Chapitre 9 (Daemon)
Je m’approche de la cage. L’odeur de sueur et de crasse se mêle à l’humidité de la grotte. Il lève la tête vers moi. Ses traits creusés et sa peau blafarde font pitié. Il n’est plus qu’un déchet humain. Trop facile à briser. Une cage. De l’obscurité. Un manque de nourriture et d’eau. Ce n’est même pas amusant. A peine arrivé qu’il ne me sert déjà plus à rien.
Il se redresse sur ses jambes tremblantes, une fragile colonne de défi dans la pénombre humide. Son regard tente de soutenir le mien, mais je vois au-delà de cette façade de bravoure. Je perçois la faille, ces fissures intérieures que j'ai moi-même creusée.
Ses yeux, censés exprimer la rébellion, ne sont plus que des miroirs vides reflétant une peur si profonde qu'elle en est devenue constitutive. Chaque frémissement de ses paupières, chaque imperceptible recul de sa pupille trahit l'effroi que son corps ne peut plus dissimuler. La tension dans ses épaules n'est pas celle du combat, mais celle de l'animal acculé qui attend le coup fatal.
Je contemple mon œuvre sans satisfaction particulière. Casser un être si faible relève presque de la banalité. Il ne reste de lui qu'une coquille vide, un pantin dont j'ai sectionné les fils sans même y prendre plaisir.
Mon regard se détache de lui pour se poser sur les murs de pierre suintants. Quelque chose en moi cherche encore une étincelle de résistance, un fragment de cette flamme qui brûle toujours chez sa sœur. Mais il n'y a rien. Seulement le silence lourd de la défaite acceptée.
Je pourrais en finir. Il est déjà presque mort. Mais, c’est un bon moyen de pression pour faire céder Aria. Elle est plus dure. Elle se bat vraiment et avec conviction. Elle est certaine de pouvoir me défier, d’être à ma hauteur. Elle pense réellement pouvoir gagner. C’est ce qui rend aussi agréable de lui faire mal. Pour Zack, je n’en retire aucun plaisir, aucun intérêt. Je n’ai rien eu a faire pour gagner. C’est pour moi une défaite.
Il s’approche un peu plus de la grille. Sa puanteur m’arrive aux narines. Je retiens un haut-le-cœur. L'odeur est épaisse, presque palpable. Un mélange nauséabonde de sueur aigre, de blessures infectées et de cette senteur douceâtre de la peur. Elle s'insinue dans l'air humide, se collant à l'arrière de ma gorge. Je sens mon estomac se contracter, une vague de dégoût me submergeant. Ses vêtements en lambeaux sont maculés de traces sombres, et je devine que certaines ne sont pas que de la saleté. Il avance encore d'un pas, et je recule instinctivement, incapable de supporter cette proximité fétide. Dans ses yeux vitreux, je vois qu'il a perdu toute dignité. Cette négation de soi-même est peut-être la pire de toutes ses défaite
— Tu comptes me libérer quand ? Me dit-il avec une voix éraillée.
— Jamais.
Mon ton est calme. Pourtant, il s’agite et frappe les barreaux avec le peu de force qu’il lui reste. Je ne comprends vraiment pas. J'ai choisi l'honnêteté, mais au fond, je me fous de sa désapprobation. Qu'il accepte ma franchise ou qu'il la rejette, cela ne change rien à qui je suis. Son regard assemblé, sa colère prévisible, tout cela glisse sur moi comme la pluie sur la pierre. Si j'avais menti, il m'aurait méprisé. En disant la vérité, il me hait pour ma cruauté. Le résultat final est le même, alors au moins j'aurai la satisfaction de rester fidèle à moi-même.
— Tu ne peux pas faire ça ! Tu n’en as pas le droit ! Hurle-t-il.
— Bien sûr que si.
Mon ton ironique ne semble pas lui plaire. Son visage s'obscurcit. De la sueur perle sur son front. Il est rongé par la rage. Son corps tremble. Il bouillonne. Il tente alors de m’attraper la gorge à travers la grille. Je l’évite facilement. Son mouvement est lent, montrant son corps affaibli.
— Mais j’ai une bonne nouvelle ! Je t’emmène en balade.
Son regard change. De l’espoir ? Non, il ne serait pas si naïf.
Je prends la clef dans la poche arrière de mon pantalon. Le bruit strident du canada me hérisse les poils. Je l’attrape par le poignet et le tire vers l’extérieur de sa cage. Il me dévisage, cherchant à comprendre ce que je manigance.
Je le tire à ma suite. Il ne peut pas deviner ce qu’il l’attend. C’est inimaginable pour quelqu’un de normal. On pense toujours que la vie est simple. Sans accro. Parce qu'on n'imagine jamais croiser ma route. Il aurait pourtant pu l’éviter. Mais la bêtise de l’homme est infinie. J’ai été à sa place. Insouciant. Irréfléchie.
