Chapitre 7 (Aria)
Je me réveille pétrifié. Daemon est là. Appuyé sur la chambranle de ma porte. Son regard n’est pas comme d’habitude. Il est répugnant. Empli de quelque chose de différent. Il se lèche les lèvres. Je ne voudrais pas être dans ces pensées à ce moment précis. J’ai envie de fuir. Mais pas comme le premier jour. J’ai envie de fuir cet homme. Il me terrorise à cet instant. Un prédateur face à une proie. Une proie c’est exactement ce que je suis. Je suis à sa merci.
Je m’empresse de me lever. J’enfile rapidement mon t-shirt de la veille, sur mon pyjama, afin de masquer au maximum mes seins. Mon attention se tourne à nouveau vers ce colosse. Toujours immobile. Il me fixe. Je me replonge dans ce regard sombre. Un frisson me parcourt l’échine. Pourquoi est-il là ? Pourquoi ne me dit-il rien ?
Une lueur traverse son regard. Je ne saurais l’interpréter mais ça me glace le sang. Il esquisse un semblant de sourire. Un sourire vicieux. Obscène. Mon regard se déplace instinctivement vers son entrejambe. Il semble à l’étroit. Il me dégoûte. Et en même temps, quelque chose d’autre traverse mon corps. Je le savais cruel mais je ne pensais pas que c’était un pervers sexuel.
— Tu me dégoûtes. Lui crachais-je haineuse.
En deux enjambées, il est proche de moi. Son sourire étrange se transforme en une grimace déformé par le dégoût. Je ne comprends pas. Qu’est ce qu’il me veut ? Pourquoi ce changement ? Est-ce que maintenant je l'écoeure ? Mais pourquoi ? Je nage encore en plein questionnement face à cet homme.
— C’est toi-même qui devrait te dégoûter… Me dit-t-il en me fusillant du regard.
Je le fixe bouche bée. Quoi ? Je n’ai rien à me reprocher ! J’ai toujours été une fille exemplaire. Je n’ai jamais fait de mal à personne. J’ai toujours rendu fier mes parents. Alors pourquoi ce type ose me juger ? Il ne me connait même pas ! Il bande face à moi, excité de me voir démuni et je suis la personne à blâmer ? On croit rêver !
— Oh tu fais semblant de ne pas comprendre. Dit-il en rigolant. Tu es ce genre de nana à juger les gens du haut de ton pied d'estale alors que tu es 100 fois pire qu’eux …
— Mais de quoi tu parles ? Demandais-je de plus en plus apeuré.
Il s’approche encore de moi et vient appuyer sa verge contre mon ventre. Un haut le cœur me prend au tripe. Qu’est ce que j’ai bien pu faire pour exciter autant cet homme déviant ? Il prend plaisir à me voir apeuré. C’est ça qui l’excite ? Plus j’ai peur, plus il prend de plaisir. Quelle horreur. Je ne dois pas me laisser faire. Je dois me battre.
Sa main vient passer une mèche derrière mon oreille. Son souffle contre ma nuque me donne des nausées. J’ai envie de m'éloigner de cette ordure. Mais, son corps me maintient près du mur. Je n’ai aucun échappatoire.
Mon corps me trahit. Malgré l’horreur de la situation, il réagit face à sa présence. C’est une réaction physiologique incontrôlable. Pourtant la peur devrait la stopper. Mais non. Je ne comprends pas moi-même mes propres réactions. Comment est-ce que je peux les contrer ? Je perds totalement le contrôle de moi-même.
— Je sais que ta famille est impliquée dans le trafic de jeunes femmes. Me chuchote-t-il à l’oreille.
— Mais c’est complètement faux! Criais-je en le repoussant. Nous ne sommes pas ce genre de monstre!
Il fascille un instant, déséquilibré par mon geste. Mais, il ne fait rien. Il reste la, stoïque.
— Ah bon ? Alors pourquoi un certain Eric Wesley, marié à une certaine Meredith Wesley est un des plus gros donateur de ce trafic ?
Cette quoi cette connerie ? Ce n’est pas possible, nous ne sommes pas ce genre de famille? Notre fortune vient seulement de notre entreprise d’informatique ?
