient. Il fait glisser la lame le long de ma mâchoire, sans appuyer. Un sourire étire lentement ses lèvres.

— Non… abîmer ce joli visage serait du gâchis. Je préfère que tu me regardes, entière, quand tu comprendras à quel point tu n’as pas le choix.

Je me mets à sangloter de plus en plus fort. Il s’écarte un peu de mon visage et attrape mon poignet encore une fois. Puis, il me taillade la peau légèrement. Je commence à saigner et ça me fait mal. Il approche ma blessure de son visage et vient me lécher le poignet. Un frisson étrange, moitié horreur, moitié… autre chose, me parcourt. Comment puis-je être à ce point terrifiée et perturbée par une sensation si contradictoire ?

Comme il n’a laissé qu’une petite entaille d’environ cinq centimètres, celle-ci s’arrête rapidement de saigner.

— Ceci est un avertissement. Là, je n’ai pas fait grand-chose, je n’ai même rien fait, car je t’accorde le bénéfice du doute et j’espère que maintenant tu vas la fermer et me respecter. C’est compris ?

Je hoche la tête et attrape mon poignet. Mes poignets me brûlent, marqués par ses doigts comme un rappel cruel de sa force. Mon cœur bat si vite que j’ai l’impression qu’il va exploser. Mais le pire, c’est ce regard. Ce mélange de calme et de violence retenue qui me paralyse. La marque n’est pas très importante et ce n’est pas si horrible que ça. Il part reposer son couteau et je suis surprise du calme qui l’habite, alors que je pense que sa vengeance aurait dû être beaucoup plus douloureuse vu ce qu’il m’inspire.

Quand il me libère enfin, je reste collée au mur, incapable de bouger. Mon corps entier tremble, mais je ne sais pas si c’est la douleur ou la peur qui me paralyse.

— Sors, maintenant.

Sa voix est tranchante. Il détourne le regard.

Mick m’attend derrière la porte, adossé au mur, les bras croisés. Ses yeux s’arrêtent un instant sur les marques à mes poignets, une ombre de colère ou de regret traverse brièvement ses yeux. Mais il reste silencieux, figé dans une neutralité qui me rend folle. Son silence m’insupporte. Ai-je seulement encore le droit d’espérer qu’il fasse quelque chose pour m’aider ?

Annotations

Vous aimez lire Lucie Urlacher ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0