La porte de cette pièce, que je chérie tant aujourd’hui, approche. Je le sens de moins en moins confiant. Il a toujours peur, toujours plus. Il est si facile de le contrôler.
J’ouvre la porte. Zack se fige. Il l’a vu. Il a vu sa sœur. Suspendu la, seule, amorphe. Son corps est moins abîmé que celui de Zack. Nous la nourrissons correctement. Elle pourrait vraiment être utile. Pas lui. Trop faible. Trop lâche.
Je l’avance vers la vitre. Son regard ne quitte pas Aria.
— Alors tu apprécies la vue ? Ricanais-je.
Il ne répond pas. Il reste bouche bée. Surement incapable d’assimiler l’information.
Aria pend au crochet. Endormie ou inconsciente. On l’entretient mais elle dépérit. La position n’est pas évidente. Mais, elle n’a toujours pas craqué. Elle reste forte. Je trouve parfois cette petite femme bien impressionnante comparé à son frère.
J’attache Zack à une barre face à Aria.
— Ne la quitte pas des yeux.
Son regard ne me lâche pas jusqu'à ce que je sorte de la pièce. Dommage que je ne puisse pas voir sa réaction à travers les miroirs. Ce que je m’apprête à faire risque de quelque peu le déstabiliser.
Je me retrouve face à Aria. Son torse se soulève à chaque respiration. Ses yeux papillonnent légèrement lorsque la porte claque derrière moi. Mais, elle ne bouge pas. Son corps est marqué par l’épuisement et pourtant pas une fois elle n’a imploré ma pitié. Pas une fois elle ne s’est avoué vaincu. Elle a beau toujours me dire ce que je veux attendre, je sais qu’elle n’est pas sincère.
Je m’approche d’elle lentement. Ses poignets sont marqués. Son corps semble douloureux. Pourtant son visage est apaisé. J’attrape une mèche de ses cheveux bruns et les approches de mon nez. Son odeur m’enivre. Je n’ai toujours pas eu l’occasion de me taper quelqu'un. C’est uniquement parce que c’est une femme qu’elle me fait cette effet. Je ne dois pas me faire d’illusion.
Ma main descend sur sa gorge. Je la serre légèrement. Suffisamment pour que je sente son souffle tressaillir. Je relâche ma prise et ma main continue son chemin vers sa poitrine. Je me tourne dans la direction de Zack. J’esquisse un sourire en effleurant son sein. La chaleur de son corps se répand dans tout mon corps. Imaginer la réaction de son frère est jouissif.
Je commence à me sentir à l'étroit dans mon pantalon. Je fais doucement le tour d’Aria en suivant la courbe de son fessier. Putain cette femme est horrible. J’ai envie de la prendre maintenant. Son corps frémit sous mon toucher. Je la sens doucement émerger de son sommeil. Je ne veux pas qu’elle me voit. Mon manque de sexe me rend vraiment vulnérable ! Je perds le contrôle.
Je retourne rapidement près de Zack. Il me fusille du regard lorsque j’entre dans la pièce. Son regard s’arrête une seconde sur mon entre-jambe tendue. La colère bouillonne en lui. Ca m’exite d’autant plus.
— Je vais te tuer ! Hurle-t-il.
Je l’ignore. Je m'assois sur le canapé à côté de lui et fixe Aria. Putain. Elle est tellement bonne. Même dans cette position elle est sexy. Elle dégage une sensualité qui me vrille l'estomac. La rondeur de son magnifique cul. La chaleur de ses nichons. Ça donne des visions obscènes. Bordel. J’en salive.
Je sens une tension immédiate dans mon bas-ventre. Je bande comme un puceau à la simple pensée du mot "femme". C'est ridicule. Incontrôlable. Je passe ma main sur ma verge à travers le tissu rugueux de mon pantalon, une pression sourde pour contenir l'urgence. Je suis tellement dure, si tendue, que j'ai l'impression que le tissu va craquer. Une pulsation lourde bat au rythme de mon cœur affolé. Je vais exploser.
Mon regard ne la quitte pas. Chaque micro-mouvement qu'elle fait – un soupir, le froissement du tissu – attise le feu. Je suis un animal en cage, hypnotisé par une proie qui, sans le savoir, tient toutes les clés de mon supplice. Le désir est une lame brûlante qui me transperce. Je ne peux même plus bouger.
— Je vais te trucider sale porc ! Hurle Zack en essayant de se détacher.
Il ne m’intéresse pas. Je suis bien trop captivé par cette créature façonnée par le péché.
Doucement, ses paupières papillonnent. Elle émerge enfin complètement du sommeil. Son regard se pose d'abord, sur le sol de pierre, comme si elle cherchait ses repères dans la poussière. Puis, lentement, ses yeux noisette se lèvent et viennent se poser sur moi.