Oui, c’est forcément un mensonge. Daemon, cet être impitoyable, use vraiment de tous les stratagèmes possibles pour me faire plier et pour assouvir ces désirs. Il n'y a que cette explication. Sinon pourquoi serait-il en train de se réjouir de cette nouvelle ?
— Oh tu n’étais pas au courant ? C’est pour ça qu’ils n’ont pas lancé d’avis de recherche. Ils auraient trop peur que la police tombe sur leur petit trafic. Tu ne sortiras jamais d’ici ! Me dit-il en souriant de toutes ses dents. Et je ne sais pas pourquoi mais tu es ultra excitante quand tu as peur…
Je me mets à sangloter. Je suis face à un putain de pervers qui trempe dans je ne sais quelles affaire illégales. Mes parents, ces êtres en qui j’ai toujours cru. A qui j’ai donné tout mon amour. Toute ma vie.Toute ma confiance. Ils m’ont trahis. Ils ne viennent pas car ils sont dans les mêmes trafics louches que Daemon.
J’ai totalement perdu le contrôle de mon corps, qui frissonne au contact de cette brute.
Et je suis face à un homme qui a une érection devant mon désarroi. Va-t-il se servir de moi ? Va-t-il m’obliger à faire des choses ? Je ne pourrais pas résister. Il vient de briser mon cœur. Je n’ai plus le courage de me défendre maintenant. Et je ne sais même pas si j’aurais vraiment envie de résister.
Peut-être que succomber ne serait pas si terrible…
— Je sais très bien à quoi tu penses. Certes tu me fais bander car j’ai des fantasmes particuliers mais je ne suis pas ce genre d’homme. Je ne force pas une femme à faire ce dont elle n’a pas envie.
Il fait demi-tour et sort de ma chambre. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’il vient de se passer. Je suis totalement perdue. Comment peut-il être aussi cruel ? Comment mes parents peuvent-ils être des criminels ? Et pourquoi mon corps a autant envie de lui alors que ma tête crie le contraire ?
Je m’avance vers la porte comme ci elle allait s'ouvrir pour une fois. Comme ci j’allais enfin trouver une solution à tout ça. Je baisse la poignée et elle s’ouvre réellement. Je n’en reviens pas. Il n’a pas refermé la porte. Est-ce que c’est un test ? Je m’en fiche. Il faut que j’essaie, car maintenant, personne ne viendra me secourir.
Je dois partir loin. Partir loin de tout. De ma famille. De ce pays. De cet homme. Plus rien ne me retient ici.
J’ouvre lentement la porte et sors doucement. Je regarde à droite, à gauche, le couloir est libre. Pas de caméra au plafond. C’est ma chance. Je sais que si je me fais prendre, je vais avoir très mal. Mais personne ne viendra me sauver. Je suis seule dans cette situation. Je ne peux compter que sur moi-même.
J’avance rapidement en longeant le couloir. Ces couloirs n’ont rien à voir avec la grotte principale, ils ont été créés par l’homme. Je les connais maintenant. J’avais pris soin de noter l’itinéraire dans ma tête lors de ma précédente tentative d'évasion. Arrivé à une intersection, je me plaque contre le mur et regarde de chaque côté. Une goutte de sur coule le long de ma tempe. Personne pour le moment. Je continue tout droit jusqu'à la grande cavité. Il faut que je regarde le plan afin de pouvoir trouver une sortie plus facilement. A l’entrée de celle-ci, je penche légèrement la tête. Personne non plus. Je trouve ça étonnant. J’avais pourtant l’impression qu’il y avait toujours des gens en action ici. J’avance aussitôt jusqu’au plan, en restant sur mes gardes.
Soudain, j’entends des pas venant d’une des entrées. Rapidement, je me faufile sous le canapé se trouvant devant la carte. Ils approchent de plus en plus et s’arrêtent juste devant moi. Je retiens ma respiration. La peur me serre la gorge. Je ne dois pas me faire prendre ! Je les entends parler de laboratoire mais n’y prête pas attention. Je préfère me concentrer sur les différents couloirs que je peux observer devant moi. Des dizaines de couloirs s'entremêlent. Je dois me concentrer. J’enregistre l’itinéraire le plus rapide et le plus sûr.
De longues minutes passent avant que les 2 hommes ne partent dans un autre couloir. Je sors rapidement de ma cachette et cours le plus discrètement possible dans le tunnel que je dois emprunter. C’est trop facile. Je n’arrive pas à y croire. Personne dans les couloirs. Pas de signalement suite à mon absence. Je recommence à reprendre espoir. Je vais être libre !
Pas question de reprendre ma vie d’avant. J’oublierais tout ce qu’il s’est passé ici. J’oublierais ma famille, au moins pour un temps. J’irais en Europe. C’est un endroit accueillant et je parle même français, je pourrais facilement m’y intégrer. En plus, les grands-parents d'Elisabeth y habitent. Je pourrais la contacter et m’arranger pour vivre avec eux temporairement. Je pourrais avoir une nouvelle vie.
Je sors de ma torpeur pour me reconcentrer. Avant ça, je dois trouver la sortie.
J’y suis presque plus qu’à tourner encore une fois à gauche et normalement je vais trouver un escalier. Je cours à toute vitesse. Mes muscles brûlent. Ma respiration est haletante. Mais, je dois continuer. Je ne peux pas échouer.
NON !
Brusquement, je m'arrête. Mick se tient devant moi. Non ! Il me dévisage suspicieux. Mon corps tremble. La panique me submerge. Je ne peux pas abandonner maintenant. Je suis arrivée là, je ne peux pas perdre. Pas maintenant. Pas si prêt du but ! Il faut que je tente le tout pour le tout.
— Je t’en supplie Mick laisse moi passer. Dis-je désespérément.
— Tu sais très bien que je ne peux pas faire ça.
— Il ne saura jamais que tu m’as aidé ! Je t’en supplie je dois retrouver ma vie.
— Je ne peux pas trahir Daemon. Répond-t-il distant.
Je me faufile à côté de lui et me mets à courir. Je l’entends me dire “désolé” mais il ne me suit pas. Je ne cherche pas à comprendre pourquoi. Il ne faut pas que je réfléchisse. Il faut juste que je me dépêche de trouver la sortie. Peut-être que c’est un élan de générosité qui lui a permis de ne pas me suivre. Oui, il m’apprécie. Il m’aide même s’il dit le contraire.
J’aperçois enfin l’escalier. J’enchaine les marches 2 par 2. Je tends ma main vers la poignée. Oui ! Je vais enfin pouvoir sortir. Je vais pouvoir revoir le soleil, sentir l’air frais sur mon visage. Mon cœur bat à tout rompre. J’appuie sur la poignée.
Non ! Je la secoue dans tous les sens mais elle ne s’ouvre pas.
— Non, non, non! Hurlais-je.
— Tu pensais vraiment que j’allais laisser les portes ouvertes en sachant que j’avais laissé ta porte ouverte. Dit une voix que je connais bien trop à mon goût.
Un frisson glacé me parcourt la colonne vertébrale. Des gouttes de sueur perles sur ma nuque. j’ai perdu. J’ai été trop naïve. Trop inconsciente. J’ai cru pouvoir gagner. Mais non. Évidemment que non. C’ét ait trop simple. Je ne dois pas perdre la face. Je ne dois pas lui montrer que j’ai peur.
— J’en étais sur c’était un putain de teste. Dis-je en me retournant. Tu pensais vraiment que je n’essaierai pas de m’enfuir ? Qu’est ce que tu aurais fait à ma place? Criais-je.
— J’aurais sûrement fait la même chose. Mais moi j’aurais réussi. Ricane-t-il. Je ne sais pas si tu es stupide ou si tu aimes souffrir mais tu viens de faire la pire erreur de ta vie.
Je ne regrette rien. Même s’il me tue au moins je me serais battue jusqu’à la fin. Il m’attrape le poignet, au même endroit où il m’a laissé des bleus. Je grimace mais le suis s’en broncher. Nous passons devant Mick qui me regarde navré. Il avait compris ce qu’il allait se passer. Il savait que la porte serait fermée. J’ai été la seule assez naïve pour penser que je réussirais à m'évader aussi rapidement. Je ne réfléchie vraiment pas correctement depuis que je suis là.