Et je me perds. Son regard est un puits, une tempête silencieuse. Il y a de la confusion, de la peur, mais aussi une lucidité troublante qui me transperce. Ce n'est plus la proie effarouchée, c'est autre chose. Une prise de conscience qui la rend dangereuse et infiniment désirable.
Sans réfléchir, obéissant à une pulsion primitive, ma main se porte à ma ceinture. Les doigts agiles, je déboutonne mon jean et libère ma verge. Ma peau est tendue, brûlante. Le simple contact de l'air, le soulagement de la pression, est une agonie exquise. Je suis tellement pris, tellement saturé de désir pour elle, qu’un simple frôlement de mes propres doigts, m'amène déjà au bord du précipice. Un frisson violent me parcourt l'échine. Je retiens mon souffle, les yeux rivés aux siens, à la merci du moindre de ses mouvements.
— Espèce de monstre. Pleure Zack. Il se recroqueville sur lui-même et se cache le visage.
Ma main parcourt mon membre de haut en bas, le mouvement s'accélérant, devenant presque frénétique. Aria continue de me fixer, son regard noisette empreint d'une intensité qui me transperce. Mon souffle devient haletant, saccadé. Mes jambes tremblent, une faiblesse qui se propage dans tout mon corps. Bordel, mais qu'est-ce qu'elle me fait ? Cette fille me réduit à l'état de bête, pantelante et vulnérable.
J'accélère encore mon va-et-vient, la pression devenant insoutenable. Puis c'est l'explosion, violente, incontrôlable. Je jouis dans un grognement étouffé, le corps secoué de spasmes, les doigts crispés sur mon membre.
Quand la vague retombe, la honte et la colère montent d'un coup. Ce n'est plus possible. Je dois absolument faire quelque chose. C'est la deuxième fois que je me branle à cause d'Aria. La deuxième fois que je perds le contrôle à son contact. J'ai vraiment un problème. Est-ce sa captivité qui m'excite autant ? Cette idée qu'elle est à ma merci, que je pourrais... Sa soumission imminente ? Cette frontière trouble entre la domination et le désir qui s'embrouille dans ma tête ?
Non. Je dois arrêter ça dès maintenant. Reprends-toi, Daemon ! Je me sermonne intérieurement. Tu as été faible une fois. Tu n'as plus le loisir de pouvoir l'être à nouveau. Chaque faille est un risque, chaque perte de contrôle une menace pour tout ce que j'ai bâti.
Je remonte mon pantalon d'un geste sec, la fermeture éclair claquant dans le silence. Je soupire, un son lourd de frustration et de résignation. C'est la dernière fois. La dernière fois que je me laisse aller, que je me laisse dominer par ce... ce sentiment. Je me lève, détournant le regard d'Aria. Je ne peux plus me permettre de la regarder. Pas comme ça.
Des sanglots étouffés parviennent à mes oreilles, déchirant le silence lourd de la pièce.
Je tourne la tête vers mon prisonnier. Zack. Je l'avais oublié. Complètement. Pourtant il était là, à quelques mètres, témoin impuissant de ma déchéance.
Je ne suis pas particulièrement exhibitionniste. Montrer ma force, oui. Instiller la peur, certainement. Mais cette scène... ça ne fait pas partie de mes fantasmes. Pourtant, j'étais tellement excité, tellement absorbé par Aria, son regard qui me dévorait vivant, que son frère a cessé d'exister dans mon champ de conscience.
Je perds totalement le contrôle avec elle. Cette réalisation me glace. Je dois le reprendre. Immédiatement.
Je me lève, les jambes encore légèrement tremblantes, et m'approche de Zack. D'un geste sec, je détache ses liens. Le métal claque contre le sol. Je voulais seulement lui montrer sa sœur. Lui faire comprendre à quel point elle était à ma merci. J'ai un peu dérapé. Mais ça a quand même eu l'effet escompté, et au-delà.
Je regarde son visage. Le peu d'espoir qui lui restait est mort. Complètement éteint. Il est brisé, d'une façon définitive. Son regard ne voit plus rien, comme si son âme avait déserté son corps.
Quelques instants plus tard, Jimmy passe le prendre pour le ramener en cellule. Zack peine à marcher, ses jambes refusant de le porter. Des larmes continuent de couler sur ses joues, silencieuses, comme mécaniques. Son visage est un masque de cire, sans vie, sans expression.
C'était trop pour lui. Trop violent. Trop humiliant. Et c'était trop facile. Il n'y a aucune satisfaction à briser quelque chose qui s'est déjà brisé tout seul. Rien d'amusant. Juste un goût de cendre dans la bouche et la conscience aiguë que je viens de franchir une ligne dont je ne pourrai plus jamais revenir.

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