Il m’emmène dans une pièce que je ne connais pas. Quelle étrange pièce dans ces souterrains. Un crochet pend du plafond, solitaire et froid. Les murs sont des miroirs sans fin : partout où je tourne la tête, je ne vois que mon reflet. Au début, je cherche mon visage comme on cherche une ancre ; puis la vision m’atteint, nette et implacable.
Je ne me vois pas comme dans mes souvenirs : mes yeux sont creusés, la peau autour de mon poignet porte encore la trace des bleus, mes vêtements défraîchis font peine à voir. Ma posture est raide, mes mains tremblent, et quelque chose dans mon expression — la peur mêlée à une colère incontrôlable — me rend ridicule à mes propres yeux. Chaque reflet multiplie cette image jusqu’à l’absurde : je ne suis plus qu’un corps brisé et fragile, étalée en dizaines d’exemplaires, incapable de me cacher. Je veux détourner le regard, mais les miroirs rendent impossible toute fuite. Ils me renvoient, encore et encore, la version la plus pathétique de moi-même.
Je me détache comme je peux de mon regard brisé. Mon attention se tourne vers le plafond, où se trouve ce crochet. Planté la, seule, entouré de miroirs. Pourquoi ? Est-ce pour suspendre quelque chose … ou quelqu’un ? Est ce que d’autres que moi y ont été attaché, forcés de regarder en continue son image misérable ? Mon ventre se noue à cette pensée. Les mots de Daemon me reviennent comme un écho “des fantasmes particuliers”. Un frisson me traverse jusqu’aux os. Et si ce crochet n’était que l'outil de ses délires ? Et s’il comptait les réaliser sur moi ? L’idée seule me tétanise.
Il sort des menottes de sa poche. Le cliquetis des fers résonne dans la pièce. Je ne cherche pas à résister, je sais que ça empirait la situation. Le métal froid se referme sur mes poignets, puis mes bras se retrouvent tirés vers le haut quand il m’attache au crochet. Mes muscles se tendent. Mes épaules brûlent. Mes pieds touchent le sol. Pas suffisamment pour m’y appuyer. Je bascule constamment sur la pointe. Mes talons ne touchent que par intermittence, et chaque petit mouvement fait hurler mes épaules. Je suis encore plus vulnérable. Je suis suspendue entre soutien et chute, maladroite et à sa merci.
Je lève les yeux vers lui cherchant une trace d'émotion, un indice de ce qui m’attend. Rien. Pas un mot depuis qu’on est descendu de cet escalier. Son silence est plus insupportable que ses sermons. Son pacifisme glacial me broie plus que sa colère.
Il recule d’un pas, croise les bras et m’observe. Son calme n’est que cruauté. Je donnerais tout pour qu’il explose, pour qu’il hurle, pour que je sache ce que je dois faire pour qu’il me laisse en vie. Mais non. Il sourit à peine, un mince rictus, avant de hausser les sourcils l’air joueur comme s’il savourait ma panique à peine dissimulée.
Je hurle en silence dans ma tête. Mille scénarios s’entrechoquent et me pétrifient : va-t-il m’abandonner ici pour m’humilier ? Me condamner à affronter mon propre reflet jusqu’à en perdre la raison ? Ou bien mettre en œuvre ces fantasmes dont il s’est vanté ? Chaque seconde de son mutisme me rapproche un peu plus de la folie.
Je ferme les yeux, juste un instant et je force mon coeur à ralentir. Peu à peu mon souffle s’apaise. La peur me ronge, mais céder ne ferait que lui offrir ce qu’il attend. Alors, je ravale mes sanglots et redresse la tête. Qu’il me laisse suspendu ici. Qu’il me fasse tout ce qu’il veut. Je ne lui donnerais pas cette victoire. Je dois réfléchir, trouver une faille, comprendre pourquoi il m’a amené dans cette pièce. Sa mise en scène à forcément un but.

Annotations